Drainage, urbanisation, évènements climatiques exceptionnels et prolifération d'espèces envahissantes : les zones humides (1) sont soumises à rudes épreuves. En France, 48% d'entre elles se dégradent, 42% restent stables et seulement 11% s'améliorent depuis 2000, selon une enquête nationale " à dire d'experts " du ministère en charge de l'Écologie (2) .
Entre avril et juin 2011, 200 spécialistes de différents organismes (établissements publics, collectivités territoriales, associations) ont renseigné des questionnaires portant sur 152 sites (dont 23 en outre-mer). Cette démarche s'inscrit dans le Plan national d'action en faveur des zones humides.
L'analyse des questionnaires par le ministère montre que différents phénomènes ont accentué la dégradation des zones humides. "Entre 2000 et 2010, la fréquentation et l'urbanisation sont les activités humaines qui progressent le plus, tandis que la chasse et l'agriculture s'intensifient localement dans certains sites, constate l'étude du ministère de l'Ecologie, la pression anthropique est plus marquée dans les vallées alluviales, conséquence d'un grand nombre d'activités par site - 13 en moyenne - dont l'exploitation de granulats".
Le territoire le plus touché ? Avec une augmentation importante de son agriculture, une pression accrue de l'urbanisation ainsi qu'une fréquence plus grande des inondations et tempêtes, le littoral atlantique apparaît particulièrement fragilisé, par rapport à la décennie précédente. En particulier, les changements de pratiques culturales comme le drainage, l'assèchement, le comblement, l'intensification agricole ou sylvicole, la déprise agricole, l'abandon de l'entretien affectent les prairies, les landes et les ripisylves (3) .
70 % des sites impactés par les événements climatiques
D'une manière générale, les événements climatiques perturbent l'équilibre des zones humides. 70% des sites s'avèrent ainsi impactés par des inondations, crues, sécheresses dans les vallées alluviales, ou tempêtes sur le littoral atlantique et méditerranéen.
Les experts ont également constaté que l'eutrophisation, la pollution par des produits phytosanitaires ou des hydrocarbures altéreraient près de la moitié des zones humides. Autre élément perturbateur : l'augmentation ou la réduction des assecs lors de la gestion des niveaux d'eau des ouvrages hydrauliques.
En revanche, alors que l'envasement était le phénomène le plus cité dans l'évaluation menée pour la période 1990-2000, il devient désormais plus localisé.
La menace grandissante des espèces exotiques envahissantes
Les espèces exotiques envahissantes, qu'elles soient animales ou végétales, constituent une menace de plus en plus importante pour les zones humides. Elles entrent en compétition avec d'autres espèces, s'accaparent une part importante des ressources et induisent des déséquilibres importants au sein des écosystèmes. Les experts soulignent que ces dernières ont étendu leurs aires de répartition en métropole, entre 2000 et 2010.
Désormais, seulement 3% des sites de métropole et 48% de ceux d'outre-mer sont épargnés par ce problème. Les plus problématiques, parmi les espèces végétales, restent les jussies et les renouées qui colonisent aujourd'hui plus de la moitié des sites.
Concernant les animaux, la Bernache du Canada a étendu sa présence dans 11 zones nouvelles, notamment dans les vallées alluviales. Le Ragondin, quant à lui, est recensé dans presque 80% des sites en 2010.
La prolifération excessive d'espèces indigènes peut également poser problème. Les expansions les plus préoccupantes sont celles d'espèces comme les grands cormorans, les sangliers et les cygnes tuberculés.
Natura 2000, principal facteur d'extension des milieux humides
Pour tenter de conserver le bon état des zones humides, différentes actions sont entreprises notamment sur le littoral méditerranéen. Ainsi, la mise en oeuvre de Natura 2000 serait "le principal facteur d'extension des milieux humides", selon les experts.
Naturelle ou liée à des interventions humaines, plus d'un quart des sites évolueraient vers une restauration du milieu (notamment les annexes alluviales, les eaux libres stagnantes et courantes douces ainsi qu'aux prairies).
Arrachages manuels et mécaniques, fauchages et coupes, tirs de destruction ou d'effarouchement, piégeages ou encore de plans de chasse : des actions de limitations des espèces envahissantes sont menées sur 79% des sites.
Pour l'horizon 2010-2020, les experts restent cependant prudents sur les perspectives d'évolution des sites. Pour eux " 40% des sites ont un avenir stable ou favorable, 5 % un avenir défavorable, et 48% un avenir incertain".
Perte de 50% de la superficie des zones humides à l'international
Au niveau international, le rapport "L'économie des écosystèmes et de la biodiversité pour l'eau et les zones humides" (4) du Programme des Nations unies pour l'environnement met en exergue la perte de la moitié des zones humides, entre 1900 et 2003. Les résultats de ce dernier ont été présenté lors de la 11ème conférence des Nations unies sur la biodiversité (en Inde). Depuis 1980, la couverture des forêts de mangroves a reculé de 20%.
"Les politiques ne prennent pas souvent en compte les nombreux services que procurent les zones humides, a regretté dans un communiqué, Achim Steiner Directeur général du Programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue), il y a un besoin urgent de mettre ces sites au cœur de la gestion de l'eau afin de répondre aux besoins sociaux, économiques et environnementaux d'une population mondiale qui devrait atteindre 9 milliards d'ici 2050" .