Equité introuvable
Pourtant, plus le texte se rallonge, moins les engagements paraissent clairs. Les pays insulaires et les pays les moins avancés réclament une prise en compte de l'urgence et de la possibilité de survivre dans les archipels et sur les bandes côtières qui risquent d'être immergés par une montée des eaux plus rapide si le réchauffement s'accentue. Au nom de l'équité intergénérationnelle, le droit à la survie devrait être un des principes fondateurs d'une vision partagée des enjeux à long terme, a déclaré en plénière vendredi matin la représentante d'Antigua et Barbuda, au nom de l'Alliance des petits Etats insulaires. Moins vibrant, le délégué du Japon en a appelé à la solidarité de tous les pays, sous-entendu à l'implication des pays émergents, et non plus seulement des pays émetteurs historiques, dans l'équilibrage des réductions. Le clivage se creuse entre Nord et Sud : tant que les pays industrialisés n'auront pas souscrit à la fourchette haute (-40% en 2020 par rapport à 1990) des réductions d'émissions préconisées par le GIEC, la Chine, le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud ne souscriront pas au futur traité et refuseront des objectifs domestiques de baisses de leurs propres émissions.
Dans l'immédiat, les engagements déclarés des pays soumis à des contraintes de réductions ne parviennent pas, en moyenne, à réaliser l'objectif de précaution assigné par le GIEC. Mis bout à bout, les -17% étasuniens (par rapport à 2005, soit -4% par rapport à 1990), les -20% européens et les tout récents -8% japonais par rapport à 1990 restent largement en dehors de la fourchette préconisée par les climatologues, comprise entre -25% et -40%. L'annonce du Premier Ministre japonais Taro Aso d'une réduction de 8% des émissions japonaises, transmise en pleine réunion plénière à Bonn le 10 juin, a choqué les participants. La faiblesse de cet engagement fait craindre de ne plus pouvoir parvenir à la masse critique d'engagement des pays industrialisés nécessaire au succès de Copenhague. Sans compter l'irrésolution des ministres européens des finances à avancer des chiffres pour le soutien des pays en développement face au changement climatique, lors du Conseil Ecofin le 9 juin dernier.
A la recherche du Traité idéal
Reste la créativité de quelques-uns. Le Costa-Rica a fait circuler à Bonn sa proposition d'un nouveau Protocole, visant à compléter le Protocole de Kyoto. Ecrit du point de vue d'un pays tropical forestier, historiquement neutre du point de vue climatique, cela donne un texte mettant l'accent sur le droit à des financements pérennes pour l'adaptation aux impacts du réchauffement, et à la mise en valeur des peuples indigènes dans la protection des forêts anciennes, selon un système de financement maîtrisé par les Etats.
Connu comme le porte-parole des petits Etats insulaires menacés de submersion, Tuvalu aussi y est allé de sa proposition de nouveau traité, le Protocole de Copenhague. Dans son article 2, ce Protocole idéal fixe sans ambiguïté le cœur de son objectif : Les actions entreprises sous l'égide de ce Protocole doivent faire en sorte de stabiliser les émissions de dioxyde de carbone à moins de 350 ppm, de manière à ne pas dépasser une augmentation de 1,5 degrés de la température par rapport à son niveau pré-industriel. L'action mise en œuvre par ce Protocole sera une contribution majeure en faveur d'une société faiblement émettrice de carbone (…). La survie de toutes les nations est l'objectif suprême de ce Protocole.
Survivre au XXIème siècle pour les uns, protéger leurs forêts pour les autres, la vision du Sud rejoint celle des ONG, qui ont diffusé à la conférence de Bonn leur propre traité de Copenhague sur le climat, dans lequel émerge une proposition transversale de budget carbone, qui correspond au seuil de concentration de gaz à effet de serre (GES) que la planète peut supporter sans que cela provoque d'instabilité. A charge, pour les pays industrialisés, de glisser rapidement d'un modèle de croissance fortement carboné à un modèle de développement durable, c'est-à-dire nul en carbone : Pour mettre en place les institutions et politiques nécessaires à une telle transformation, chaque pays industrialisé devra préparer un Plan d'action zéro carbone (ZCAP pour Zero Carbon Action Plan), précise le traité des ONG. Ces plans préciseraient comment un pays répondrait à ses obligations, en traçant le scénario d'émissions du pays en accord avec l'objectif mondial de réduction pour 2050 et listant les actions qui garantiront que le pays atteindra ses objectifs légalement contraignants dans le court terme et qu'il ne dépassera pas le budget carbone des pays industrialisés dans le long terme. Ils décriraient également comment un pays propose de répondre à ses obligations en termes de soutien financier, technologique et de renforcement de capacité, notamment sa part des 115 milliards d'euros de financement annuels nécessaires. De quoi réchauffer les négociations, plutôt que le climat.