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AccueilMounir MeddebRenouvellement des concessions hydroélectriques : la France est en retard

Renouvellement des concessions hydroélectriques : la France est en retard

Mounir Meddeb, Avocat au barreau de Paris, fondateur du cabinet d’avocats Énergie Légal, nous propose un Avis d'expert qui étudie les raisons des retards dans les procédures de renouvellement des concessions hydroélectriques.

Publié le 16/11/2010

En dépit de certaines annonces et déclarations, le calendrier officiel censé indiquer les différentes échéances pour le renouvellement des concessions hydroélectriques en France n'est toujours pas publié.

Lors de sa déclaration du 22 avril 2010, Jean-Louis Borloo a indiqué que dix concessions d'une puissance cumulée de 5.300 mégawatts seront renouvelées entre 2010 et 2015. Toutefois, en ce dernier trimestre de l’année 2010, les opérateurs du marché n’ont pas obtenu davantage de précisions et manquent toujours de la visibilité nécessaire pour se préparer aux échéances qui devraient avoir lieu, peut-être en début d’année 2011.

Distorsion de concurrence

Ce manque d’information constitue un désavantage concurrentiel par rapport aux concessionnaires actuels. Ceux-ci disposent d'indications utiles comme la connaissance des dates de remise des dossiers de fin de concession, des dossiers à remettre un an avant l'expiration de la concession, et de la nature de la réponse de l'administration donnant acte ou non du caractère complet de ces dossiers.
Le cadre réglementaire pour la mise en concurrence des concessions hydroélectriques est aujourd’hui en place par l’adoption du décret n°2008-1009 du 26 septembre 2008 modifiant le décret n°94-894 du 13 octobre 1994 relatif à la concession et à la déclaration d'utilité publique des ouvrages utilisant l'énergie hydraulique et le décret n°99-872 du 11 octobre 1999 approuvant le cahier des charges type des entreprises hydrauliques concédées. Le 23 décembre 2008, trois arrêtés d’application (arrêté définissant le dossier de demande de concession, arrêté définissant les modalités de réalisation et de remise du dossier de fin de concession et arrêté définissant les éléments de la lettre) sont venus compléter le dispositif.
Toutefois, demeure posée la question de l’acte réglementaire qui devrait permettre de regrouper certaines concessions en cascade afin de les attribuer à la même date à un exploitant unique. Or, l’échéance de ces différentes concessions varie parfois de plusieurs années. Il s’agit donc, selon le choix qui, a priori, a été fait par le MEEDDM, d’anticiper la fin de certaines concessions - possibilité prévue par le cahier des charges de concession - mais en indemnisant le concessionnaire sortant pour la réduction de la durée d’exploitation prévue initialement. Cela peut être au demeurant discuté eu égard aux conditions dans lesquelles s’est déroulé le renouvellement des concessions sous l’empire du régime juridique antérieur.
Il est évident que la question du regroupement des concessions ayant différentes dates d’échéance soulève des questions techniques, juridiques et, surtout, économiques complexes que le MEEDDM s’efforce de résoudre. Il n’en demeure pas moins que le retard est préjudiciable, hormis, peut-être, pour les exploitants actuels.
Ce retard n’est également pas conforme aux engagements français, il convient à cet égard de rappeler que la France a fait l'objet d'un recours en manquement en matière de renouvellement de concessions hydroélectriques, recours ouvert depuis le début des années 1990 et qui a été suspendu suite à l’engagement de la France de modifier le cadre juridique régissant l’attribution de l’exploitation des concessions hydroélectriques afin de permettre cette mise en concurrence. Dans ce contexte, la Commission européenne examinera la façon selon laquelle la procédure sera mise en œuvre avant mettre définitivement fin à cette procédure.

