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AccueilGeoffroy Berthon et Quirec de KersausonEMR : quelques particularités relatives aux délais de recours contre les autorisations loi sur l'eau

EMR : quelques particularités relatives aux délais de recours contre les autorisations loi sur l'eau

Le délai de recours dont bénéficient les tiers contre les autorisations "loi sur l'eau" est en principe d'un an. Mais compte tenu de plusieurs évolutions législatives et réglementaires récentes, la portée de ce principe est à relativiser.

Publié le 25/04/2016

Parmi les autorisations administratives dont l'obtention est nécessaire à la réalisation en France de projets d'infrastructures ou dans le domaine de l'énergie, les autorisations délivrées en application de la police de l'eau méritent sans doute une attention particulière. Le champ d'application de cette législation est, en effet, particulièrement large, de sorte que de nombreux projets sont soumis à celle-ci, notamment dans le domaine des énergies renouvelables1.

Dans ces conditions, le délai de recours contre les autorisations "loi sur l'eau" constitue un sujet important dans la structuration contractuelle et financière des projets, notamment dans l'hypothèse où un financement externe est mobilisé, les prêteurs étant généralement attentifs au risque de recours pouvant affecter le développement des opérations. Ce sujet est tout aussi essentiel pour les tiers souhaitant contester la réalisation des projets, l'exercice d'un recours juridictionnel étant notamment un moyen d'assurer le respect des intérêts protégés par le code de l'environnement.

Or, à la suite de plusieurs évolutions législatives et réglementaires récentes, les règles relatives aux délais de recours des tiers contre les autorisations "loi sur l'eau" ont évolué, de sorte que la détermination du délai pertinent peut parfois donner lieu à certaines hésitations en pratique. Si l'on s'intéresse plus particulièrement aux énergies marines renouvelables (EMR), trois délais différents sont en réalité aujourd'hui applicables.

Un délai de recours fixé en principe à un an

En principe, le délai de recours contre les autorisations "loi sur l'eau" est d'un an à compter de leur publication ou affichage. En cas d'absence de mise en service de l'installation dans les six mois suivant la publication ou l'affichage de l'autorisation, ce délai est même étendu jusqu'à six mois après la mise en service de l'installation.

Ce délai de principe2 est ainsi distinct du délai de recours de droit commun contre les autorisations administratives, qui est de deux mois à compter de la publicité3. Une telle spécificité, qui concerne également les autorisations "ICPE", est traditionnellement justifiée par des motifs de protection de l'environnement, un délai de recours allongé étant plus favorable aux tiers souhaitant contester l'octroi d'une autorisation "loi sur l'eau" au motif que cette autorisation serait illégale ou que les prescriptions mises à la charge de l'exploitant seraient insuffisantes.

Un délai de recours de deux mois pour les autorisations uniques

Dans le cadre du régime d'expérimentation d'une autorisation unique prévu par l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, dont le champ d'application est extrêmement large, le délai de recours pouvant conduire à l'annulation d'une autorisation est de deux mois. L'article 1er de l'ordonnance s'applique aux projets soumis à autorisation "loi sur l'eau".

Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, le régime d'autorisation unique - dont le champ d'application était initialement limité aux régions Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes - s'applique à l'ensemble des projets réalisés sur le territoire national. Par ailleurs, même si le régime d'autorisation unique est mis en place à titre d'expérimentation pour une durée de trois ans, l'administration et les pétitionnaires ne semblent pas bénéficier d'une option pour écarter ce régime et sont donc tenus d'appliquer les dispositions fixées par l'ordonnance.

Ainsi, en application de cette ordonnance du 12 juin 2014, pour le pétitionnaire souhaitant réaliser un projet soumis à autorisation "loi sur l'eau", une autorisation unique est désormais délivrée par l'administration et cette autorisation vaut en particulier (i) autorisation "loi sur l'eau" au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement et (ii) dérogation au titre du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, disposition prévoyant les conditions d'obtention des dérogations aux interdictions de porter atteinte aux espèces animales et végétales protégées.

S'agissant du régime contentieux applicable à l'autorisation unique, l'article 24 du décret d'application de l'ordonnance (décret n° 2014-751 du 1er juillet 2014) prévoit que les tiers peuvent former un recours dans un délai de deux mois à compter de la publicité de l'autorisation. "A compter de la mise en service de l'installation ou de l'ouvrage ou du début des travaux ou de l'activité", les tiers peuvent encore former un recours, mais aux "seules fins de contester l'insuffisance ou l'inadaptation des prescriptions définies" dans l'autorisation, cela afin que le préfet fixe, le cas échéant, des prescriptions complémentaires.

