L'industrie fortement consommatrice d'énergie a besoin d'outils simple d'aide à la décision. Nombre de programmes d'audits énergétiques des procédés industriels ont été menés ces dernières années, à coup de subventions. Et pourtant, ils ont échoué à mobiliser les industriels, et notamment les PMI, à passer à l'acte et investir dans l'optimisation thermique de leurs procédés.

Audit énergétique : le grand oublié de l'industrie

Que veut dire optimiser les procédés ? Souvent, la réponse se résume à améliorer le rendement, améliorer la qualité et la flexibilité de la ligne de production, pour mieux répondre à la demande du client. L'aspect coût énergétique par unité produite est souvent négligé ou même inconnu car, souvent, l'information fine sur la consommation énergétique suivie dans le temps n'est pas disponible. Cela fait, bien évidemment, le bonheur des fournisseurs d'énergie…

L'optimisation énergétique ou thermique est une affaire de spécialistes de la thermique, elle consiste à analyser les besoins en chaud et en froid et identifier les températures et puissances mises en jeu. L'étape suivante est de modéliser ces flux d'énergie en intégrant les rendements de production et de distribution et cela selon les cycles temporels de production.

Ensuite, la tache la plus urgente du thermicien est de profiter des calories disponibles (chaleur ou froid) sur une ligne, pour alimenter les besoins de chaud ou froid d'un autre flux. Cette technique, connue depuis les années 80 sous le nom de l'analyse de pincement, permet d'identifier les gammes de température et de puissance où l'échange thermique est faisable et surtout rentable. L'exemple le plus simple serait d'utiliser les flux disponibles pour chauffer ou rafraichir un local ou des bureaux.

L'analyse des flux ne se limite pas au concept du pincement mais également à l'adjonction d'équipement de production à base d'énergies renouvelables, ce qui suppose de les dimensionner et de quantifier leur retour sur investissement.

Un thermicien, pourquoi faire ?

Très peu d'industriels ont la possibilité d'avoir recours en interne à la compétence d'un ingénieur thermicien, sauf si l'activité est directement liée à la production d'énergie. Cela est d'autant vrai pour les PMI qui voient leurs factures énergétiques s'alourdir sans représenter un coût brut suffisamment important pour passer à l'action.

L'absence de thermicien dans nos industries s'explique par le faible prix de l'énergie et justifie le non développement des compétences en interne. Cette fonction tend à se développer dans les grands groupes à travers l'apparition du poste ‘Mr énergie' avec la responsabilité de mettre en place les normes et les bonnes pratiques en matière d'énergie.

Un nouvel outil pour démocratiser les méthodes

Le projet européen EINSTEIN (Expert system for an INtelligent Supply of Thermal Energy in INdustry) financé par le programme européen Inteligent Energy Europe, depuis 3 ans, tente d'apporter une solution et semble atteindre sa maturité : l'outil a été finalisé et testé sur environ 70 audits en Europe et une dizaine en France.

L'outil EINSTEIN est un logiciel libre de tout droit, développé par une communauté d'experts énergéticiens. Il se différencie des autres outils payants par l'apport d'une aide à la décision à l'industriel sur les problématiques : • thermiques des procédés • aide au dimensionnement des solutions de récupération et de production d'énergie • chiffrage économique. L'outil peut hiérarchiser les meilleures technologies disponibles en fonction de la réduction induite du coût énergétique et le retour sur investissement.

Professionnels et institutionnels se mobilisent

Les entreprises qui ont participé à cette phase de test s'accordent à relever la rapidité de l'intervention. Dès la collecte des données sur la consommation énergétique, l'auditeur est aidé par l'outil EINSTEIN à se focaliser sur les points noirs et, après analyse, propose une série d'alternatives qu'il s'emploie à dimensionner et à chiffrer.

Les bureaux d'études formés par le consortium en charge du programme européen et pilotés en France par la CCI de la Drôme sont au nombre de 16 à ce jour et ont participé activement durant les huit derniers mois à tester l'outil sur des cas réels. Les nouvelles fonctionnalités permettent d'intégrer : • le bâtiment de bureaux ou ateliers dans l'optimisation énergétique du site industriel • les besoins spécifiques de chauffage, confort d'été ou encore d'eau chaude sanitaire.

La confiance en cet outil s'est matérialisée récemment par la reconnaissance de l'ADEME Rhône Alpes de sa pertinence. Désormais, les entreprises faisant appel à un bureau d'études proposant cet outil pourront bénéficier d'une subvention à hauteur de 50% du coût de l'étude.

Vers une industrie efficiente et compétitive…

L'audit énergétique dans les procédés industriels présente un intérêt certain pour réduire les coûts. Il est urgent d'anticiper les évolutions du marché de l'énergie et se préparer à rester compétitif, les industriels le savent. La nouveauté est la disponibilité de l'outil libre ENSTEIN, amené à maturité par le contribuable européen, et qui devra vivre et se développer de manière autonome par l'apport des développeurs et bureaux d'études spécialisés, mais surtout grâce aux industriels qui d'ores et déjà lui font confiance. L'enjeu est celui de la démocratisation des méthodes d'audit énergétique et l'appropriation des bénéfices à en tirer par l'ensemble des acteurs économiques.

Avis d'expert proposé par Anas Benslimane, gérant de la société Sunvalor.