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Le fonds chaleur, un outil efficace à renforcer

Energies renouvelables : une place grandissante dans l'économie française Actu-Environnement.com - Publié le 18/09/2017

Depuis 2008, le fonds chaleur a fait ses preuves. Entreprises et collectivités sont convaincues de son utilité. Reste à savoir si le gouvernement va honorer sa promesse de le doubler.

Energies renouvelables : une place...  |    |  Chapitre 4 / 15
Le fonds chaleur, un outil efficace à renforcer
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En France, 47% de l'énergie est consommée sous forme de chaleur. Mais à l'heure actuelle, seuls 18% de cette consommation sont assouvis par de la chaleur d'origine renouvelable ou de récupération. En cause ? Une concurrence accrue des énergies fossiles et notamment du gaz, qui fournit aujourd'hui 30% des besoins, liée à des prix historiquement bas. Pourtant, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) fixe des objectifs ambitieux : la chaleur renouvelable devra répondre à 38% des besoins de chaleur d'ici à 2023 avec une production de 19 Mtep, soit un doublement par rapport à aujourd'hui. Un défi pour ce secteur.

Rendre plus attractive la chaleur renouvelable

 
Même si les collectivités sont sensibles à l'argument écologique, le prix reste l'argument d'arbitrage. Avec le fonds chaleur, le prix de la chaleur est 5 à 10% moins élevé qu'avec le gaz  
Vincent Gayrard, Engie Cofely
 
Pour encourager la chaleur renouvelable, le ministère a prévu toute une panoplie de soutiens financiers pour aider au passage à l'acte. Le fonds chaleur est l'un d'entre eux. Géré par l'Ademe, ce fonds finance depuis 2009 les projets de production de chaleur à partir d'énergies renouvelables et de récupération (EnR&R) ainsi que les réseaux de chaleur liés à ces installations. Ces aides financières permettent à la chaleur renouvelable d'être compétitive par rapport à celle produite à partir d'énergies conventionnelles. "Le fonds chaleur est une aide à l'investissement. Ce sont des projets très capitalistiques. C'est un fonds essentiel", confirme Vincent Gayrard d'Engie Cofely.

Car le développement de la chaleur renouvelable dépend beaucoup du prix des énergies fossiles avec lesquelles elle est directement en concurrence. "Entre 2010 et 2012, le volume d'énergie produit à partir de biomasse a augmenté proportionnellement à la hausse du prix du gaz. Les deux facteurs ont été multipliés par deux sur cette période", constate Vincent Gayrard. Une chaudière biomasse coûte encore 3 à 4 fois plus cher que son équivalent gaz. "Même si les collectivités sont sensibles à l'argument écologique, le prix reste l'argument d'arbitrage. Avec le fonds chaleur, le prix de la chaleur est 5 à 10% moins élevé qu'avec le gaz", explique Vincent Gayrard, d'Engie Cofely.

Les entreprises en profitent

Le fonds chaleur a financé, entre 2009 et 2016, 3.900 projets pour un budget d'1,6 milliard d'euros. Depuis 2014, il soutient plus fortement la récupération de chaleur fatale, la géothermie par pompe à chaleur ou encore le biogaz et un peu moins la biomasse solide. Une partie des projets sont sélectionnés via un appel à projets lancé chaque année depuis 2008. Baptisé Biomasse Chaleur Industrie Agriculture Tertiaire (BCIAT), il vise les entreprises de tous les secteurs souhaitant s'équiper d'installations assurant une production de chaleur à partir de biomasse supérieure à 1.000 tep/an.

Depuis 2009, le secteur agroalimentaire a été le premier bénéficiaire des appels BCIAT avec 47 projets qui assurent une production énergétique de plus de 250.000 tep par an. Vient ensuite le secteur du papier-carton et ses 200.000 tep. Vingt projets concernent des laiteries, dont le besoin en vapeur est important pour la transformation du lait. Parmi elles, les laiteries Triballat à Rians (18) ont investi 3 millions d'euros, financés pour moitié par le fonds chaleur, dans une chaudière bois vapeur en remplacement d'une chaudière au fioul. L'installation, qui s'approvisionne en bois issu d'un massif forestier local, couvre 80% des besoins thermiques de la laiterie.