Ainsi, concrètement, pour les nouveaux projets dont le développement suppose l'obtention d'une autorisation "loi sur l'eau", une autorisation unique doit être obtenue et celle-ci peut faire l'objet d'un recours pouvant conduire à son annulation dans un délai de deux mois à compter de sa publicité. La portée du principe selon lequel le délai d'un recours est d'un an contre les autorisations "loi sur l'eau" doit ainsi être assez nettement relativisée.

Un délai de recours de quatre mois pour les EMR

Enfin, dans le domaine des EMR, un délai de recours spécifique de quatre mois a récemment été fixé au bénéfice des tiers. Il résulte du décret n° 2016-9 du 8 janvier 2016 concernant les ouvrages de production et de transport d'énergie renouvelable en mer. Le texte prévoit que le délai de recours des tiers contre les autorisations dont il s'agit est de quatre mois à compter de la publicité de la décision. Ici également, "à compter de la mise en service de l'installation ou de l'ouvrage ou du début des travaux ou de l'activité", les tiers peuvent encore former un recours mais "aux seules fins de contester l'insuffisance ou l'inadaptation des prescriptions définies dans la décision", de manière à ce que le préfet fixe, le cas échéant, des prescriptions complémentaires.

Le projet de décret concernant les EMR soumis à consultation publique en septembre 2015 prévoyait un délai de recours de deux mois au bénéfice des tiers. L'objet de ce dispositif réglementaire est de sécuriser le cadre juridique applicable aux filières concernées et d'en faciliter le développement, le décret publié en janvier 2016 prévoit ainsi un délai de quatre mois, certes inférieur au délai de principe, mais supérieur à celui applicable aux autres projets soumis au régime d'expérimentation prévu par l'ordonnance du 12 juin 2014.

Conclusion

En définitive, l'état du droit est donc le suivant : le délai de principe de recours contre les autorisations "loi sur l'eau" est d'un an à compter de leur publicité mais la portée concrète de ce principe est relative. Pour les nouveaux projets soumis à autorisation "loi sur l'eau", le délai de recours de tiers pouvant conduire à l'annulation de l'autorisation est égal (i) soit à quatre mois si le projet concerne une installation EMR, (ii) soit à deux mois dans les autres cas, par application de l'ordonnance du 12 juin 2014.

Le Législateur et le Gouvernement conservent ainsi une certaine marge de manœuvre afin de parvenir, sur ce sujet complexe, à l'élaboration d'un état du droit pleinement cohérent, permettant d'assurer aux investisseurs et aux prêteurs une certaine visibilité tout en garantissant le respect des intérêts environnementaux et la protection des droits des tiers.

Il n'est pas exclu, à cet égard, que les délais de recours des tiers contre les autorisations "loi sur l'eau" soient à nouveau modifiés dans un avenir proche. En effet, l'article 106 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (dite loi Macron) dispose que le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance des règles visant notamment à "accélérer le règlement des litiges relatifs aux projets, notamment ceux favorisant la transition énergétique, susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement et assurer, dans l'intérêt de la préservation de l'environnement et de la sécurité juridique des bénéficiaires des décisions relatives à ces projets, l'efficacité et la proportionnalité de l'intervention du juge, notamment en précisant les conditions dans lesquelles les juridictions administratives peuvent être saisies d'un recours et en aménageant leurs compétences et leurs pouvoirs".

Sur ce fondement, le Gouvernement pourrait chercher à rationaliser le cadre juridique applicable aux délais de recours des tiers. Une telle évolution pourrait être souhaitable afin de perfectionner encore le cadre juridique applicable aux projets d'infrastructures et aux projets énergétiques.

Avis d'expert proposé par Geoffroy Berthon et Quirec de Kersauson, Avocats au barreau de Paris en droit public / énergie

1 Il est entendu que l'autorisation « loi sur l'eau » n'est pas requise pour les projets soumis à autorisation « ICPE ». Pour ces installations, le délai de recours de principe est le même que celui applicable à l'autorisation « loi sur l'eau », étant précisé que pour les projets entrant dans le champ du régime d'expérimentation prévu par l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 en matière d' « ICPE » (incluant notamment l'éolien terrestre), le délai de recours est de deux mois à compter de la publicité de la décision (cf. art. 25 et 44 du décret n° 2014-450 du 2 mai 2014).
2 fixé à quatre ans jusqu'à l'adoption de la loi Grenelle II n° 2010-788 du 12 juillet 2010 (art. 211) et de son décret d'application n° 2010-1701 du 30 décembre 2010
3 article R. 421-1 du code de justice administrative

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