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Actu-Environnement

''Il faut donner aux acteurs locaux les moyens d'agir par eux-mêmes''

Quelle biodiversité pour demain ? Actu-Environnement.com - Publié le 18/10/2010
Quelle biodiversité pour demain ?  |    |  Chapitre 9 / 9
Alors que s'ouvrent les négociations internationales sur la biodiversité, Laurent Simon, enseignant chercheur au Laboratoire dynamiques sociales et recomposition des espaces de l'université Paris 1, rappelle l'importance d'aborder cet enjeu par une approche territoriale.

Laurent Simon : la notion de biodiversité est apparue récemment, dans les années 80. Est-ce que son approche a évolué depuis ?
AE :
Cette notion était au départ très naturaliste. On parlait en nombres d'espèces, d'écosystèmes… Son champ s'est progressivement ouvert à des approches culturelles et plus récemment à une approche par les services écosystémiques. La biodiversité est très difficile à estimer, on a donc commencé à évaluer d'un point de vue économique les services que rendait la nature. Cette vision est beaucoup plus parlante. Elle a permis de sensibiliser les entreprises notamment à l'intérêt de la biodiversité. Elle peut néanmoins s'avérer problématique dans le sens où on ne sait pas à quoi servent toutes les espèces. On peut donc en juger certaines inutiles et dans ce cas, il y a danger.

AE : Vous êtes très critique sur l'idée de conservation…
LS :
Pendant très longtemps, la protection de la biodiversité a consisté à créer des aires protégées. C'est une protection dure qui n'a pas que des impacts écologiques positifs. Les incendies du parc du Yellowstone aux Etats-Unis en 19881 ont été causés par une protection trop forte. La forêt n'était pas gérée, il y avait beaucoup de bois mort.
Nous sommes dans une conception très occidentale de la protection : on protège un écosystème et l'idée que l'on se fait de cet écosystème. À l'échelle historique, les paysages ont toujours évolué. Or, quand on protège, on essaie de figer ces paysages.
Autre limite de cette vision de la conservation : on réfléchit en termes d'aires protégées délimitées. Pourtant, avec le changement climatique, les plantes et espèces animales ont besoin d'être mobiles. Il faut davantage penser en termes de corridors écologiques qu'en aires limitées, même si celles-ci ont leur utilité. Cela permet également d'agir sur la nature ordinaire.

AE : Vous abordez la question de la biodiversité ordinaire. On raisonne pourtant souvent en termes de hotspots pour identifier les zones prioritaires…
LS :
Aujourd'hui, effectivement, la plupart des financements sont destinés à la conservation des hotspots qui, par définition, sont des zones de haute biodiversité où des menaces ont été identifiées. Il y a pourtant autant de menaces sur les grands écosystèmes septentrionaux (Arctique…), territoires de ‘’faible’’ biodiversité mais avec des espèces et des écosystèmes remarquables et emblématiques. L'approche hotspots ne doit pas être le modèle dominant : elle a concentré les financements sur certaines zones en oubliant les ''coldspots''.

AE : Dans les discours sur la biodiversité, l'homme est également souvent opposé à la nature…
LS :
Cette opposition est très schématique. L'apparition de l'espèce humaine s'est traduite par des disparitions d'espèces mais aussi par l'apparition de certaines espèces, notamment avec le développement de l'agriculture. Les paysages ruraux, méditerranéens notamment, sont des territoires très riches en biodiversité. Il est incontestable qu'à l'échelle de la planète, l'apparition de l'homme a entraîné une perte de biodiversité. Mais à l'échelle locale, cette idée doit être nuancée. Les sociétés ont aussi créé de la biodiversité.
L'Amazonie est souvent perçue comme une forêt vierge. Pourtant, cette forêt a été peuplée et transformée depuis des millénaires. Ces transformations constituent un des facteurs de maintien de la biodiversité.
On le voit bien, en matière de biodiversité, les choses ne sont pas univoques. C'est un problème complexe que les politiques cherchent à régler dans la simplicité. La conservation n'est pas forcément facile à faire accepter socialement. Chaque territoire a ses particularités, il faut donner aux acteurs locaux les moyens d'agir par eux-mêmes. Dans les discussions internationales sur la biodiversité ou le climat, on se retrouve face à des injonctions qui viennent d'en haut, il y a un véritable problème de démocratie.
De même, les politiques sont conçues par des experts (généralement originaires des pays du Nord) et ne sont pas forcément adaptées aux situations réelles. Le rapport Stern, par exemple, chiffre à 5 milliards par an les crédits nécessaires à la lutte contre la déforestation. Le Brésil est principalement concerné par cette problématique. On y déforeste généralement pour planter du soja. Un hectare de cette culture procure des revenus pouvant atteindre 400 à 500 € par hectare et par an quand le rapport Stern (2005) ou encore le rapport Mc Kinsey (2009) n’envisagent que des coûts de compensation de l’ordre de 15 à 20 euros/hectare… Ce n'est pas réaliste.
Une gouvernance internationale est nécessaire pour répondre à ces enjeux, mais il faut laisser aux acteurs locaux la prise en charge des solutions. La question clé aujourd'hui est de savoir comment décliner les grandes lignes définies par les instances internationales à l'échelle locale pour faire en sorte que les acteurs locaux se les approprient.

Propos recueillis par Sophie Fabrégat

© Tous droits réservés Actu-Environnement
Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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