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AccueilChantal JouannoDe quoi devrions-nous débattre ?

De quoi devrions-nous débattre ?

La récente publication en français du Rapport mondial sur les déchets nucléaires de la Fondation Heinrich Böll est une bonne opportunité de poursuivre le débat public qui a eu lieu en 2019 sous l’égide de la CNDP et illustre bien les questions à se poser.

Publié le 06/11/2020

Le débat public sur la gestion des déchets radioactifs est ancien et récent. Il est ancien puisque le premier débat sur les grandes options de gestion des déchets radioactifs a eu lieu en 2005. Mais il est récent puisqu’il n’y a eu aucun débat public sur les choix qui ont été à l’origine de cette production de déchets radioactifs : les choix de développement de la filière électronucléaire.

Les questions posées par ce débat sur les déchets radioactifs peuvent paraitre techniques et inaccessibles à un public non expert. Ce procès en illégitimité du public à débattre de cette question n’a pas eu lieu car nous ne débattons pas de la faisabilité technique des solutions proposées mais de leur faisabilité sociale, voire sociétale. Derrière la question technique des déchets radioactifs se posent des questions de société fondamentalement politiques : devons-nous engager par nos choix les générations futures ? quel niveau de risque est acceptable ? doit-on concentrer ces déchets sur un territoire ? qui doit en assumer la responsabilité ? etc. 

Est-ce possible de débattre des déchets radioactifs sans se battre ? Le débat ne créé pas le conflit. Le conflit nait du projet et plus encore de son histoire. La question nucléaire hérite de conflits passés non résolus. Il hérite de choix qui ont été sourds aux débats publics. Le débat public de 2005 avait conclu que toutes les alternatives pour gérer les déchets hautement radioactifs devaient rester ouvertes. Or, la loi de 2006 n’a retenu que le choix de l’enfouissement géologique. Cette historique explique pleinement que le public doute de l’utilité du débat public puisque le décideur a prouvé par le passé sa surdité aux arguments du public

La Commission nationale du débat public - CNDP - a réussi en 2019 à organiser un débat riche et non violent qui a constitué un éclairage important pour les pouvoirs publics. Seule la CNDP pouvait l’organiser dans la mesure où elle offre un « terrain neutre » où tous les arguments peuvent s’exprimer, sont respectés et pris en compte. 

Ce nouveau rapport sur les déchets radioactifs est intéressant puisqu’il contribue à faire vivre le débat. Il offre un éclairage sur les enjeux environnementaux, les impacts sanitaires, la question controversée du volume estimé de ces déchets radioactifs et de fait les coûts estimés associés. Cet éclairage à l’échelle européenne permet également de mesurer les difficultés d’accès à ces données, les doutes, les incertitudes, les controverses. Ce débat doit vivre, notamment le cœur de ce débat : la réversibilité de nos choix.

Nous avons fait des choix qui ont des conséquences irréversibles : le choix de l’énergie nucléaire a pour conséquence irréversible de produire des déchets hautement radioactifs à vie longue. Devons-nous faire un choix de gestion de ces déchets qui soit irréversible, au risque de faire un mauvais choix alors que de meilleures technologies peuvent émerger ? Devons nous « attendre » au risque de léguer aux générations futures le fardeau de ces déchets ? C’est un choix de société, un choix fondamentalement politique.

Nous ne pourrons jamais faire débattre les générations futures, celles qui auront également à connaitre les conséquences de nos actes. En moins d’un siècle, nous avons fait des choix qui engagent l'existence de ces générations : changements climatiques, érosion de la biodiversité, accumulation de déchets radioactifs, déforestation expliquant la multiplication des zoonoses. Ce ne sont pas des débats séparés, mais un seul et même débat : pourquoi avons nous choisi un modèle de société qui nous condamne ? Voilà un débat qu’aucun politique, ni aucun scientifique ne peut avoir la prétention de trancher seul. C’est un débat qui nous engage tous en tant qu’humains. 

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