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AccueilFabrice CassinLa loi de transition énergétique : un bilan en demi-teinte pour les énergies renouvelables

La loi de transition énergétique : un bilan en demi-teinte pour les énergies renouvelables

Fabrice Cassin, Avocat associé au cabinet CGR Legal, fait le point sur les impacts de la loi sur la transition énergétique sur le développement des énergies renouvelables en France, et plus particulièrement concernant l'éolien.

Publié le 14/09/2015
Environnement & Technique N°351
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°351
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Lors du dépôt du projet de loi, le 30 juillet 2014, la ministre de l'Ecologie avait déclaré que ce texte "met en place les outils nécessaires à la construction (…) d'un nouveau modèle énergétique français". La loi n°2015-992 du 17 août 2015 de transition énergétique est plutôt l'ajout de nouvelles pierres à une construction en chantier depuis dix ans.

Le développement de la production d'électricité renouvelable représente un des enjeux essentiels de la mise en place d'un nouveau modèle énergétique conformément aux engagements de Rio relatifs aux changements climatiques acceptés par l'Union européenne et la France au titre du protocole de Kyoto.

La nouvelle loi porte la part des énergies renouvelables à 40% de la production d'électricité en 2030 et la part du nucléaire doit être ramenée à 50% à l'horizon 2025. De l'oxygène est ainsi donné à la production d'électricité d'origine renouvelable.

Afin d'atteindre ces objectifs à dix et quinze ans, le législateur met en place un nouvel instrument de planification économique : la Programmation Pluriannuelle de l'Energie (PPE). Une nouvelle étape est donc franchie et au seuil de l'entrée en vigueur du nouveau texte, il nous sera permis de formuler un constat et deux observations.

Des objectifs à relativiser

C'est une transformation significative que devra subir le secteur de l'énergie si l'on veut atteindre les objectifs fixés à 2025 et 2030. Il est un indicateur de réalisation qui n'a pas été suffisamment examiné lors des travaux législatifs : les projets en attente de réalisation au regard des objectifs fixés pour 2020. La file d'attente de raccordement des installations de production d'électricité renouvelable en France continentale est, selon RTE, de 13.026 MW au 31 décembre 2014.

Ceci traduit les difficultés existantes. Concernant l'éolien, le rythme actuel de raccordement est très insuffisant. En 2014, le raccordement éolien a atteint 963 MW alors qu'un raccordement de 1.647 MW annuels est nécessaire à l'atteinte des objectifs 2020. De même, un retard grave est constaté en matière d'éolien offshore par rapport à l'objectif PPI de 6.000 MW. A ce jour, il n'existe aucun parc éolien offshore en service et 3.123 MW sont actuellement en file d'attente.

Au rythme actuel, les objectifs fixés par la nouvelle loi ne seront pas atteints avant 2050.

L'abandon progressif du système de l'obligation d'achat

C'est entendu, la soutenabilité de la politique en faveur des énergies renouvelables suppose de rentabiliser leur production par le jeu du marché afin de réduire le soutien public. La Commission a adopté en juin 2014 de nouvelles lignes directrices concernant les aides d'Etat à l'énergie pour la période 2014-2020. Ces lignes directrices imposent désormais à compter du 1er janvier 2016 que l'octroi de l'aide se fasse sous la forme d'une prime venant s'ajouter au prix du marché sur lequel les producteurs devront vendre leur électricité directement.

La loi de transition prévoit, en conséquence, le passage progressif du système du tarif d'achat à un système du "complément de rémunération". Le choix du législateur a été d'appliquer sans délais les nouvelles lignes alors que – rappelons-le - les objectifs de 2020 sont, à l'exception de ceux fixés pour la filière photovoltaïque, loin d'être atteints. Il est vrai que la situation française ne permettait que difficilement la mise en place de dérogations. En effet, le système de l'obligation d'achat n'a pas été validé par la Commission au regard des précédentes lignes directrices de 2008 à l'exception notable du tarif éolien de juin 2014.

Ceci a inquiété les investisseurs compte tenu de l'importance de la file d'attente de raccordement. La Direction générale de l'énergie et du climat a cependant fourni les assurances d'une application différée pour l'éolien terrestre. Le tarif d'achat actuel a été approuvé et demeure valable dans une limite maximale de dix ans. Les investisseurs ont été, enfin, rassurés par le dispositif d'acheteur de dernier recours en cas de défaillance de marché.

