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Site Seveso : les garanties financières à l'épreuve des faits

David Desforges, Avocat à la Cour, Jones Day, revient sur la limite des garanties financières prévues par la réglementation Seveso pour la dépollution des sites en cas de faillite de l'exploitant. L'affaire Petroplus en offre une illustration toute prévis

Publié le 13/02/2012

Les exploitants de sites relevant de la réglementation Seveso sont réglementairement tenus de constituer des garanties financières. Ces garanties au bénéfice de l'Etat ne couvrent cependant pas la dépollution des sites en cas de faillite de l'exploitant. L'affaire Petroplus1 en offre une illustration toute prévisible.

La fermeture de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne en Seine-Maritime rappelle une autre fermeture retentissante : celle, il y a 9 ans presque jour pour jour, de la fonderie Metaleurop de Noyelles-Godault dans le Pas-de-Calais. Dans les deux cas, l'Etat se retrouve avec pour interlocuteur un industriel impécunieux disposant pour seul actif en France d'un site ancien et impacté par des décennies d'activité lourde.

Metaleurop à l'origine de l'extension du régime des garanties financières

En 2003, la puissance publique s'était trouvée fort dépourvue face à un exploitant en liquidation judiciaire et à l'issue d'une tentative infructueuse d'extension de la procédure à la société-mère. L'on s'était étonné à l'époque qu'un site tel que celui de Noyelles-Godault n'ait pas constitué de garanties financières susceptibles de couvrir, en partie au moins, le coût de remise en état des lieux. De fait, la réglementation en vigueur n'imposait pas la constitution de telles garanties aux fonderies de métaux lourds. Madame Bachelot, ministre de l'Environnement du moment, avait alors annoncé l'extension du régime des garanties financières à toutes les activités les plus polluantes. La loi fut modifiée (v. loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003) mais le décret en question n'est toujours pas pris.

En droit des installations classées, les garanties financières concernent cinq catégories d'installations : les installations de stockage de déchets, les carrières, les installations présentant des risques importants de pollution ou d'accident, les sites de stockage géologique de CO2 et, depuis peu, anecdotiques, les éoliennes.

L'article L. 516-1 2ème alinéa fixe leur vocation : "Ces garanties sont destinées à assurer, suivant la nature des dangers ou inconvénients de chaque catégorie d'installations, la surveillance du site et le maintien en sécurité de l'installation, les interventions éventuelles en cas d'accident avant ou après la fermeture, et la remise en état après fermeture". Une fois constituées, elles permettent à l'Etat d'assumer ces dépenses, en lieu et place de l'exploitant, soit en cas d'inexécution par celui-ci de ses obligations, soit dans l'hypothèse de sa disparation juridique (c. env. art. R. 516-3).

Pourtant, si pour les installations de stockage de déchets et les carrières, les garanties couvrent la "remise en état du site après exploitation", ce n'est pas le cas pour les installations dangereuses figurant sur la liste prévue à l'article L. 515-8, catégorie à laquelle appartiennent les raffineries (v. c. env., R. 516-2 IV). Bizarrerie du droit ? Pas seulement.

Le calcul du montant de telles garanties serait en effet un exercice difficile. Comment évaluer ex ante un tel coût sans horizon de fermeture lisible (rappel : les autorisations sont délivrées sans limite de durée) et sans connaître ni l'usage futur du site, ni son état environnemental au jour de sa fermeture ? Des garanties sous-évaluées seraient inutiles. Des garanties surévaluées seraient circonvenues.

Démission des sociétés-mère

Au cas présent, des garanties financières ont semble-t-il été constituées par Petroplus pour son site normand. En toute logique, elles doivent correspondre au montant exigé par l'arrêté d'autorisation de la raffinerie. Cela étant, si ces garanties sont aujourd'hui notoirement insuffisantes pour couvrir la dépollution du site, la cause première de cet état de fait est à rechercher dans l'insuffisance du texte.

Les éléments rapportés par la presse indiquent aussi que les comptes de la société auraient été siphonnés (par la société-mère Suisse ?) d'où son incapacité à assumer aujourd'hui ses obligations de remise en état. L'enquête le dira. Toutefois, si cela était avéré, l'Etat pourrait alors faire application du nouvel article L. 512-17 du code de l'environnement issu de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010.

En son premier alinéa, cet article dispose en effet que "Lorsque l'exploitant est une société filiale au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce et qu'une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à son encontre, le liquidateur, le ministère public ou le représentant de l'Etat dans le département peut saisir le tribunal ayant ouvert ou prononcé la liquidation judiciaire pour faire établir l'existence d'une faute caractérisée commise par la société mère qui a contribué à une insuffisance d'actif de la filiale et pour lui demander, lorsqu'une telle faute est établie, de mettre à la charge de la société mère tout ou partie du financement des mesures de remise en état du ou des sites en fin d'activité".

L'inspiration « Metaleuropéenne » du texte est ici perceptible. La rédaction vise manifestement à éviter la quête trop souvent déçue d'un débiteur solvable. Les conditions sont néanmoins étroites. La faute de la société-mère doit être « caractérisée » et doit avoir contribué à l'insuffisance d'actif de la filiale. Autant dire, au-delà des impedimenta de procédure inévitables dans la formulation d'une telle demande, qu'un encadrement administratif pragmatique vaut souvent mieux que les incertitudes d'une procédure juridictionnelle.

L'article L. 512-17, aboutissement tardif de nombreuses moutures successives, n'en est donc qu'à sa première rédaction. Il y aura donc sans doute un « avant » et un « après » Petroplus.

Avis d'expert proposé par David Desforges, Avocat à la Cour, Jones Day.

1 Le parquet de Nanterre (92) a ouvert une enquête préliminaire sur les conditions de la faillite de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne, en Seine-Maritime (76). Le compte bancaire de Petroplus France pourrait avoir été amputé d'une centaine de millions d'euros par sa maison-mère suisse ; Ce qui aurait précipité sa mise en redressement judiciaire.

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