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Moratoire photovoltaïque : le tribunal des conflits met un terme à la première étape du contentieux

Suite à l'arrêt du Tribunal des Conflits du 8 juillet 2013, François Ferrari, avocat, fait le point sur la deuxième étape du débat judiciaire annoncé sur le fond du contentieux opposant les producteurs indépendants d'électricité d'origine photovoltaïque à

Publié le 28/07/2013

Le 9 décembre 2010 était signé un décret dont l'objet était d'instituer un moratoire de trois mois sur l'obligation d'achat reposant sur EDF. La formulation de ce décret est simple : est annulé tout projet dont la proposition technique et financière n'a pas fait l'objet d'un accord avant le 2 décembre 2010. L'accord consistait à avoir renvoyé à ERDF la proposition technique et financière (PTF) accompagnée du règlement sollicité. Le Conseil d'Etat a validé le décret du 9 décembre 2010. Le 4 mars 2011 était signé un nouvel arrêté tarifaire ne permettant pas de déposer une nouvelle demande de raccordement pour de nombreux projets touchés par le moratoire car la puissance était alors limitée à 100kWc (sauf procédures d'appels d'offre postérieures) et les tarifs, selon leur catégorie, subissaient une décote de l'ordre de 40 %.

Les origines du contentieux

De nombreux producteurs, confrontés à des retards d'instruction de leur demande de raccordement se sont alors interrogés sur les possibilités de recours s'offrant à eux. Certains ont choisi de saisir le Cordis qui, s'il ne peut condamner pécuniairement ERDF, a clairement exprimé la faute de cette société qui “n'a pas respecté sa documentation technique de référence” dès que le délai d'instruction est dépassé. Il était aussi possible d'envisager une procédure nouvelle faisant appel à la combinaison de mécanismes éprouvés en droit civil, en droit des affaires et en droit de l'énergie.

Le postulat de départ est très simple : la loi du 10 février 2000 régissant le marché de l'électricité et ses textes d'applications posent que le délai d'instruction d'une demande de raccordement est de trois mois ; délai repris par ERDF dans les AR de demandes de raccordement. Ainsi, toute demande de raccordement adressée avant le 2 septembre 2010 devait nécessairement faire l'objet d'une PTF pour le 1er décembre 2010 au plus tard.

Un constat s'est alors imposé : de très nombreux dossiers déposés avant le 2 septembre 2010 n'ont pas fait l'objet d'une instruction dans les délais. Ne disposant pas d'une proposition technique et financière, les producteurs n'ont donc pu la retourner avant le 2 décembre à ERDF provoquant l'annulation de leurs projets.

Saisi d'une action indemnitaire, le Tribunal de Commerce de Béziers a, à notre connaissance, été le premier à statuer au fond. Il a démontré qu'une action indemnitaire fondée sur la responsabilité délictuelle de la société ERDF était possible. Plus de 200 instances ont alors été engagées dans la France entière et ERDF a développé une stratégie en deux temps dont le premier vient de s'achever par la décision du Tribunal des Conflits.

La compétence : première étape du contentieux indemnitaire

L'action engagée en demande d'indemnité a un fondement simple : ERDF dispose d'un délai réglementaire de trois mois pour instruire les demandes de raccordement. Le manquement à une obligation réglementaire est une faute qui, si elle engendre un préjudice, ouvre droit à une indemnisation.

Le contentieux s'est donc noué entre les producteurs indépendants, personnes de droit privé et ERDF, une société de droit privé. ERDF a alors développé devant tous les Tribunaux de Commerce saisis un argumentaire long et complexe visant à renvoyer le contentieux devant les Tribunaux Administratifs. L'argumentaire de ERDF était nécessairement complexe car il avait pour objectif de contrer une jurisprudence établie dès 1956 par un arrêt de principe (l'arrêt POTTIER).

Le fondement de cette jurisprudence est simple.

Une entreprise ayant une mission de service public industriel et commercial dépend, pour le contentieux avec ses usagers, des juridictions de l'ordre judiciaire. Pour lutter contre ce courant jurisprudentiel, ERDF a alors développé de nombreux arguments dont les plus marquants sont les suivants :

  • prétendre que le réseau appartenant aux collectivités territoriales, ERDF accomplissait une mission de service public pour le compte d'une entité publique,
  • expliquer que le contrat d'achat étant de nature administrative, le contrat de raccordement, pourtant passé avec une autre entité, devenait lui-même public,
  • soutenir que les raccordements au réseau étaient des ouvrages publics justifiant que leurs contentieux dépendent de la juridiction administrative.

25 tribunaux, sur 31 ayant statué, ont rejeté l'exception d'incompétence.

L'intégralité des jugements favorables sur la compétence ont fait l'objet d'un appel accroissant encore les délais procéduraux. C'est la raison pour laquelle si peu de décisions au fond sont connues alors que les premières procédures ont été engagés depuis deux ans.

