Si l'utilisation directe de la chaleur solaire dans l'habitat est relativement simple, l'idée peine à s'imposer. Néanmoins, le concept de la maison bioclimatique connaît un second souffle avec l'apparition de la haute qualité environnementale.
Depuis près d'un demi siècle, différentes techniques architecturales permettent la construction de maisons bioclimatiques, c'est à dire de maisons s'adaptant au climat et à l'environnement en tirant profit des apports solaires tout en conservant la fraîcheur en été. Si, avec de tels bâtiments, l'énergie thermique du soleil permet de couvrir une part importante des besoins énergétiques, la démarche n'est pas répandue en France, malgré les exemples étrangers et des expériences pilotes sur le territoire français. En cause, notamment, la difficulté à limiter les surchauffes estivales du bâtiment sous les climats tempérés.
Du Nouveau Mexique au Nord de l'Europe
D'un point de vue strictement architectural, les techniques bioclimatiques ont connu un réel intérêt dans les années 1970 avec l'arrivée des grandes parois vitrées dans les maisons individuelles. Cet intérêt fut favorisé par l'isolation thermique de piètre qualité qui entrainait d'importants problèmes de confort thermique. Dans ces conditions, obtenir un apport énergétique solaire permettait de réduire la consommation énergétique en hiver et protéger les baies vitrées de l'insolation directe en été préservait la fraicheur.
Parallèlement, "d'autres techniques furent importées du Nouveau Mexique où les maisons des indiens en adobe, des briques de terre crue séchée, inspirèrent certains architectes", explique le spécialiste de l'Ademe. L'objectif était de concevoir des murs qui captent et stockent l'énergie solaire pour ensuite la restituer pendant la nuit. Certains principes de l'architecture indienne furent ainsi repris, notamment parce qu'ils répondaient à deux problématiques : préserver un confort thermique avec des chaleurs importantes en été et réduire la consommation énergétique durant des hivers froid mais ensoleillés.
"Il s'agissait d'une logique de recherche d'autonomie", rappelle Yves Moch, ajoutant que "le concept a eu un certain succès dans le nord de l'Europe". Les hivers froids mais ensoleillés s'y prêtaient, ce qui est moins vrai pour les zones où la couverture nuageuse est plus importante.
Serres et murs capteurs
Concrètement, l'usage de l'énergie thermique solaire dans les bâtiments bioclimatiques repose sur deux grandes approches : le recours à des surfaces vitrées (serres et vérandas) et à des murs capteurs emmagasinant la chaleur en journée pour la restituer de nuit.
L'utilisation d'une serre pour le chauffage permet la valorisation des apports solaires en les stockant dans des parois rayonnantes adjacentes ou en les restituant grâce à la ventilation mécanique contrôlée (VMC), une pompe à chaleur (PAC) ou une ventilation forcée. Le principal défaut de cette approche est le problème du maintien en été du confort thermique de la serre.
L'alternative repose aussi sur l'effet de serre mais se distingue sensiblement puisqu'il s'agit de disposer une paroi de verre devant un mur en laissant entre les deux une fine lame d'air. Le mur capte la chaleur de l'air puis la restitue par rayonnement dans la pièce située de l'autre côté. Si le principe est simple, sa mise en œuvre demande quelques améliorations afin de limiter au maximum les déperditions de chaleur. Parmi celle-ci figurent notamment un usage du double vitrage pour la paroi vitrée ainsi que sa protection par un système d'isolation nocturne.
La RT 2012 n'est pas forcément favorable
Les nouvelles règles de consommation énergétique des bâtiments peuvent-elles favoriser les bâtiments passifs ? Pas nécessairement, selon Yves Moch qui juge qu'en imposant des niveaux d'isolation performant, la mise en œuvre de techniques permettant de capter, stocker et redistribuer l'énergie solaire via le bâtiment lui-même perdent en intérêt. En effet, les besoins de chauffage étant réduits, ils peuvent être couverts à moindre frais par les systèmes de chauffage les plus performants tout en respectant la réglementation. "Depuis, la première réglementation thermique, les besoins énergétiques des logements ont été divisés de façon considérable, par six ou sept", rappelle-t-il, ajoutant qu'"aujourd'hui, les enveloppes les plus performantes n'ont plus besoin de beaucoup d'énergie pour le chauffage".
Néanmoins, les bâtiments bioclimatiques n'ont pas rendu les armes. "Les premières recherches se sont focalisées sur le « climatique » de l'approche bioclimatique, mais aujourd'hui c'est l'angle « bio » qui retient l'attention avec l'intérêt porté à la nature de l'énergie consommée et des matériaux utilisés, ainsi qu'aux thématiques confort et santé", analyse Yves Moch.
Ici, sous l'impulsion des démarches de haute qualité environnementale, ce sont l'origine et la nature des matériaux et de l'énergie qui comptent. Des facteurs qui se traduisent par une demande en énergies vertes, le recours à des matériaux recyclés et recyclables, une prise en compte de l'énergie grise des produits et plus largement la réalisation d'analyses de cycle de vie. Autant d'élément qui revalorise l'approche locale souvent associée à la démarche bioclimatique.
Philippe Collet
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