Autre exemple d'installation financée lors des éditions précédentes BCIAT : une usine de Nestlé, sur le site de Challerange (08), dédiée à la production de poudres de lait, a mis en service une installation biomasse d'une puissance de 7 MW. Suite à cette première expérience concluante, des projets similaires ont abouti dans trois autres usines Nestlé implantées en France.

 
L'Ademe teste la délégation des subventions L'Ademe et le Syndicat Energies Haute-Vienne (SEHV) ont signé, le 26 janvier 2017 dans le cadre des Assises européennes de la transition énergétique, le premier contrat de développement des énergies renouvelables thermiques en gestion déléguée. "Par cet accord, l'Ademe délègue au SEHV pour une durée de trois à six ans la gestion d'un fonds de subventions issues du fonds chaleur, explique le communiqué de presse. Le SEHV peut ainsi proposer un nouveau financement à ses collectivités adhérentes (102 communes et 7 communautés de communes), et regrouper des projets de taille modeste qui bénéficieront ainsi de ressources jusqu'ici réservées à des projets de grande envergure." Le syndicat départemental s'engage à faire émerger une vingtaine d'opérations au cours des trois prochaines années. Il mise sur 17 opérations bois énergie et trois opérations d'installations solaires thermiques pour un investissement de 3,3 M€, dont 1,3 M€ seront directement financés. "Ce contrat est pour nous une reconnaissance de notre travail et des compétences de nos agents dans ce domaine, se félicite George Dargentolle, président du syndicat. Grâce aux diagnostics très complets qui sont établis pour chaque collectivité adhérente, nous connaissons bien leurs problématiques énergétiques et accompagnons les élus dans leurs décisions tout au long des projets."
 
Les collectivités aussi

Les collectivités profitent également des aides du fonds chaleur surtout pour créer, modifier ou agrandir leurs réseaux de chaleur. Selon la PPE, il faut multiplier par cinq la quantité de chaleur renouvelable et de récupération distribuée en réseaux. La France compte aujourd'hui 559 réseaux de chaleur contre 365 en 2015. Le taux d'utilisation d'énergie renouvelable ou de récupération atteint 50% contre 30% en 2008, ce qui montre la bonne progression en la matière. Mais cela reste insuffisant. Il va falloir agrandir et surtout accroître le nombre de réseaux de chaleur.

En 2016, de nombreux réseaux de chaleur (nouveau ou extension) ont été accompagnés par le fonds chaleur. C'est le cas par exemple à Arras (Pas-de-Calais) dont le réseau de chaleur est géré par Dalkia. D'une puissance de 15 mégawatts (MW), la nouvelle chaufferie biomasse permet de fournir la moitié de la chaleur du réseau. L'aide de l'Ademe s'élève à 4,9 millions d'euros pour un investissement global de 14,1 millions d'euros. Angers (Maine-et-Loire), Dunkerque (Nord), Toulouse (Haute-Garonne) et Dijon (Côte-d'Or) ont eux aussi sauté le pas de la chaleur renouvelable. Auxquels s'ajoute le réseau de chaleur géothermique "Ygéo", inauguré le 7 décembre 2016, à Rosny-sous-Bois, Noisy-le-Sec et Montreuil (Seine-Saint-Denis). D'une longueur de plus de 10 km, ce réseau, conçu et exploité par Engie Réseaux, doit couvrir les besoins énergétiques de plus de 10.000 équivalent-logements sur les trois communes. Au total, ce sont plus de 100 gigawattheures (GWh) qui seront livrés chaque année par le réseau à ses abonnés. Ygéo a été soutenu financièrement par le Fonds  Chaleur et la Région Ile-de-France à hauteur de 7 millions d'euros. L'investissement global est de plus de 35 millions d'euros.