Un point n'a toujours pas été abordé : le principe du financement par le seul consommateur d'électricité des charges de soutien aux énergies renouvelables électriques, compensées par la contribution au service public de l'électricité (CSPE) conformément aux recommandations déjà formulées par la Cour des comptes en 2011. La réforme de ce mode de financement passe par une valorisation du coût du carbone et une mise à contribution des énergies fossiles comme des filières de traitement de déchets nucléaires.

L'impossible simplification administrative

Le déploiement des énergies renouvelables nécessite la levée de freins réglementaires et administratifs comme le recommandait, en particulier, la Cour des comptes en juillet 2013 pour la géothermie et l'éolien terrestre. Le mouvement a été engagé dans le secteur éolien en amont de la loi de transition énergétique, avec l'adoption de la loi dite "Brottes" du 15 avril 2013 qui a eu pour effet de supprimer la règle dite des 5 mâts et le régime des zones de développement éolien introduit par la loi du 13 juillet 2005. Par la suite, l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 a mis en place, à titre expérimental, une procédure d'autorisation unique dans les principales régions d'implantation éolienne comme la Champagne-Ardenne, la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais.

Pour autant, la loi de transition comprend en elle-même peu de mesures à même d'alléger les contraintes. Est tout de même instauré un délai de raccordement maximum de dix-huit mois avec une indemnisation en cas de retard (art. L. 342-3 C. énergie). Il reste à déterminer si les gestionnaires de réseaux sont prêts à s'engager sur des délais de renforcement du réseau public dont les points d'entrée sont saturés. Est encore prévue la généralisation à l'ensemble du territoire de l'expérimentation de l'autorisation unique pour les éoliennes, installations de méthanisation et de production d'électricité soumises à autorisation ICPE.

En revanche, la dernière version du texte voté par l'Assemblée nationale ajoute une complexification certaine de l'implantation.

Le législateur a cru nécessaire de modifier le dispositif existant prévoyant une distance d'éloignement entre les installations et les constructions à usage d'habitation, les immeubles habités et les zones destinées à l'habitation définies dans les documents d'urbanisme.

Loin de simplifier le régime, cette disposition suscite de nouvelles interrogations. Le régime antérieur impose déjà une distance minimale de 500 mètres. Les études d'impacts éoliennes intègrent depuis bien longtemps des distances de sécurité notamment en raison des effets sonores ou d'éventuels jets de glace. La décision préfectorale en la matière interviendra-t-elle suffisamment en amont pour permettre au développeur de reconfigurer, le cas échéant, le parc. Ceci est source de contentieux.

Est également ajouté un avis obligatoire de la collectivité d'implantation. Lorsqu'une commune ou EPCI compétent a arrêté un projet de plan local d'urbanisme, l'implantation d'un parc est soumise à délibération favorable de l'organe délibérant (art. L. 553-5 C. environnement). Là encore, un contentieux pourra se développer.

Enfin, dans les communes de moins de 3.500 habitants, une note explicative de synthèse sur l'éolien devra être adressée cinq jours à l'avance avec la convocation des membres du conseil municipal. Là encore, c'est une nouvelle source contentieuse.

Plusieurs dispositions auraient pourtant pu permettre de lever de nouveaux obstacles. On regrettera que l'autorisation unique continue de sanctionner le respect de multiples codes comme le code de l'urbanisme, de l'environnement ou le code forestier. Des mesures tendant à réduire les possibilités d'agir contre les autorisations telles que certaines restrictions de l'intérêt à agir, et, des propositions tendant à supprimer un degré de juridiction devront faire l'objet de prochains textes.

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1 Commentaire

Dmg

Le 15/09/2015 à 22h38

Il y a une incohérence fondamentale, une faute consubstantielle à cette loi dite de transition énergétique : relever autant le niveau des renouvelables aux dépens du nucléaire en particulier se traduit inéluctablement par un recours augmenté aux fossiles, requis pour pallier l'intermittence, et donc une dégradation du bilan carbone de la France. C'est tout simplement odieux. Tous ceux qui se plaignent du manque de soutien aux renouvelables 1/ font mine d'ignorer que ce sont des industries matures, pour lesquelles des subventions sont donc des distorsions de concurrence, interdites en particulier par les règlements européens (ah ! le marché "libre et non faussé" qui a conduit en France au rejet du traité de Maastricht et de projet de constitution européenne...) et 2/ sont les représentants de lobbys prêts à tout pour s'enrichir (Brottes à RTE), de la même veine et moralité que les pétroliers, ou de sectes bornées dogmatiques rétrogrades, tant pis pour nos enfants...

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