La décision du Tribunal des Conflits du 8 juillet 2013, conforme à l'état d'une jurisprudence existant depuis soixante ans, doit être saluée car elle est clairement exprimée pour s'appliquer à l'intégralité des litiges de raccordement entre producteurs et ERDF. Cette dernière en a d'ailleurs pris acte puisqu'elle se désiste de ses appels sur la compétence.

La phase 2 des dossiers d'indemnisation peut donc commencer.

Examen du fond : deuxième étape du contentieux moratoire

La demande repose sur un texte inchangé depuis plus de deux siècles : l'article 1382 du Code civil. Pour être applicable ce texte requiert trois conditions cumulatives : une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux.

  • La faute d'ERDF a consisté à ne pas instruire dans le délai réglementaire les demandes de raccordement. La Cour de Cassation, comme le Conseil d'État, ont clairement exprimé que la violation d'un délai réglementaire est constitutive d'une faute.
  • Le préjudice est constitué par la perte de marge sur la durée du contrat pour les centrales non-bâties et par le différentiel de chiffres d'affaires pour les centrales bâties dans les conditions de l'arrêté du 4 mars 2011. Il s'agit d'un calcul mathématique s'appuyant sur le rapport d'un expert judiciaire. Les données sont issues de productibles fiables et d'indexations découlant d'une analyse des indices. Faute et préjudice font évidemment l'objet de critiques de la part d'ERDF mais celle-ci se focalise surtout sur le troisième : le lien de causalité.
  • La position d'ERDF consiste à prétendre que le lien de causalité n'existe pas. En clair, cela signifierait que le fait de ne pas avoir instruit les demandes de raccordement dans les délais n'a pas eu pour effet de faire entrer les dossiers dans le moratoire et, par voie de conséquence, de créer le préjudice subi par les producteurs.

Toutefois, un tel raisonnement se heurte aux deux seules conceptions du lien de causalité utilisées en droit français.

La première conception du lien de causalité est celle dite de l'équivalence des conditions. Cela signifie qu'en cas de préjudice, il suffit d'en identifier une cause pour que son auteur supporte l'intégralité de l'indemnisation. Cette conception est très favorable au producteur victime puisqu'il est incontestable que le retard d'instruction est une cause, si ce n'est la seule de l'abandon du projet.

La seconde conception est dite de la causalité adéquate. Cette théorie considère que, parmi les causes du préjudice, il convient de rechercher la cause essentielle pour faire reposer sur son auteur la charge de l'indemnisation. ERDF tente d'appliquer cette théorie sans la nommer en prétendant que la cause de l'abandon du projet (et donc du préjudice) est la décision du producteur. L'application de cette théorie, qui semblerait être moins favorable aux producteurs, devrait aboutir tout autant à la condamnation d'ERDF. En effet, alors que le producteur a réalisé des études, conclu un bail, obtenu une autorisation d'urbanisme… dans le but de réaliser ses centrales, la seule raison pour laquelle il n'a pu la réaliser est bien le retard d'instruction de son dossier. Aucun autre fait ne s'est produit pour aboutir à l'annulation du dossier.

ERDF essaie de faire valoir que le dossier n'était pas finançable, qu'il y aurait pu avoir une rupture de stock d'onduleurs… Ces arguments ne devraient pas être retenus par les Tribunaux pour une raison fort simple : si le retard d'instruction de la demande de raccordement est un fait acquis, objectif et incontestable, les autres aléas que tente de soulever ERDF n'ont aucune existence, aucune consistance.

Tels seront les éléments du débat soumis aux Tribunaux de Commerce. Il leur sera posée une question simple : si par la violation d'une obligation réglementaire, un opérateur engendre la perte d'un contrat obligatoirement acquis (obligation d'achat) pour une durée déterminée et avec un chiffre d'affaire déterminé, la victime a-t-elle droit à une indemnisation ? La réponse est assurément positive. Si, de surcroit, l'Autorité de la Concurrence dans sa décision du 14 février 2013 exprime clairement qu'ERDF n'est pas en mesure de garantir que l'ordre de la file d'attente a été respecté… Les probabilités de condamnation augmentent encore. Les débats judiciaires de l'automne 2013 seront vifs et passionnants.

Avis d'expert proposé par François Ferrari Avocat fondateur du Cabinet ACTAH.

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3 Commentaires

Depommiers

Le 16/08/2013 à 16h43

merci de faire suivre vos commentaires concernant ce dossier.

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Petitlu

Le 27/08/2013 à 10h21

ceci conforte notre sentiment sur le fait Qu'EDF cherche à gagner du temps sur l'ensemble des dossiers...

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Admin-TpampsOrgInt

Le 18/03/2014 à 15h56

Maître FERRARI a été choisi par TPAMPS pour porter devant les tribunaux de commerce les dossiers satisfaisant à l'action de masse Tpamps.jur.Ptf2010 et qui avait à l'époque fait l'objet d'une communication dans actu-environnement : https://www.actu-environnement.com/ae/news/obligation-erdf-delivrance-ptf-13666.php4

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