Le 1er décembre 2016, deux nouveaux projets ont par ailleurs été adoptés au Conseil d'administration de l'Ademe. Il s'agit d'"Energie Grand littoral", avec son projet de raccordement du réseau de chaleur de la ville de Dunkerque (Nord) et d'un site industriel au centre de valorisation énergétique. Il s'agit également d'"ELM", avec son projet d'extension du réseau de chaleur de Lyon/Villeurbanne/ Bron (Rhône) et la mise en place d'une chaufferie bois.

Des retombées positives pour l'emploi

Selon une étude réalisée en 2014 par Ernst & Young pour le compte de l'Ademe, les appels d'offres BCIAT ont eu des retombées positives en termes d'emplois "made in France". Ainsi, le volume d'emplois directs (chez le porteur de projet) et indirects (chez les fournisseurs) généré lors de la phase d'investissement serait "relativement bien corrélé au montant total des dépenses d'investissement". L'étude a mis en évidence un ratio d'emplois équivalent temps plein par millions d'euros (ETP/M€) d'investissement allant de 5,5 ETP/M€, pour un projet de taille moyenne avec une technologie de chaudière simple, à 7,3 ETP/M€, pour les plus petits projets. "Le fonds chaleur bénéficie directement à l'économie locale. Collecter, transporter la biomasse génère de l'activité, sans compter la construction des installations et leur exploitation, explique Dominique Kieffer, directeur des affaires publiques chez Dalkia. Pour 1.000 tonnes de bois énergie consommées, c'est au moins un emploi créé dans la filière".

A quand un doublement du fonds ?

Face au succès du fonds chaleur, les collectivités en veulent plus et attendent avec impatience le doublement de l'enveloppe budgétaire. Pour Rémi Chabrillat, directeur Productions et Energies durables à l'Ademe, le fonds chaleur avec ses subventions permet de combler le fossé et rendre plus attractive la chaleur renouvelable. "Mais la baisse du prix du gaz ces dernières années renchérit les projets et ne permet pas au fonds chaleur d'en soutenir davantage", regrette-t-il. Promis par l'ex-ministre de l'Environnement Ségolène Royal, ce doublement n'est toujours pas effectif.

"Il faut un doublement de ce fonds pour demain, mais il va falloir le multiplier par trois ou par quatre dans les années qui viennent", alerte Nicolas Garnier, délégué général de l'association Amorce. Selon lui, malgré une prise de conscience croissante, "le secteur n'est pas encore assez compétitif comparé à l'éolien et au photovoltaïque"'. Pour convaincre, Nicolas Garnier rappelle que cette aide revient à 3€/MWh sur toute la durée de concession d'un réseau de chaleur, soit dix fois moins que les soutiens publics à l'électricité renouvelable. "Le fonds chaleur a démontré son efficacité. C'est l'outil le moins dispendieux pour les deniers publics. Une tonne équivalent pétrole (tep) évitée grâce au fonds chaleur nécessite de l'ordre de 40 euros. Une tep évitée grâce aux ENR électriques coûte plus de 100 euros d'argent public", explique Dominique Kieffer, directeur des affaires publiques chez Dalkia.

Du côté du syndicat des énergies renouvelables (SER), l'espoir est aussi au rendez-vous : "Ce doublement serait d'autant plus efficace que l'Ademe dispose déjà d'un nombre suffisant de dossiers à soutenir", déclarait Jean-Louis Bal en juin 2017. Si ce fonds ne peut pas être doublé, les acteurs espèrent au moins une hausse de la contribution climat énergie (CCE) pour augmenter artificiellement le prix des énergies carbonées. "La meilleure aide, c'est de donner un prix au carbone. La CCE est de 30 euros la tonne aujourd'hui. La loi de transition énergétique prévoit 100 euros la tonne en 2030. Mais il faut arriver à 100 euros la tonne le plus vite possible. 2020 ce serait bien", estime Vincent Gayrard.

Florence Roussel

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Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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