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AccueilCorentin SivyLe modèle allemand de développement des énergies renouvelables est-il enviable ?

Le modèle allemand de développement des énergies renouvelables est-il enviable ?

Corentin Sivy, Responsable développement NOVEO EN, revient sur le développement des EnR en Allemagne en le comparant au « modèle » français dans lequel l’énergie nucléaire reste prépondérante.

Publié le 20/05/2011

L'Allemagne est souvent montrée du doigt et accusée de développer les énergies renouvelables au prix d'un recours massif au charbon et d'importations massives d'électricité française (nucléaire donc). Mais ces deux assertions sont fausses.

Recours aux énergies fossiles en baisse

Entre 1999, début du virage vert de l'énergie allemande et 2009, la part du charbon a baissé de près de 2 points dans le mix énergétique total et celle du pétrole de près de 5 points, le gaz compensant tout juste la baisse de la part du charbon avec 2 points de hausse. Le bilan global est donc de 5 points de baisse des fossiles dans le mix énergétique allemand, quand le nucléaire baissait de 2 points et que les énergies renouvelables augmentaient de plus 6 points. Les ENR ont ainsi remplacé du nucléaire comme des énergies fossiles dans le mix allemand.

Les Allemands ont réussi à passer de 2,4% d'ENR dans leur mix énergétique à 8,5% quand nous passions de 6,5% à 7,5% sur la même durée1. D'autre part les Allemands ont creusé l'écart avec nous sur la consommation d'électricité des ménages, nous étions sur la même base en 1991 et il y a aujourd'hui un écart de 27% en notre défaveur2 !

Concernant les importations d'électricité, l'Allemagne était effectivement importatrice nette envers la France en 2002 mais la tendance s'est largement inversée au fil de la montée en puissance de leurs ENR et de la baisse de leurs productions fossiles et nucléaires. En 2009, nous achetions à l'Allemagne 3 fois plus d'électricité (20TWh) que nous ne lui en vendions3.

Côté emploi, l'Allemagne comptait plus de 333.000 emplois4 en 2009 dans le secteur de la production d'énergie verte quand la France y disposait de 135.000 emplois (dont 60.000 dans la seule biomasse) et de près de 100.000 emplois dans le nucléaire, faiblement pourvoyeur en emplois5 par GWh produit comparé aux ENR du fait de son caractère ultra-centralisé.

L'Allemagne a su développer un solide secteur vert et dépasse la France avec davantage d'énergies renouvelables dans son mix. Elle réalisait un chiffre d'affaires 3 fois supérieur à la France dans le secteur de l'énergie verte avec 36 milliards d'euros en 2009, ce qui se retrouve dans la différence entre les balances commerciales des deux pays.

Enfin, en France nos seuls investissements publics officiels dans la fission nucléaire représentent davantage que ceux des Etats-Unis et 50 fois plus que ceux de la Chine6. Le budget recherche du nucléaire présenté en 2010 indique que 760 millions d'euros y sont consacrés7, soit 50% de plus que le niveau atteint par la CSPE8 solaire la même année et jugée, elle, inacceptable par le gouvernement car de nature à faire augmenter le prix de l'électricité. Cet exemple est une illustration parfaite de la politique de 2 poids 2 mesures du gouvernement actuel en matière énergétique entre le nucléaire et les énergies renouvelables. Il est temps que cela cesse et qu'une politique claire, stable et pérenne soit mise en place.

Stabilité du cadre réglementaire germanique

L'Allemagne partait de bien plus loin que la France9 mais a su s'imposer des objectifs très ambitieux qui lui permettent de nous dépasser largement aujourd'hui. Cette politique  est basée sur une régulation stricte et un cadre stable.

La régulation a permis de limiter l'impact sur le consommateur et le contribuable. Le cadre stable mis en place a rendu possible le développement industriel majeur de ces filières.

La politique française a échoué sur trois points :
- En contribuant à créer une bulle spéculative10 sur certains segments
- En détruisant la stabilité, nécessaire à l'émergence d'un secteur industriel, créateur d'emplois et exportateur.
- En maintenant un prix artificiellement bas11 et de gaspillage électrique (chauffage en particulier) néfaste pour l'efficacité énergétique.

