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Les propositions du Conseil d'Etat en matière de concessions hydroélectriques

Mounir Meddeb, Avocat au barreau de Paris, fondateur du cabinet d’avocats Énergie Légal, nous propose un Avis d'expert sur le régime juridique d’ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques.

Publié le 24/01/2011

Le rapport public du Conseil d'Etat de 2010 consacré à l'eau et son droit1 constitue désormais un document de référence qui englobe « pour la première fois tous les aspects du droit de l'eau ».

Le rapport aborde ainsi les différentes facettes du régime juridique de l'eau, ses modes de gestion et de gouvernance en mettant en avant le modèle français de gestion intégrée de l'eau par le bassin versant, même si le Conseil d'Etat fait le constat de l'imparfaite application de ce modèle.

Dans ce rapport, le Conseil d'Etat s'attache également à distinguer les vrais des faux débats et émet une série de propositions et de recommandations concernant le droit et la gestion de l'eau.

Parmi les aspects abordés, figure le dossier des concessions hydroélectriques et notamment la question de leur renouvellement. Sur ce point, le Conseil d'Etat émet deux propositions2. Il s'agit, d'une part, de « sécuriser au plan juridique le processus d'ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques » et, d'autre part, de « clarifier le régime juridique de cette concession ».


Sécurisation juridique du processus d'ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques

Le Conseil d'Etat commence par rappeler certains moments clés de la procédure. Ainsi, il indique3 que « La procédure sera longue puisqu'il faudra établir, avec le concessionnaire sortant, un dossier de fin de concession permettant ensuite à l'administration d'élaborer un cahier des charges, lancer les consultations, choisir le candidat en fonction de critères de sélection […], négocier le cahier des charges avec le candidat retenu et, le cas échéant, une durée compatible avec les exigences de la loi du 29 janvier 1993, procéder aux enquêtes publiques…». Ensuite, il aborde la question du regroupement des concessions en cascade et les conséquences de cette solution, notamment d'un point de vue économique.

Le Conseil d'Etat évoque également la question de l'intérêt public de l'opération consistant à mettre fin prématurément à certaines concessions qui n'ont pas encore expiré et considère que « l'intérêt public de l'opération sera sans doute débattu » car l'indemnisation versée au concessionnaire sortant devrait se retrouver dans le prix de vente de l'électricité du client final.

En conclusion, le Conseil d'État estime qu'« [il] ne peut qu'insister sur la nécessité de sécuriser au mieux toutes ces opérations au plan juridique pour minimiser les risques, élevés, de contentieux qui en découleront ». La Haute assemblée propose même la solution « d'inclure une expertise juridique du meilleur niveau dans la task force pluridisciplinaire à constituer et à qui devrait être confiée cette mission ».

La mise en garde faite par le Conseil d'Etat quant à la nécessité de sécurisation juridique de toutes les opérations aboutissant au renouvellement des concessions hydroélectriques peut être interprétée de deux manières, peut-être cumulatives.

D'une part, une mise en garde à l'égard de l'administration qui devra être vigilante sur ce point dans ses décisions, ses relations avec les différents candidats ou encore dans les discussions qu'elle peut avoir, afin, notamment, d'éviter tout contentieux susceptible d'occasionner des frais supplémentaires et, surtout, du retard dans l'attribution des concessions.

D'autre part, une mise en garde concernant le cadre juridique régissant la procédure de renouvellement des concessions hydroélectriques4. Ce cadre juridique existe certes depuis 20085 mais, des incertitudes et quelques lacunes demeurent. A cet égard nous pouvons citer quelques exemples :

  • Quelles seront les modalités réglementaires de regroupement des cascades (au-delà de la question de la fin anticipée de la concession et de l'indemnisation du concessionnaire sortant) ?
  • Quelle est la définition de la complexité qui aboutira au choix de la procédure de mise en concurrence conformément à l'article 1er du décret n°94-894 du 13 octobre 1994 modifié par le décret n°2008-1009 du 26 septembre 2008 ?
  • Eu égard au terme « notamment », d'autres critères de sélection seront-ils employés ?
  • Dans quel cas l'administration fera recours au « dialogue compétitif » prévu à l'article 2-8 du décret du 13 octobre 1994 ?
  • A l'exception du critère portant sur les conditions économiques et financières pour l'Etat, quel sera le contenu précis des deux autres critères de sélection ?

La réponse apportée à ces questions détermine largement l'issue des travaux menés par l'administration et le résultat des procédures de renouvellement.

Mais au-delà de la question du renouvellement proprement dite, la sécurisation juridique passe pour le Conseil d'Etat « d'abord par une clarification du régime juridique de la concession hydroélectrique, devenu illisible ».


