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"La portée des dernières évolutions réglementaires dépendra des modalités de leur mise en œuvre"

Eau potable : des réseaux en mutation Actu-Environnement.com - Publié le 08/05/2017

Transfert des compétences Eau, exigence de connaissance du patrimoine, encadrement des contrats de concession, l'évolution de la réglementation influence la gestion du service. Pour le meilleur ? Précisions de Régis Taisne, de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies.

Eau potable : des réseaux en mutation  |    |  Chapitre 6 / 7
"La portée des dernières évolutions réglementaires dépendra des modalités de leur mise en œuvre"
Environnement & Technique N°369 Ce dossier a été publié dans la revue Environnement & Technique n°369
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Actu-Environnement : La réglementation a connu des évolutions cette année avec la loi Notre, la transposition de la Directive concession et la loi Grenelle 2 : quelles opportunités ces textes apportent aux collectivités pour la gestion de leur réseau d'eau ?

Régis Taisne : En premier lieu, l'agrandissement des services voulue par la loi Notre va dans le sens d'un renforcement de la capacité de maîtrise d'ouvrage et d'expertise, avec le transfert obligatoire des compétences Eau et assainissement aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FP) . Les 9.000 services de distribution d'eau potable et 12.000 services d'assainissement de moins de 2.000 habitants vont ainsi fusionner au sein d'entités d'au moins 10 à 15.000 habitants. Les différentes procédures liées aux transferts de compétence devraient en théorie conduire à reconstituer des inventaires physiques et comptables très détaillés avant les transferts effectifs. Toutefois aujourd'hui, les collectivités prises dans la tourmente de la loi Notre réagissent de manière assez différente les unes des autres. Certaines anticipent ces transferts de compétences et se sont lancées dans des inventaires, d'autres ont vu leurs compétences transférées dès 2016 ou 2017, de manière très rapide sans études préalables. D'autres enfin, semblent être dans l'attentisme...

AE : A quoi est lié cet attentisme ?

RT : Un grand nombre d'élus de petites communes souhaitent maintenir un service à l'échelle municipale et sont donc hostiles aux transferts des compétences au niveau des communautés. Certains ont en outre considéré que la proposition de loi pour le maintien des compétences "eau" et "assainissement" dans les compétences optionnelles des communautés de communes était déjà adoptée - alors qu'il ne s'agit que d'un vote en première lecture par le Sénat. J'observe que cette proposition a été très largement approuvée par les sénateurs de tout bord politique. Est-ce un revirement du Sénat - qui avait approuvé la loi Notre ? Est-ce lié au prochain renouvellement de la moitié du Sénat (à l'automne 2017) alors que les maires sont les principaux grands électeurs ? Nous verrons d'ici quelques mois si le Sénat - renouvelé pour moitié - renvoie la proposition qu'il a adoptée en février vers la nouvelle Assemblée nationale.

AE : La Directive européenne qui encadre les contrats de concession a été transposée en droit français par une ordonnance en janvier 2016 puis un décret en février 2016 ? Qu'est-ce que ces textes apportent comme modifications pour les services d'eau potable ?

RT : La Directive sur l'attribution des contrats de concession exclut l'eau de son champ. En revanche, l'ordonnance de transposition en droit français comprend une procédure simplifiée pour tous les contrats d'eau. Un des objectifs de la Commission européenne était de renforcer la concurrence et pour cela de réduire la durée des contrats de concession. Comme souvent entre la volonté, ce qui a été écrit et sa mise en œuvre, nous constatons des écarts… Les délégataires et les collectivités qui souhaitent des contrats de durée supérieure à cinq ans pourront le justifier a priori par des clauses concessives. Le texte a également élargi les possibilités de modifications des contrats.

AE : Quelles sont les possibilités ouvertes par le texte ?

RT : Jusqu'à présent, la jurisprudence conduisait à considérer qu'un avenant entraînant une augmentation globale du chiffre d'affaires de plus de 20% modifiait substantiellement le contrat. Une remise en concurrence était alors obligatoire. Mais ce seuil n'était qu'indicatif. Le décret concession fixe désormais des seuils clairs, et applicables, modification par modification. Ainsi en est-il des modifications et travaux supplémentaires rendus nécessaires par des circonstances imprévues et qui ne pourraient être attribués à un autre concessionnaire ou ne le pourraient sans inconvénient majeur ou surcoût pour la collectivité. Ceci à condition toutefois que l'augmentation du montant du contrat ne dépasse pas 50% - donc considérablement plus qu'auparavant. Ce seuil s'applique à chaque modification. Avec une mise en garde sur l'interdiction de saucissonner les avenants pour passer sous les seuils. C'est un appel d'air considérable pour les modifications de contrat. Les collectivités confrontées à des modifications imprévues sur des contrats relativement longs disposent ainsi de plus de marge de manœuvre, ce qui peut être appréciable. Toutefois, cette situation n'est pas très bonne pour la concurrence. Les candidats seront moins engagés lors de la négociation initiale du contrat car ils pourront miser sur des modifications ultérieures plus importantes sans le couperet de la concurrence. Certaines conditions sont également sujettes à interprétation.

AE : Quels sont ces points flous ?

RT : Le texte indique qu'une modification n'est pas substantielle notamment lorsque son montant n'excède pas 10% du montant initial du contrat. Certains veulent l'interpréter comme autorisant par principe toute modification si elle respecte ce seuil. Or, nous considérons – nous verrons bien ce que diront les juges dans les années qui viennent – qu'un avenant ne s'analyse pas qu'en termes de montant. Il faut également prendre en compte les éventuelles modifications du partage des responsabilités et des risques, des tâches ou missions à remplir. Ainsi, suite à l'interdiction des coupures d'eau, des délégataires ont proposé à des collectivités des mécanismes de compensation automatique de la hausse des impayés via des sortes de "fonds de garantie" financés par une augmentation des tarifs. Si les impayés s'avèrent plus faibles qu'escompté cela laisse de la marge pour les travaux. Dans le cas contraire, la collectivité rembourse la différence au délégataire. Comme cette modification n'a qu'une faible incidence sur le chiffre d'affaires (moins de 10%), certains la considèrent comme légale… Toutefois, elle remet en cause de manière fondamentale le principe même de la délégation de service public.

AE : L'évolution de la réglementation va-t-elle dans le bon sens concernant la gestion des services d'eau potable ?

RT : Oui et non : ces différents textes contiennent des dispositions et orientations intéressantes mais leurs résultats dépendront en grande partie des modalités de mise en œuvre. Par exemple, la déconstruction de syndicats existants peut générer des surcoûts importants, en contradiction avec les objectifs de rationalisation et d'efficience portés par la loi. La modification du régime des avenants des contrats de concession peut apporter une utile souplesse dans la gestion des contrats, mais aussi être utilisée pour entraver la concurrence. N'en déplaisent à nos jacobins, les solutions universelles et plaquées d'en haut sont rarement les plus efficaces.

Propos recueillis par Dorothée Laperche

© Tous droits réservés Actu-Environnement
Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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