Au final, la France aura combattu bien plus fiévreusement la petite spéculation photovoltaïque que les spéculations financières mondiales !

Il n'est pourtant pas trop tard, le secteur de l'énergie connaît une révolution verte et les techniques progressent très vite. La France dispose d'une certaine avance en matière de recherche dans des secteurs clé comme le solaire, l'éolien, les énergies marines : il faut désormais une volonté politique exprimée et claire pour assurer des débouchés, et un cadre pour que nos industriels se lancent.

Avis d'expert proposé par Corentin Sivy, Responsable développement NOVEO EN

1 Voir le rapport Eurostat
http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/8-11042011-AP/FR/8-11042011-AP-FR.PDF

2 La consommation d'énergie en Allemagne et en France : une comparaison instructive, Bernard LAPONCHE – 11 février 2011, Association GLOBAL CHANCE
3 Source RTE
http://clients.rte-france.com/lang/fr/visiteurs/vie/bilan_annu.jsp

4 Barobilan 2010 page 166.
http://www.energies-renouvelables.org/observ-er/stat_baro/barobilan/barobilan10.pdf

5 Le nucléaire crée 0,1 emploi par GWh selon le rapport Bataille du Sénat contre 2 à 8 fois plus suivant les ENR considérées.
Voir :
http://www.unep.org/greeneconomy/Portals/88/documents/ger/GER_6_RenewableEnergy.pdf
et
http://www.assemblee-nationale.fr/rap-oecst/nucleaire/r1359-06.asp

6 Rapport Annuel IEA page 39
http://www.iea.org/Papers/2011/CEM_Progress_Report.pdf

7 190m€ pour les ENR très loin de la promesse de N Sarkozy de 1€ pour le nucléaire = 1€ pour les ENR
http://www.rue89.com/planete89/2011/05/03/sortir-du-nucleaire-cest-le-moyen-age-faux-m-sarkozy-202353

8 CSPE : Contribution au Service Public de l'Electricité qui représente 3,5 milliards€ par an (2011) et sert à financer entre autre la péréquation tarifaire, la cogénération, les tarifs sociaux et les énergies renouvelables.
9 2,5% d'ENR en 1999 dans son mix énergétique global contre 6,5% pour la France à la même période et 8% aujourd'hui en France contre plus de 9% en Allemagne.
10 Dans le solaire fin 2010 avec un cumul très important de projets « spéculatifs » en grande partie par la filiale d'EDF, EDF EN (terres agricoles, contournement de la puissance maximale autorisée, création d'une file d'attente cachée spécifique à EDF EN, conservation de tarifs anciens sur de longues périodes pour bénéficier des baisses importantes du prix du matériel).
11 Pour des raisons évidentes d'acceptation sociale du nucléaire par les citoyens français

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5 Commentaires

Janun

Le 23/05/2011 à 7h10

excellent article, factuel et chiffré ... simple à comprendre même pour des politiques !

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Lio

Le 23/05/2011 à 9h51

depuis le tsunami "nucléaire japonais les pro nucléaire et les antieoliens (souvent les mêmes)se font beaucoup plus discret .Au vue des chiffres annoncés ci-dessus je pense que c'est mieux pour leur crédibilité.

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Energies-sol

Le 26/05/2011 à 9h46

Très bon article !!
il faut le faire passer et demander à nos "futurs" dirigeants politiques leurs propositions de changements / engagements pour 2012.

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Mad Max

Le 06/06/2011 à 11h20

Excellent article ! Il vrai que dans ce domaine (comme dans d'autres), nos politiques font preuve d'un amateurisme et d'une inconséquence rares, vérolés de conflits d'intérêts, que l'on imagine difficilement possibles en Allemagne.

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Gardien

Le 27/06/2011 à 16h48

Attention, lorsque vous comparez les consommations d'électricité des ménages en France et en Allemagne : elle ne correspondent pas aux même périmètre en terme d'usages ! Ce n'est pas une paille vu le poids de l'usage "chauffage".
Attention, l'Allemagne ne dépasse pas la France avec davantage d'énergies renouvelables dans son mix : vous oubliez l'hydraulique !

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