Parmi les contrevérités visant à ''discréditer'' la science du climat, il y a celle selon laquelle la vague de froid de l'hiver dernier prouverait que la planète ne se réchauffe pas. James Hansen a souligné qu'au contraire, ces grands froids illustrent un changement important dans la direction des vents : ''lorsqu'il y a une pression élevée en Arctique, cela créé des hivers froids à des latitudes médianes'' .
Dans un article en cours de soumission à la Review of Geophysics, il démontre que les variations de températures, aux Etats-Unis et en Europe, sont dues à l'oscillation arctique, mais que le réchauffement demeure une tendance de fond qui se confirme : l'année 2009 aura été la deuxième année la plus chaude en moyenne sur le globe depuis 1880. Aux Etats-Unis, 8 des 10 derniers hivers et 8 des 10 derniers étés auront été plus chauds que la moyenne observée entre 1951 et 1980.
Puis il revient sur ''l'erreur himalayenne'' du quatrième rapport du GIEC (2007). Incontestablement, le GIEC a commis l'erreur de pronostiquer d'ici à 25 ans la disparition des glaciers himalayens. Reste que, selon le climatologue, ''les glaciers sont en train de disparaître rapidement. Une fois ces glaciers disparus, ce sont les rivières qu'ils nourrissent qui risquent de se tarir'' . En témoigne, clichés à l'appui pris en 1968 et en 2007, la fonte complète, entre ces deux dates, de la face nord du plus grand glacier du Mont Everest, le Rongbuk.
L'affaire des courriels détournés du climategate selon laquelle des scientifiques de l'université d'East Anglia auraient cherché à dissimuler des données minorant l'influence de l'activité humaine sur le climat est pour M. Hansen un non événement : ''Il n'y a pas de dimension cachée dans la communauté scientifique. Les programmes informatiques sont disponibles à tous !'' La science du climat n'est donc pas discréditée, ''au contraire'' : ''le changement de la température globale, le recul des glaciers, le déséquilibre énergétique de la planète confirment le diagnostic global'' .
Selon James Hansen, le problème n'est donc pas d'ordre scientifique, mais relève du fossé entre ce qui est compris par les scientifiques et ce qui est su par le grand public. Le climatologue suggère aux académies nationales des sciences de relayer auprès des citoyens le diagnostic de la communauté scientifique et l'urgence de prendre des mesures de réduction des émissions.
Donner un prix mondial au carbone
''La réalité, c'est que les gouvernements font l'autruche : on construit des centrales à charbon, on exploite les sables bitumineux, on extrait chaque dernière goutte de pétrole : tant que les combustibles fossiles resteront la source d'énergie la moins chère, les gouvernements la rechercheront'' , martèle-t-il devant les parlementaires français. Il y a un ''gouffre énorme'' entre la rhétorique et la réalité : les intérêts des fossiles sont protégés, dans un contexte de désinformation et de ''greenwashing'' gagnant. Et ce n'est pas la technologie du CCS (séquestration du CO2) qui répondra au problème : trop coûteuse et énergivore, elle est vouée à l'échec, selon M. Hansen.
Dans son dernier ouvrage, Storms of my Grandchildren , James Hansen lance une nouvelle alerte sur ''la catastrophe climatique à venir et notre dernière chance pour sauver l'humanité'' . Il constate que les politiciens ont échoué à connecter la politique à la science. Pire, ils répondent à la crise climatique par des remèdes inefficaces dictés par des intérêts particuliers. En l'occurrence, James Hansen est convaincu de l'inefficacité du système de cap and trade (marchés de quotas de carbone), préconisé à Kyoto par Al Gore en 1997 et inscrit au cœur de la loi climat-énergie qui vient d'être présentée par le Sénat américain.
De fait, ce marché carbone, outre qu'il est instable et truffé d'exemptions, va échouer à s'internationaliser. Selon M. Hansen, en aucun cas la Chine et l'Inde ne consentiront à plafonner leurs émissions, donc leur économie. ''En revanche, ces pays peuvent accepter un prix du carbone, parce qu'ils y ont intérêt. La Chine fait de gros investissements dans les énergies renouvelables et le nucléaire. Si le prix du carbone augmente, elle pourra accélérer le développement des énergies propres et les vendre à l'étranger'' . Pour l'Inde et la Chine, la priorité est de sortir du charbon et son cortège de pollutions locales et globales.
Infatigable, James Hansen ne désespère pas de convaincre le président Obama que c'est vers une taxe mondiale sur le carbone qu'il faut s'orienter, en partenariat avec la Chine. De Copenhague, il pense qu'au fond ''ce n'est pas mal qu'il n'y ait pas eu d'accord. Car Kyoto n'était qu'un marché carbone qui ne fonctionnait pas. Depuis Kyoto, les émissions n'ont fait qu'augmenter. Donc mieux vaut repartir à zéro et forger un système de prix efficace pour obtenir les réductions nécessaires'' .