Enjeu fondamental de la diversification du bouquet énergétique, les biocarburants ont des atouts : ce sont des énergies renouvelables qui contribuent à diminuer certains impacts globaux et représentent un élément de réponse à l'augmentation du coût des carburants et à la baisse des réserves pétrolières. Mais leurs méthodes de production entraînent elles-mêmes une consommation élevée d'énergie. Ils peuvent également avoir un impact négatif sur l'environnement car ils sont généralement issus de cultures intensives, consommatrices d'engrais et de pesticides.
Pour le Réseau Action Climat-France (RAC-F), il conviendrait de soumettre à débat les bilans officiels d'efficacité énergétique et d'impact effet de serre des différentes filières actuelles (dites de 1e génération, soit l'ester d'huile végétale et l'ETBE issu d'éthanol) puisque selon les calculs du réseau et de l'association Energies durable en Normandie (EDEN) celles-ci émettent encore beaucoup trop de CO2 par litre de biocarburant produit, ce qui réduit fortement leur intérêt pour le climat. Les biocarburants n'ont d'intérêt contre l'effet de serre que si leur bilan CO2 est nettement favorable(émissions évitées en remplaçant les carburants pétroliers, moins les émissions issues de la culture et de la production des biocarburants), estime le Réseau Action Climat qui souligne que la filière ETBE-éthanol est proche d'un bilan nul.
En revanche, même s'il y a peu de chance qu'ils constituent une solution à grande échelle, les biocarburants de 2e génération semblent plus prometteurs, selon eux, en matière d'efficacité énergétique, de réduction des émissions de GES et de respect de l'environnement. En particulier, la filière ligno-cellulosique qui permet de valoriser l'ensemble de la plante.
Il rappelle que d'autres utilisations énergétiques de la biomasse, qui présentent généralement de biens meilleurs rendements globaux et des coûts plus faibles (cogénération, production de chaleur à partir de biogaz ou de bois...), existent. Elles sont à développer en priorité et doivent être traitées comme telles dans le plan sur lequel travaille le gouvernement ainsi que dans le « Plan biocombustibles », indique- t-il dans un communiqué commun avec France Nature Environnement, les Amis de la Terre et le Comité de Liaison Energies renouvelables.
Outre les émissions de gaz à effet de serre, l'impact environnemental global des filières doit être considéré selon le RAC. Sur ce point, il est aujourd'hui nécessaire qu'un cahier des charges strict respectant les critères du développement durable soit élaboré pour tous les acteurs agricoles et industriels des filières de biocarburants, explique-t-il.
Les produits agricoles importés sont aussi concernés de manière à éviter l'huile de palme ou l'éthanol de canne à sucre produits en Indonésie ou au Brésil après déforestation par exemple.
En outre, d'après le RAC-F, le soutien économique public consenti aux biocarburants est à rectifier. En l'état actuel, la défiscalisation permet aux fabricants de produire des biocarburants de façon rentable dès que les prix du baril de pétrole dépassent 15 à 20 US$, estime-t-il. Avec un baril en permanence au-dessus de 60 US$, une telle subvention n'est absolument plus justifiée aujourd'hui, et elle confisque une part importante des revenus fiscaux de l'Etat au bénéfice des industriels de la filière et au détriment des citoyens. Pour régler cette problématique, il propose que l'exonération de TIPP soit revue et qu'elle soit proportionnelle à la réduction de gaz à effet de serre entraînée. Elle bénéficierait ainsi à l'ensemble des agents économiques et des citoyens et pas seulement aux industriels de la filière.Et demande aux pouvoirs publics de revoir leur copie avant de poursuivre le développement tous azimuts des différentes filières de biocarburants.
Dans une interview donnée récemment à Actu-Environnement, Jean Marc Jancovici, consultant sur le changement climatique, déclarait qu'il ne voyait pas dans les biocarburants une alternative cohérente aux carburants fossiles. En ordre de grandeur, il faut un hectare de terre pour faire une tonne de biocarburants. Nous consommons en France 95 millions de tonnes de pétrole (dont 50 pour les carburants), et nous avons 55 millions d'hectares de surface métropolitaine, expliquait-t-il. Le Brésil dispose d'une surface 15 fois supérieure à celle de la France et d'un parc automobile moitié moindre. Lui peut donc faire des choses significatives, nous pas.
Même pessimisme au RAC : les biocarburants doivent donc être envisagés comme un complément à une politique globale de réduction des émissions des transports, qui doit, elle aussi, être soutenue fortement par l'État. Réduire l'impact considérable des transports sur le changement climatique constitue donc, selon le RAC, une priorité.