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L'empreinte eau : une méthodologie environnementale en cours d'élaboration

Alice Debiasi, Consultante RSE chez Bossa Verde, diplômée du Mastère spécialisé en Ingénierie et Gestion de l’Environnement MINES ParisTech ISIGE, nous propose un avis d’expert sur l’empreinte eau.

Publié le 06/05/2011

L'eau est une ressource naturelle qui fait face à une pression en constante augmentation. Tout l'enjeu de l'empreinte eau, outil récent et encore en construction, est :

1- d'aider les organismes publics et privés à gérer les problématiques locales environnementales, réglementaires, économiques et sociales liées à la ressource,

2 - de permettre au consommateur d'avoir accès à une information relative aux enjeux « eau » du produit ou service qu'il consomme, dans la lignée des objectifs de l'affichage environnemental.

Le concept d'empreinte eau : d'un outil étatique à un instrument de mesure industriel

Issue de l'évolution de la notion d'eau virtuelle et conçue pour les Etats1, l'empreinte eau « entreprise » a pour ambition d'évaluer toute l'eau directe et indirecte2 utilisée et consommée lors de la production d'un bien ou d'un service. On distingue trois catégories d'eau :

• L'eau bleue correspond à l'eau prélevée dans les cours d'eau de surface (rivières, lacs, …) ou dans les eaux souterraines (nappes phréatiques, nappes fossiles, …)

• L'eau grise est le volume d'eau qu'il serait nécessaire d'utiliser pour diluer les polluants usités, et ce  jusqu'à atteindre les plafonds légaux fixés soit par l'Etat, soit par l'Organisation Mondiale de la santé

• L'eau verte reprend en fait l'eau consommée ou évaporée par les plantes lors du phénomène naturel d'évapotranspiration3 (volume d'eau transféré du sol à l'atmosphère via l'évaporation au niveau du sol et la transpiration des plantes)

La méthodologie à employer : des débats persistants

La(es) méthodologie(s) élaborée(s) au cours des 10 dernières années4 sur l'empreinte eau entreprise n'ont pas mis fin aux débats. Divers points d'achoppement persistent :

Eau grise : un calcul très complexe

Si l'on veut strictement appliquer le principe de dilution des polluants utilisés, qu'ils soient rejetés ou non dans l'eau, jusqu'à atteindre les seuils fixés par l'OMS, il faut avoir à sa disposition plusieurs données :

  • le type de polluants rejetés (se pose alors la question des cocktails de polluants)
  • la quantité desdits polluants
  • le volume d'eau dans lequel ils sont rejetés (et sous entendu où : la nappe phréatique ? La rivière ?)
  • la qualité de l'eau dans laquelle ils sont rejetés, car le volume d'eau nécessaire à la dilution du produit augmente en fonction de la qualité de l'eau et donc de sa capacité à diluer

Toutes ces données, très délicates à obtenir en entreprise, font du calcul de l'eau grise un véritable chemin de croix. Par ailleurs l'eau grise sous sa forme actuelle ne permet pas de tenir compte de plusieurs problématiques liées à la pollution des eaux. Par exemple, l'eau polluée traitée rentre dans les normes nationales ou sous le seuil fixé par l'Organisation Mondiale de la Santé mais ne retrouve pas la qualité qu'elle avait avant d'être utilisée. De même, l'absence de prise en compte des cocktails de toxiques, de l'eutrophisation, ou du rejet dans de l'eau déjà polluée au potentiel solvant diminué ne sont pas pris en compte dans cette méthodologie.

Empreinte eau verte : comprendre les enjeux de l'indicateur avant de chercher à le réduire

Les options possibles pour diminuer l'eau verte sont à manipuler avec précaution car elles peuvent s'avérer à double tranchants. Par exemple, augmenter l'irrigation des cultures ou bien accroitre le rendement des cultures permet de faire diminuer mécaniquement le volume d'eau verte. Or ces choix entrainent une hausse de l'eau bleue, un type d'eau bien plus important pour une société dans la mesure où il peut être maitrisé et où il est totalement imputable à l'activité de l'entreprise. Cela peut aussi entrainer de sérieuses questions liées à l'empreinte écologique, notamment sur l'allocation des sols ou leur épuisement.

En revanche, l'eau verte peut donner de véritables indications aux entreprises désireuses de faire des choix responsables sur le lieu d'implantation des cultures des matières premières nécessaire à la production. En travaillant sur les problématiques de traçabilité et de sourcing et en répercutant les résultats obtenus sur la politique d'achat, il est possible d'encourager à l'aide de cet outil la production de matières premières dans le milieu où elles sont naturellement le mieux adaptées et où leur impact global est le plus faible.

