Réalisée par le bureau de recherche 6T, avec le soutien de l'Ademe, une étude menée en France auprès de 20 opérateurs de location (1) de voitures en libre-service souligne le "potentiel de développement" du système d'autopartage parmi les modes alternatifs au véhicule personnel.
Vous avez une voiture mais vous ne l'utilisez pas très souvent ? Vous n'avez pas de voiture mais vous en avez besoin de temps en temps ? L'autopartage, développé depuis une dizaine d'années dans les grandes agglomérations françaises, est un système de location, qui permet, via un abonnement, d'utiliser ponctuellement et pour une courte durée un véhicule, "sans subir les inconvénients liés à sa possession", a fait valoir Nicolas Louvet, directeur général de 6T, en présentant le 21 mars les résultats de l'étude. La cible de l'autopartage est principalement urbaine, les abonnés devant avoir la possibilité de se déplacer en transports publics ou par des modes doux (marche, vélo) pour accéder facilement aux véhicules.
Menée de juillet à septembre 2012 dans le cadre du 4e Predit (2) , cette première enquête a été diffusée en ligne auprès de plus de 50.000 abonnés issus de 20 services répartis dans l'Hexagone, gérés par un opérateur privé ou directement par la collectivité. La méthode retenue a été une enquête web car "l'organisation de l'autopartage s'effectue principalement par Internet : il a donc été relativement aisé de toucher le public concerné" par ce mode de réservation. Cependant seuls 2.090 abonnés ont répondu.
Une vingtaine d'opérateurs en France sondés
La coopérative privée France Autopartage, (3) groupement de
Un système "économique, pratique et écologique"
L'autopartage séduit principalement les citadins non motorisés. Soit quelque "25.000 autopartageurs français et quasi autant à Paris avec Autolib'', estime M. Louvet. Ce service est "adapté à des trajets basés sur une tarification proportionnelle à la durée d'utilisation et au kilométrage réalisé" et "inférieur à la journée comme proposé par la location traditionnelle" (Hertz, Avis…), a indiqué M. Louvet. L'autopartage ''permet de disposer d'une voiture, sans les contraintes de la possession : véhicule neuf et entretenu par l'opérateur, disponibilité 24 heures/24 et 7 jours/7, place de stationnement réservée. Plus besoin de trouver une place où se garer et fini les contraintes d'entretien et d'assurance", a-t-il mis en avant.
Ainsi, souligne l'étude, une voiture en autopartage ''remplace neuf voitures personnelles'' et ''libère huit places de stationnement''. L'autopartage participe donc à la réduction du nombre devéhicules en recherche d'un espace de parking qui "représenteraient 5 à 10% du trafic urbain", alors que les Français passeraient "70 millions d'heures par an à en chercher". La première motivation reste "son coût de revient moins élevé qu'une voiture individuelle moins rentable" : l'usager se débarrassant des coûts fixes (amortissement, assurance) et de ceux liés au stationnement. Il s'agit donc d'un mode de transport "économique" pour 46% des autopartageurs recensés, "pratique" pour 45% puis "écologique" pour 35%.
L'étude démontre aussi des "changements d'habitude des usagers", souligne M. Louvet. Avant de pratiquer l'autopartage, les utilisateurs conduisaient en moyenne 5.246 km par an, avant de passer à 3.115 km via ce dispositif. Soit "un nombre de kilomètres parcourus en tant que conducteur en baisse de 41%" entraînant donc une réduction de la consommation d'énergie et des émissions polluantes. D'autant que l'autopartage "incite à utiliser d'autres modes de déplacement" alternatifs. Suite à leur passage au système, les usagers utiliseraient davantage la marche à pied (pour 30% d'entre eux), le vélo (29%), les transports collectifs (25%) le train (24%), et le covoiturage (12%), selon l'enquête.
L'autopartage en boucle éclipsé par les "Autolib"
L'étude concerne très majoritairement des opérateurs proposant un système d'autopartage ''dit en boucle'' qui contraint l'usager à redéposer le véhicule là où on l'a emprunté. A contrario : les services Yélomobile à La Rochelle et Autolib' à Paris sont disponibles "en trace directe" et permet de rendre la voiture dans une autre station que celle de départ et donc de se démarquer de la concurrence.
La trace directe et les trajets courts proposés participeraient au succès d'Autolib' à Paris, lancé fin 2011 avec ses 17.000 abonnés annuels… D'ailleurs, le groupe Bolloré vient de confirmer le 25 mars le déploiement de son offre d'autopartage à Bordeaux pour ce dernier trimestre de l'année 2013 avec une centaine de véhicules électriques répartis dans quarante à cinquante stations. Le concept de son Autolib' pourrait également débarquer à Lyon fin 2013. L'utilisation moyenne des services d'autopartage en boucle est quant à elle "de 50 km et 6 heures", a précisé Jean-Baptiste Schmider, directeur de France Autopartage, contre 9 km et 40 minutes estimés pour des locations Autolib'. S'agissant de l'attrait pour la voiture électrique, "elle n'est pas capitale pour l'autopartageur", a assuré M. Louvet.
Quelle place pour ce marché de niche parmi les transports publics ?
Si le service Autolib' a ainsi "gagné en visibilité", l'autopartage "classique" reste ''marginal''. Tandis que le système d'autopartage s'est structuré, il demeure encore peu connu du grand public et sous-utilisé. "Il faut encore plus d'abonnés et un meilleur turn-over", estime Nicolas Louvet. "L'idée n'est pas d'opposer les modes de transport mais de créer de nouveaux segments pour remplacer la voiture particulière. On va avoir des besoins et des usages différents. Les deux systèmes Autolib' à Paris et les services d'autopartage en boucle peuvent coexister", juge M. Schmider.
L'usage professionnel de l'autopartage resterait également "mineur" alors que le système est plus utilisé le weekend ou en soirée par les particuliers : "20% en moyenne de la clientèle de France Autopartage sont des entreprises", selon M. Schmider. L'autopartage classique "concerne des déplacements périurbains pour sortir de la ville" alors que Autolib' viserait "plus de déplacements domicile-travail", a expliqué M. Louvet.
Ces services d'autopartage ont "un potentiel de développement considérable et s'intègrent parfaitement dans le cocktail transport", affirme l'étude. Mais face aux différents modes de transport publics déjà existants, "le marché est encore lent à devenir mature. Il faut cinq ans minimum pour équiper un parc dans une ville de 200.000 habitants. Il faut donc mobiliser des gros moyens et bénéficier d'un soutien des collectivités via des coopératives durant ces premières années", estime Jean-Baptiste Schmider.
M. Louvet a de son côté appelé à la "constitution d'un réseau national" pour développer l'autopartage. Au-delà du soutien financier, les collectivités doivent être "les facilitateurs des entreprises privées" en réservant des stationnements aux sociétés d'autopartage alors que la mise en place de "tramways coûte plus cher", souligne-t-il.