Selon les défenseurs de la mesure, la réduction des vitesses maximales sur les voies traversant les agglomérations permettrait de limiter la pollution de l'air. Cependant, l'effet positif sur la qualité de l'air fait polémique, surtout depuis que Bertrand Delanoë a soumis au Conseil de Paris une proposition visant à limiter à 70 km/h le boulevard périphérique, contre 80 km/h aujourd'hui, et à 30 km/h certains quartiers et grands axes parisiens.
Ces mesures ont soulevé l'ire des défenseurs des automobilistes, à l'image de l'Automobile club association (ACA) qui "rejette l'idée d'une généralisation des zones 30 à Paris et demande au Conseil de Paris de soumettre cette question pour avis aux électeurs".
Leur crainte ? Que "le concept des zones 30 [ne devienne] une nouvelle norme urbaine". Effectivement, la mesure est dans l'air du temps et séduit un nombre croissant de communes à l'image de la limitation à 70 km/h de la traversée du centre de Lyon (Rhône) par l'autoroute A7 et l'extension progressive de la mesure à l'ensemble des voies rapides du Grand Lyon, de la mise en place de zones à 30 km/h dans les centres-villes et les quartiers pavillonnaires de huit communes de Seine-Saint-Denis ou encore de l'extension de la zone 30 à la quasi-totalité de Strasbourg (Bas-Rhin), mesure proposée par la commune mais rejetée par referendum.
Pour autant, la limitation des vitesses réduit-elle vraiment la pollution atmosphérique ? L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a tenté de répondre à la question.
Effet de proximité
La logique semble imparable : la baisse de vitesse se traduirait par une baisse de la consommation de carburant du véhicule et donc des émissions de polluants primaires associées à la combustion du carburant. Reste que la réalité est bien plus complexe.
"Nous venons de réaliser un travail qui passe en revue les études relatives à l'impact de la vitesse automobile sur la qualité de l'air", explique Joëlle Colosio, responsable du Service de l'évaluation de la qualité de l'air, évoquant des résultats variables selon les vitesses et les axes routiers.
En introduction, la responsable de l'Ademe lance un avertissement : "en matière de qualité de l'air, l'efficacité de la mesure est souvent limitée à la proximité proche des zones de mise en œuvre". Pas de miracle à escompter, "la mesure doit s'inscrire dans une stratégie globale d'amélioration de la qualité de l'air".
La ville de Berlin illustre parfaitement cette approche, selon Joëlle Colosio. Après avoir interdit l'accès de la capitale allemande aux véhicules diesel les plus anciens, la municipalité envisage maintenant de réduire les vitesses de certains des axes présentant encore des dépassements des seuils réglementaires.
Effet positif sur voies rapides
Les choses se compliquent encore lorsqu'on évalue l'impact de la baisse des vitesses en fonction des voies auxquelles on applique la mesure. Selon les résultats de l'Ademe, la situation la plus claire concerne les voies rapides.
Sur ces voies, une baisse de 10 km/h de la vitesse maximale permet de diminuer jusqu'à 20% les émissions de d'oxydes d'azote (NOx), de particules fines (PM2,5) et de CO2, un gaz à effet de serre. Le succès de la mesure s'explique par le profil des émissions polluantes qui, à grande vitesse, associe une hausse de la pollution à l'augmentation de la vitesse des véhicules. Au-delà de 80/90 km/h le lien est établi et tout abaissement de la vitesse est donc bénéfique.
"C'est la situation la plus évidente", estime Joëlle Colosio, ajoutant que les stratégies de réduction de la vitesse sur les autoroutes urbaines vont dans le bon sens. Néanmoins, la spécialiste de la qualité de l'air attire l'attention sur le fait qu'en deçà du seuil de 80/90 km/h, l'efficacité de la mesure "est moins évidente et dépend des types de véhicules qui circulent (poids lourds, véhicules particuliers..). Dans tous les cas des campagnes de mesures spécifiques à chaque situation sont nécessaires pour évaluer l'impact de la mesure".
Question de fluidité
En ville, le passage de 50 km/h à 30 km/h permet d'obtenir "des résultats très variables voire contradictoires", explique Joëlle Colosio, avançant des évolutions allant d'une baisse de 10% à une hausse de 30% des émissions selon les polluants pris en compte et selon les études.
Dans les faits, l'amélioration de la qualité de l'air dépend surtout de la fluidité du trafic qualifiée d'"élément clé". Il s'agit en particulier de tenir compte de l'ensemble des obstacles qui peuvent dégrader la fluidité du trafic (dos d'âne, coussins berlinois, chicanes, etc…).
Ces résultats contrastés s'expliquent par le profil des émissions qui fait apparaître des émissions polluantes importantes de 0 à 50 km/h et en particulier en phase d'accélération. "Les moteurs ne sont pas adaptés pour de telles vitesses", rappelle la spécialiste qui fait état "d'émissions élevées de CO2, de NOx et de particules fines".
"Du point de vue de l'Ademe, la baisse des vitesses en ville, ne peut être qu'une mesure à la marge dont l'effet positif éventuel se limite à la proximité des zones 30", conclut Joëlle Colosio, rappelant que "l'Agence n'a de cesse d'appeler le développement de solutions de déplacement gagnant gagnant pour la qualité de l'air et le climat qui permettent la mise en place d'offres de mobilité large depuis les modes « actifs » (vélo, marche) jusqu'aux services à la mobilité multiformes (autopartage, covoiturage, etc…)".