Clarification du régime juridique des concessions hydroélectriques

Le Conseil d'Etat identifie dans son rapport quelques facteurs qui ont obscurci la nature juridique des concessions hydroélectriques et ont en fait « un objet juridique difficilement saisissable ». Il s'agit de l'influence du droit communautaire et à travers lui le marché, du renforcement de la police de l'eau mais également de l'enchevêtrement et de la multiplicité des législations applicables.

A ce jour, la passation des contrats de concession demeure régie par le décret n°2008-1009 du 26 septembre 2008 modifiant le décret du 13 octobre 1994. Cela a « le mérite de la simplicité mais ne contribue guère à clarifier un régime juridique qui reste, pour les professionnels, difficile à manier ».

Or les candidats susceptibles de se voir attribuer l'exploitation de concessions hydroélectriques ont un besoin légitime de connaître la qualification juridique de ces concessions car de cette qualification découle un régime juridique précis. Ainsi, le Conseil d'Etat considère qu'« Il appartient au gouvernement de se déterminer sur ce sujet avant l'ouverture prochaine à la concurrence des concessions tant nationales que locales : pour que les candidats, étrangers notamment, soumissionnent, il est préférable que le régime juridique de cette concession procure une visibilité et une prévisibilité suffisantes à l'investisseur et au concessionnaire ». La référence aux candidats étrangers mérite d'être soulignée.


Qualifications juridiques

Dans l'annexe 16 de son rapport, le Conseil d'Etat retient, à la lueur du droit communautaire, trois qualifications juridiques qui pourront être retenues en fonction de chaque cas de figure6 :

  • La qualification de concession de travaux publics lorsqu'elle a pour principal objet de réaliser des travaux et comme objet accessoire d'exploiter la chute d'eau ;
  • La qualification de concession de service du droit communautaire et des délégations de service public lorsqu'elle a pour principal objet d'exploiter une chute d'eau existante et de revendre l'électricité produite directement aux usagers ou à un service public de distribution d'électricité ;
  • La qualification de concession domaniale lorsque son objet principal est d'exploiter une chute existante pour répondre aux besoins propres en énergie de l'exploitant.

Le Conseil d'Etat écarte une autre qualification retenue par une partie de la doctrine, à savoir la qualification de concession d'occupation du domaine public assortie d'obligations d'intérêt général. Il nous semble que cette qualification pourrait être retenue7 dans certains cas.

Par ailleurs, il convient de noter que ce travail de qualification soulèvera des difficultés d'interprétation. Ainsi, quelle qualification retenir pour une concession qui, par définition, existe mais qui nécessite de lourds investissements pour améliorer son rendement, son insertion environnementale et son adaptation du point de vue de la sécurité des installations et dont l'objet est de vendre la totalité de l'électricité produite sur le marché ?

Le Conseil d'Etat limite certes le nombre de qualifications juridiques possibles mais eu égard à la multiplicité de ces qualifications et des incertitudes que cela crée, il est nécessaire que l'administration prenne position sur cette question.

Il n'en demeure pas moins que le rapport sur l'eau et son droit constitue indéniablement un outil très utile lors de la phase de renouvellement des concessions mais également après leur attribution.

Cela est d'autant plus le cas que « ce rapport constitue un document de référence qui concerne tous les aspects du droit de l'eau (les problèmes de quantité, de qualité et de risque) et restitue l'intelligence du droit dans la longue durée, qui est celle du développement durable ». Or, c'est de visibilité et de planification sur une longue durée que toutes les parties prenantes ont besoin.

Avis d'expert proposé par Mounir Meddeb, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit.

1 Conseil d'Etat - Rapport public 2010, Vol. 2 : L'eau et son droit. Etudes et documents n°61
2 Rapport, p.9.
3 Rapport, para. 2.4.3.3.
4 Cf. notamment le décret n°2008-1009 du 26 septembre 2008 modifiant le décret n°94-894 du 13 octobre 1994 relatif à la concession et à la déclaration d'utilité publique des ouvrages utilisant l'énergie hydraulique et le décret n°99-972 du 11 octobre 1999 approuvant le cahier des charges type des entreprises hydrauliques concédées ainsi que les trois arrêtés du 23 décembre 2008 définissant le dossier de demande de concession, définissant les modalités de réalisation et de remise du dossier de fin de concession et définissant les éléments de la lettre.
5 Pour une analyse détaillée de cette procédure, cf. Mounir Meddeb, Vers une mise en concurrence lors du renouvellement des concessions hydroélectriques, Revue Lamy de la concurrence, n°18, janv./mars 2009, p 91.
6 Rapport, annexe 16, p.371.
7 Cf. Pierre Sablière, La mise en concurrence des concessions de force hydraulique, AJDA, 2007, p. 2012.

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