La réglementation, notamment la Directive biocide, mais également la prise de conscience environnementale pourraient pousser à l'émergence de solutions alternatives aux biocides moins impactantes pour l'environnement. Tour d'horizon.
Substances actives issues de ressources naturelles, modification de l'organisation d'un process industriel ou encore modifications du composé à protéger : différentes stratégies sont aujourd'hui explorées comme pistes alternatives aux biocides classiques. Qu'elles soient motivées par une contrainte réglementaire ou pour réduire les impacts sur l'environnement, ces méthodes se développent notamment dans le secteur du bois. "La directive biocide (…) n'autorise plus que l'utilisation de certains produits de préservation du bois sélectionné en fonction de leur innocuité, explique dans une présentation, Philippe Gerardin, directeur du laboratoire d'études et de recherche sur le matériau bois (Lermab), c'est dans ce contexte qu'est apparu (…) un intérêt de plus en plus important pour l'utilisation de nouvelles méthodes de protection du bois, dites non-biocides".
Le bois se compose en effet de trois polymères : la cellulose, l'hémicellulose et la lignine. Ces derniers sont sensibles aux champignons, bactéries, insectes ou encore à des mollusques marins.
Pour se prémunir de ces atteintes, certains utilisent une autre solution que les biocides : un traitement thermique. L'exposition à des températures comprises entre 180 et 240°C sous atmosphère inerte confère en effet au bois des propriétés nouvelles : sa stabilité augmente et il résiste mieux aux agents de pourritures.
Autre technique utilisée : l'imprégnation du bois d'alcool furfurylique, obtenu à partir de sous-produits agricoles, suivi d'une polymérisation à chaud. L'objectif est d'introduire dans le bois un autre polymère qui durcit sous l'effet de la chaleur et consolide ainsi les autres constituants.
La prise de conscience environnementale a conduit certaines entreprises à modifier leurs process industriels. C'est le cas de l'industrie papetière par exemple "qui a été amenée à réduire ses consommations d'eau donc recycler et fermer les réseaux, ce qui a conduit à l'augmentation des concentrations en éléments nutritifs dans les canalisations et des développements bactériens importants, explique Nicolas Bernet, directeur de recherche à l'Institut national de recherche agronomique (Inra), pour les éviter, elle utilise beaucoup de biocide". Les biofilms, lors de leurs décrochements, provoquent en effet la casse de la feuille et l'arrêt des machines.
Un projet de recherche baptisé "BioFImE" financé par l'Agence nationale de la recherche (ANR) a étudié différentes actions, à l'échelle du laboratoire puis sur un pilote, pour tenter de réduire la consommation de biocides. Ils se sont tout d'abord intéressés à l'organisation de la production et ont identifié des zones de l'usine dont les conditions favorisaient la prolifération des bactéries à l'origine des biofilms. "L'application de solutions techniques simples pour limiter cette prolifération a déjà permis de réduire le développement microbien sur la machine à papier", souligne Nicolas Bernet.
Des extraits de thym et d'origan comme biocides
Les scientifiques ont également essayé de limiter l'adhésion bactérienne par traitement des surfaces avec des biosurfactants mais également avec des inhibiteurs naturels. Parmi ces derniers, les plus efficaces sont le carvacrol (substance active retrouvée dans l'origan) et le thymol (substance active retrouvée dans le thym).
"Les résultats obtenus sont intéressants, note Nicolas Bernet, si nous n'arrivons pas à supprimer totalement la formation des biofilms, nous pouvons la ralentir". La stratégie consiste alors à freiner suffisamment leur développement pour arriver à la fin d'un cycle de fonctionnement. Lors de la fabrication du papier, après 4 à 6 semaines, les machines sont en effet arrêtées pour être nettoyées. "Vu le coût des molécules, l'objectif est de les utiliser dans des zones ciblées où les risques de nuisance pour la production sont les plus importants", reconnaît Nicolas Bernet.
Selon lui, seule une combinaison d'actions alternatives pourra être efficace. Il espère désormais pouvoir tester de façon combinée les biosurfactants et les antibactériens en conditions réelles dans une usine papetière. La validation de l'utilisation de ces produits s'avère toutefois onéreuse."S'il n'y avait pas d'autres solutions, que les molécules étaient interdites, nous pourrions avancer, mais là la pression n'est pas assez importante pour que les industriels se permettent de dépenser des sommes élevées", constate Nicolas Bernet.
Vers des peintures anti-fouling respectueuses de l'environnement ?
L'eau de mer, riche en nutriments, est également propice à la colonisation des structures immergées par des bactéries, microalgues... Différentes substances chimiques (dichlorofluanide, cybutryne, tolylfluanide ou antérieurement le tributyl-étain aujourd'hui interdit) sont utilisées sous forme de peinture pour éviter ce "biofouling" (biosalissure) sur la coque des navires.
Douze substances biocides utilisables dans des peintures sont à l'étude dans le cadre de la directive. En 2014, parmi ces dernières, seules celles qui auront montré leur efficacité et un impact limité sur l'environnement pourront être utilisées.
Le projet de recherche Biopaintrop s'efforce de développer des gammes de peinture dont les substances actives sont d'origine naturelle. Les scientifiques espèrent exploiter les propriétés de microalgues benthiques marines tropicales retrouvées à La Réunion. Ces dernières émettent des substances répulsives pour se protéger des prédateurs ou de la colonisation d'autres espèces. Débuté en 2012, le projet de recherche se terminera en 2016.
Du côté des détergents, une gamme "verte" à la fois pour un usage professionnel ou particulier émerge. Les détergents écologiques sont fabriqués à partir d'une base végétale alternative à l'industrie pétrochimique (par exemple des céréales, betteraves à sucre, huile de coprah, l'huile de palme ou de palmiste, etc.). Ces produits présentent un impact moindre pour l'environnement grâce à une écotoxicité et une biodégradabilité améliorées.© Tous droits réservés Actu-Environnement
Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.
Retrouvez le dossier "Produits biocides"
à la une du n° 328
Acheter ce numéro
S'abonner