Accentuer la préparation des dossiers

Pour autant, cette période ne doit pas être négligée par les candidats à la reprise de l’exploitation de ces installations et devrait être consacrée, au-delà de la de la constitution du dossier proprement dite, à accentuer leur préparation, notamment pour ce qui concerne :

  • La sécurité des installations. Certes, le critère de la sécurité des installations et de leur exploitation ne constitue pas en tant que tel et expressément un critère de sélection des candidats comme cela est le cas pour le critère de l’efficacité énergétique, le critère économique et celui relatif à l’équilibre entre les différents usages de l’eau. Il n’en demeure pas moins que l’aptitude d’un candidat, dans le cadre de son programme d’investissement, de contrôle des équipements ainsi que dans son programme d’exploitation, à garantir un niveau optimal de sécurité sera prise en compte comme élément déterminant dans le choix final du concessionnaire.

    Ainsi, en réponse à une question du député François Brottes, le ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire indiquait qu'"à l'occasion de la mise en concurrence des concessions hydroélectriques, dans le cadre du contrôle des capacités techniques des pétitionnaires, l'Etat sera particulièrement attentif à la capacité du pétitionnaire à mettre en œuvre les exigences en matière de sécurité des ouvrages" (Question n°26278, Réponse en date du 28 octobre 2010).
  • Les enjeux environnementaux. Il ne s’agit pas pour les candidats de présenter une série de mesures disparates prenant en compte tel ou tel besoin ou répondant à une demande spécifique d’une association locale mais de mettre en place un véritable programme global permettant une insertion harmonieuse de l’installation dans son cadre environnemental.

    A ce titre, la convention d’engagements pour le développement d’une hydroélectricité durable en cohérence avec la restauration des milieux aquatiques suite au Grenelle de l’Environnement, signée le 23 juin dernier par les principales parties prenantes en matière d’hydraulicité en France (MEEDDM, établissements publics, élus locaux, associations représentatives, principaux opérateurs, etc.), fournit des lignes directrices très utiles permettant aux candidats d’aborder et d’anticiper l’essentiel des aspects environnementaux en jeu.
  • L’information. En effet, un intense travail d’information, de sensibilisation et de lobbying doit être mené par les candidats à destination des parties prenantes. La nature de ce travail et les moyens mis en oeuvre différent selon la position, la taille et les objectifs du candidat. Ainsi, pour les concessionnaires en place, l’objectif sera de faire état de leur bilan en matière de gestion de la concession, de son optimisation, etc.

    Pour les petits opérateurs adossés à des partenaires étrangers, il convient de démontrer que l’attelage constitue un consortium crédible et durable de nature à répondre à toutes les exigences en matière d’exploitation d’installations hydroélectriques totalisant parfois plusieurs centaines de mégawatts.

    Enfin, pour les gros opérateurs étrangers, il s’agit notamment de démontrer leur expérience en matière de gestion d’installations hydroélectriques, leur implantation locale – l’adhésion au projet de tel ou tel candidat ayant lieu essentiellement au niveau local – ou encore que leur gestion des installations se fera en prenant en compte les exigences relatives au système électrique français dans son ensemble.

    Dans ce cadre, les opérateurs ne devraient pas négliger la « petite hydraulique » qui leur permettra, entre autres, de parfaire leur maîtrise, à petite échelle, des enjeux concernant la gestion d’installations hydroélectriques en France et de renforcer la légitimité de leur candidature à l’exploitation d’installations de production d’électricité plus importantes.


La procédure est nouvelle, notamment pour l’administration, les enjeux financiers très importants, les problématiques juridiques complexes et les questions environnementales et de sécurité très présentes. Dans ce contexte, il est nécessaire que la procédure se déroule de la manière la plus transparente possible évitant ainsi tout risque de contentieux, préjudiciable à toutes les parties prenantes et risquant de retarder davantage la clarification du cadre juridique sur le fondement duquel sont exploitées les concessions hydroélectriques en France.

Avis d’expert proposé par Mounir Meddeb, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit.

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