
Incompréhension entre les agriculteurs et l'administration
Mais sur le terrain, la mise en œuvre de ces textes semble encore complexe et difficile. À l'occasion d'un colloque de l'Assemblée Permanente des Chambres d'Agriculture (APCA) le 21 janvier dernier, les chambres d'agriculture ont fait part des difficultés d'interprétation des textes par les différents acteurs locaux. La définition même des zones humides semble encore poser problème alors que cette classification détermine fortement l'activité agricole possible dans ces zones : ''dans le cadre de la réalisation du SAGE de la Vienne, les inventaires des zones humides ont été réalisés par cartographie et par expertise visuelle mais avec très peu de visite de terrain'', a témoigné Bernard Goupy de la Chambre Régionale d'Agriculture du Limousin. ''Quelles valeurs juridiques doit-on donner à ces inventaires'', s'interroge-t-il tout en déplorant l'absence de méthodologie nationale. Selon Alexis Delaunay de l'Office National de l'Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA), cette mésentente est à l'origine de nombreux problèmes juridiques entre agriculteurs et administration qui se règlent devant les tribunaux : ''dans certaines affaires, c'est la cour de cassation qui a dû déterminer ce qu'était une zone humide'', explique-t-il.
Récemment, les critères de définition et de délimitation des zones humides ont été précisés par un arrêté daté du 1er octobre 2009, ce qui pourrait améliorer les choses. L'annexe relative aux types de sols concernés a été modifiée de manière à mieux cibler les zones humides. De plus, le préfet peut désormais décider d'adopter un arrêté préfectoral afin de délimiter les zones humides. Cependant, les chambres d'agriculture pointent déjà du doigt d'autres points d'incompréhension comme les pratiques de drainage et d'assèchement.
Ces deux pratiques agricoles font l'objet d'une réglementation basée sur le principe de la déclaration et de l'autorisation en fonction de la superficie concernée sachant que l'assèchement est plus fortement réglementé que le drainage. Mais selon les chambres d'agriculture, les services de police de l'eau auraient tendance à appliquer les dispositions les plus sévères sans distinguer les deux pratiques. ''Les zones humides sont au cœur d'un imbroglio juridique bien difficile à suivre pour les non initiés'', constate Jacques Ménard, Co-président de la Commission Environnement et biodiversité de l'APCA. La profession exige par conséquent un recadrage de la part du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer (MEEDDM). Selon Gilles Van Peteghem du MEEDDM, une circulaire devrait être diffusée prochainement pour clarifier la situation.
Besoin de concertation en amont
Il semblerait toutefois que les chambres d'agriculture ne se contentent pas d'une superposition de textes et prônent plutôt un meilleur dialogue en amont : ''il faut harmoniser et favoriser la concertation entre tous les acteurs pour avoir une lecture commune (…) sinon on risque d'aller au conflit'', explique Jacques Ménard, Co-président de la Commission Environnement et biodiversité de l'APCA. ''Il faut trouver le juste milieu entre la protection des milieux et l'équilibre économiques de nos exploitations'', ajoute-t-il.
Le MEEDDM a installé en avril 2009 un groupe de travail chargé de faire un bilan des dispositions de gestion durable et de proposer des mesures incitant à la préservation et à la restauration des zones humides auquel l'APCA a participé. La secrétaire d'Etat à l'écologie Chantal Jouanno doit présenter aujourd'hui un plan d'action pour la sauvegarde des Zones Humides issues des réflexions de ce groupe de travail.