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AccueilArmand DutreixLa révolution à venir dans le bâtiment impose de changer les paradigmes des méthodes de conception

La révolution à venir dans le bâtiment impose de changer les paradigmes des méthodes de conception

Armand Dutreix, ingénieur énergéticien, nous propose un Avis d'expert sur la nécessaire évolution des méthodes de conception des bâtiments pour concevoir des ouvrages qui consomment peu ou pas d'énergie.

Publié le 02/07/2010
Le Grenelle de l'environnement, à travers sa traduction dans la future réglementation thermique, la RT 2012, nous invite à concevoir des bâtiments énergétiquement très performants. Le niveau BBC (Bâtiment à Basse Consommation), encore considéré par nombre d'acteurs du bâtiment comme le summum de la qualité, devient le « bas de gamme », en deçà duquel il est interdit de construire. La limite des modèles actuels de conception Depuis la première crise pétrolière en 1973, les réglementations thermiques successives ont incité, comme solution unique et universelle, à « lutter contre l'environnement climatique », en isolant de mieux en mieux l'enveloppe des bâtiments, tout en la rendant totalement étanche à l'air extérieur. On constate pourtant que cette solution simple en apparence, faisant fi de l'environnement extérieur comme du confort des usagers, ne suffit plus à elle seule pour atteindre le niveau BBC. Doubler l'épaisseur d'isolant permet, théoriquement seulement, de diviser par deux les déperditions. Il arrive pourtant un moment ou le doublement de cette épaisseur d'isolant rencontre de multiples difficultés concrètes. Nous pouvons en citer trois principales : la difficulté technique à mettre en œuvre des isolants de plus en plus épais, la prépondérance émergeante des ponts thermiques et des auxiliaires techniques dans le bilan énergétique, et surtout le coût en énergie grise de cette isolation renforcée. Cette approche purement technologique de la maîtrise des consommations engendre des difficultés indirectes de plus en plus fortes, liées entre autres au confort et à la qualité de l'air intérieur des bâtiments, et à la difficulté à maitriser les problématiques de vapeur d'eau. Un bâtiment BBC de conception traditionnelle présente un bilan en énergie grise d'au moins 50 kWh/(m².an), parfois supérieur à la consommation intrinsèque de l'enveloppe du bâtiment, fixée normativement entre 40 et 60 kWh/(m².an) selon la région. Réduire encore les déperditions de l'enveloppe induit alors une surcharge en énergie grise inadmissible : l'économie apparente se traduit dans les faits par une consommation accrue d'énergie globale, invisible car en partie dissimulée dans les matériaux et les technologies employés. Une méthodologie dépassée Ajouter en permanence de la technologie ne permet plus de progresser dans la performance énergétique, malgré des surcoûts d'investissement devenant rédhibitoires. La RT2012 évoque du bout des lèvres la solution, par le nouveau coefficient Bbio : le coefficient de « besoin bioclimatique », défini par la méthode de calcul Th-BCE 2010, déjà controversée car ignorant certains des fondements même du bioclimatisme, et favorisant à nouveau la technologie électrique au détriment des solutions architecturales et des énergies renouvelables. Cette notion ancestrale de bioclimatisme, oubliée durant l'ère du pétrole roi, ne coule pas de source : elle implique un savoir-faire à reconstruire et une vision renouvelée de l'art architectural. Pour concevoir un bâtiment bioclimatique, performant et durable, la seule qualité esthétique et artistique ne suffit pas, la technologie encore moins. Une approche scientifique des formes et des matériaux s'impose, incorporant dans la réflexion les aspects énergétiques de la conception. Le trait de l'architecte doit se doubler d'une compréhension énergétique du sens du trait. Or, jusqu'à aujourd'hui, la méthodologie généralement en œuvre, en particulier dans les concours d'architecture, ne laisse aucune disponibilité à l'architecte pour analyser les conséquences énergétiques et environnementales de son dessin. Ni par les moyens financiers et temporels alloués, ni par les prescriptions et les critères de jugement du maître d'ouvrage, ni par les habitudes de conception architecturale. On ne demande jamais à l'architecte d'évaluer le coût global pour les futurs utilisateurs, énergétique et environnemental, de la construction projetée. Seul le montant initial de l'investissement importe. L'architecte conçoit ainsi seul son œuvre, et arrivé en phase APS, voire parfois seulement en phase APD, il s'interroge enfin sur le « comment chauffer et rafraichir ». Le thermicien intervient alors, pour déterminer le « comment consommer ». Il est trop tard pour s'interroger sur le « pourquoi consommer ». Changer les repères conceptuels Pour concevoir un bâtiment qui consomme peu ou pas d'énergie, il est nécessaire de revenir aux fondamentaux de la conception architecturale, adaptée au site et aux besoins du confort humain, considérant l'environnement climatique comme une richesse et non comme une contrainte, et acceptant le besoin énergétique du bâtiment comme une imperfection de l'architecture. La « signature architecturale » doit redevenir la conclusion d'une réflexion, elle ne doit plus être une fin en soi, suffisante à juger du travail de l'architecte. En France métropolitaine, peu ou prou, les apports solaires potentiels d'hiver dépassent largement les besoins de chauffage hivernal d'un bâtiment performant, et l'association de formes architecturales adaptées avec des matériaux adéquats permet de garantir sans difficulté majeure un confort estival sans climatisation : seul un bioclimatisme bien compris permet de dépasser, pour un coût d'investissement moindre, et sans ajout d'énergie grise, la frontière du niveau de performance BBC. Pour cela, il est indispensable de changer radicalement les méthodes et les moyens de la conception. L'architecte ne peut plus concevoir seul. Les chefs d'œuvre multimillénaires, comme les Pyramides ou le Pont du Gard, nous le rappellent, ils ont été conçus par des architectes-ingénieurs. Nos anciens avaient intégré cette association indispensable entre les deux compétences pour garantir la durabilité. L'évolution de la somme des connaissances à acquérir et les niveaux attendus de confort moderne, de salubrité et de performance étant ce qu'ils sont désormais, il semble difficile aujourd'hui de demander à quiconque de maitriser parfaitement et l'architecture et l'énergie, et la qualité environnementale et l'impact sociétal des constructions. La création architecturale performante devient un travail à quatre mains, si ce n'est plus. Vers une nouvelle pratique de la conception architecturale Pour promouvoir ce travail à quatre mains, il est indispensable de remettre en cause l'approche classique des projets architecturaux. Ces projets ne peuvent plus se baser uniquement sur un simple critère fonctionnel, urbain ou esthétique. Ils doivent désormais, en préalable indispensable, déterminer des objectifs énergétiques et environnementaux par une programmation « bioclimatique et durable » de l'attente du maître d'ouvrage. Imposer ces contraintes bioclimatiques à l'architecte n'est pas un frein à sa créativité, mais au contraire une stimulation forte de son imagination, qui se trouve guidée par la volonté clairement exprimée du maître d'ouvrage. Cette situation est de loin préférable à celle de l'architecte dans une posture dubitative face au manque de vision exprimée par le donneur d'ordre. Pour arriver à imaginer le possible, l'architecte doit avoir les moyens de faire appel à un énergéticien, dès sa première esquisse, chargé non plus seulement de dimensionner après coup les techniques de consommation d'énergie, mais de conceptualiser, en partenariat avec l'architecte, les solutions de l'absence de consommation d'énergie fossile (énergie grise matériaux / technologie, énergie de fonctionnement). L'architecte continue à tracer le trait, tandis que l'énergéticien le conseille sur la meilleure règle à employer. L'indispensable approche dynamique de l'architecture Les architectes concevant des bâtiments en suivant cette approche bioclimatique multidisciplinaire le reconnaissent tous avec fierté : elle leur permet de dépasser une simple conception statique de leur création, qui s'arrête à la livraison clés-en-mains, pour aborder une vision dynamique de leur œuvre, qui intègre la conceptualisation de la vie même de cette construction dans le temps, en harmonie avec son environnement climatique et humain. Ne plus construire uniquement pour l'instant présent, mais œuvrer pour la durée, telle doit être désormais l'approche architecturale. Intégrer cette méthodologie multidisciplinaire de la conception dans les projets de construction, à commencer par les principes de la loi MOP à adapter en conséquence, en est le préalable indispensable. Les architectes possèdent pour la plupart la culture nécessaire pour intégrer la compréhension du bioclimatisme dans leurs projets, pour peu qu'on leur en donne les moyens. Avis d'expert proposé par Armand Dutreix, ingénieur énergéticien et gérant du bureau d'études Athermia

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