Périmètre : eau consommée et utilisée ?

Il est indispensable de s'accorder sur le sujet et le périmètre d'étude dans le cadre d'une analyse environnementale afin d'obtenir une méthodologie unique et des résultats comparables entre produits. Pour l'empreinte eau, si la question de comptabiliser l'eau directe et indirecte a été réglée d'entrée de jeu, d'autres problématiques persistent concernant le périmètre :

  • Le périmètre définitif du cycle de vie des produits étudié lors de la réalisation d'une empreinte eau reste à délimiter. Ainsi les méthodologies actuelles présentent des périmètres variables (usine seule, usine et matières premières, avec ou sans packaging, …) et ne vont pas toutes jusqu'à une approche complète du cycle de vie (du berceau à la tombe), alors que les étapes d'utilisation et de recyclage consomment également de l'eau
  • La distinction entre eau bleue consommée (l'eau qui a été évaporée au cours du processus de fabrication ou intégrée dans le produit final) et eau bleue utilisée (eau nécessaire à la production du produit puisque pompée par l'entreprise pour alimenter le processus de fabrication, mais  ni évaporée ni intégrée au produit pour autant) doit être actée et précisée lors de la réalisation de l'empreinte eau d'un produit ou service afin de donner une vision claire à l'entreprise de ses dépendances et des risques liés à la production.

Une méthodologie compatible avec l'ACV

Si la méthodologie a suscité et suscite encore bien des débats, et est donc appelée à ce titre à poursuivre son évolution, l'empreinte eau est un outil qui commence d'ores et déjà à être utilisé par les sociétés en utilisant la technique de l'Analyse du Cycle de Vie (évaluation, interprétation et analyse des impacts) et les bases de données existantes.

En parallèle, ISO se livre à un nouvel exercice de rédaction au travers de la norme ISO / PWI 14046 qui « établirait les principes, les exigences et les lignes directrices pour une mesure de l'empreinte eau des produits, processus et organisations, sur la base des indications sur l'évaluation de l'impact données dans ISO 14044 ». Le texte qui devrait en sortir cherche donc explicitement à rendre empreinte eau et ACV compatibles tout en harmonisant définitivement les questions de méthodologie. La norme ISO devrait également donner aux entreprises les moyens de communiquer sur leur empreinte, chose actuellement difficile aux vues des volumes évalués (l'ampleur des chiffres choque plus lorsque l'on parle de m³ que de kg eq. CO2). Le code couleur reste par ailleurs difficilement compréhensible pour les non initiés, et les concepts qu'il traduit encore plus.

L'empreinte eau, et l'urgence de sa mise en place opérationnelle, réside dans la nécessité pour les entreprises d'appréhender au mieux les problématiques locales environenmentales sociales et économiques liées à l'eau. Il est cependant évident que l'outil doit encore évoluer pour répondre aux impératifs de pertinence, de transparence et de clarté des sociétés. A terme, il est fort possible que la combinaison des ACV carbone et des ACV eau donne naissance à un outil unique qui facilitera la gestion de ces enjeux pour les entreprises.

Avis d'expert proposé par Alice Debiasi, Consultante RSE chez Bossa Verde.

1 L'empreinte eau « Etat » a pour ambition d'évaluer toute l'eau directe et indirecte utilisée pour la production des biens et services consommés par les habitants du pays en question ainsi que l'eau utilisée pour fabriquer les produits destinés à l'exportation (l‘empreinte eau interne), et également l'eau importée par le biais de produits pour soutenir la consommation nationale (l'empreinte eau externe)
2 L'eau directe est le volume d'eau utilisé directement par une unité de production, tandis que l'eau indirecte correspond au volume d'eau nécessaire à la production des biens / matières premières requis pour le fonctionnement de ladite unité de production
3 On peut se baser sur l'évapotranspiration réelle (constatée et dument calculée pour une espèce en un point donné à une époque donnée) ou sur l'évapotranspiration potentielle (calcul théorique basé sur des données les plus précises possibles sur le type de plantes, le temps d'étude et la localisation géographique) selon les données disponibles
4 Un aperçu (non exhaustif) de l'existant : Global Water Tool, World Business Council for Sustsainable Development (2007) ; Water Footprint Method, Water Footprint Network, Messieurs Chapagain et Hoekstra (2008) ; Assessing water in LCA, Bayart (2008) ; Assessing Freshwater use impacts in LCA, Mila I Canals et al. (2008) ; Environmental impacts of freshwater consumption in LCA, Water Stress Index, Pfister et al. (2009) ; World Ressource Institute's water risk index, …

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