Pour améliorer la prise en compte des effets extra-auditifs du bruit environnemental (1) , l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) propose dans un avis une nouvelle méthode d'évaluation de leurs impacts sanitaires (2) .
Aujourd'hui pour estimer leurs nuisances, les indices les plus fréquemment utilisés se basent sur l'énergie sonore sur de longues périodes de temps : ce sont les indices énergétiques moyens.
"Même s'ils présentent de nombreux avantages, ils ne permettent pas de rendre compte de certaines caractéristiques de l'exposition, comme les événements sonores ponctuels ou la composition spectrale d'un bruit", estime dans son rapport l'Anses. Ils s'avèrent également insuffisants pour identifier les perturbations biologiques provoquées par de ponctuels événements bruyants nocturnes. La réglementation s'appuie pourtant en grande partie sur ces indices.
Les grandes agglomérations européennes (de plus de 100.000 habitants) ont l'obligation de réaliser des cartes stratégiques du bruit ainsi que des plans d'actions. En France, des dispositions s'appliquent pour chaque grande source de bruit. Ainsi aux alentours des aéroports, des conditions d'utilisation des sols exposés différentes selon les zonages sont fixées. Des logements neufs situés à proximité de sources de nuisances sonores doivent respecter des mesures d'isolation phonique.
Des effets sanitaires mal connus
Malgré différentes études sur ce sujet, les effets sanitaires du bruit ambiant restent mal connus, notamment concernant les expositions chroniques à long terme.
La difficulté à cerner les impacts de cette nuisance s'explique à la fois par le caractère multifactoriel des effets associés au bruit et par les interactions des déterminants acoustiques, physiologiques, psychologique, sociaux et territoriaux.
Gênes et perturbations du sommeil, infarctus du myocarde et troubles de l'apprentissage scolaire, l'Anses n'a retenu pour son rapport que les effets sanitaires extra-auditifs du bruit environnemental relevés par le dernier document de l'OMS à ce sujet "Burden of diseases (2011)".
Une méthode reposant sur la description des états initial et final
"En l'état actuel des connaissances, le groupe de travail a considéré que la proposition d'indices ou d'indicateurs, telle que demandée dans les objectifs initiaux de la saisine, ne permettait pas de répondre de manière satisfaisante à la problématique générale de l'évaluation des impacts sanitaires liés au bruit environnemental", pointe dans son rapport l'Anses. L'Agence a donc privilégié la constructiond'une méthode d'évaluation qui repose sur la description des états initial et final. Elle identifie ainsi les changements de situation sonore susceptibles d'être induits par l'implantation de nouvelles infrastructures.
Autre point d'entrée retenu : la caractérisation de l'ensemble des paramètres acoustiques, environnementaux, territoriaux et individuels "qui influencent les effets sanitaires associés et leurs évolutions".
Cette méthode se compose de quatre étapes successives : la pré-évaluation, la caractérisation des expositions sonores, celle des impacts sanitaires et enfin celle des incertitudes. L'Anses a également élaboré un tableau qui décrit qualitativement les situations avant et après la mise en place de la nouvelle infrastructure pour laquelle une évaluation des impacts est réalisée.
Lors de la pré-évaluation, l'ensemble des données relatives à l'évaluation des impacts sanitaires (contexte géographiques et socio-économique compris) sont recueillies.
Ensuite, des territoires sont circonscrits et les populations concernées comptabilisées grâce à une caractérisation des zones exposées à des niveaux sonores supérieurs aux limites fixées. Les enquêteurs croisent lors de la troisième étape les relations expositions-risque avec les paramètres sociaux, territoriaux et les facteurs individuels.
Vers une amélioration de la méthode
Enfin, les incertitudes sont prises en compte dans la dernière étape. Toutefois, concernant les quatre effets sanitaires retenus, "le groupe de travail attire l'attention sur les limites d'applicabilité des courbes dose-effet et souhaite alerter les utilisateurs potentiels de l'inévitable erreur qu'entraînerait leur application dans des études d'impacts sanitaires locales menées sur un nombre limité de personnes exposées"
La mise en oeuvre de cette nouvelle méthode implique de respecter un certain nombre de précautions, selon l'agence. Ainsi, elle conseille notamment de la tester sur le terrain et de l'améliorer grâce à l'expérience des différents spécialistes de ce secteur (personnels de services techniques du ministère de l'Environnement, spécialistes du bruit, auteurs d'études, etc.). Elle préconise également d'associer aux cartes d'expositions sonores, par exemple, des indications de la présence de zones calmes, des représentations cartographiques qui référencent géographiquement les plaintes liées au bruit ou celles d'exposition aux polluants atmosphériques.
Le groupe de travail de l'Anses propose également de faire évoluer cette méthode pour aboutir à une approche intégrée qui comprendrait le bruit, la pollution atmosphérique, lumineuse, olfactive, etc.
Il recommande de mieux définir le rôle et les responsabilités des élus et d'éventuellement confier la prise en charge de ces questions à un organisme dédié. Lors d'une revente immobilière ou l'achat de logements neufs, il estime nécessaire la mise en place d'un diagnostic acoustique ainsi qu'une incitation à des mesures correctives lors de défauts d'isolation.