« Il n'y a jamais eu une telle dynamique d'innovation chez Suez, comme celle d'aujourd'hui », a affirmé Jérôme Bailly, directeur de l'innovation, en ouverture du forum Suez Innovation Day, le 20 juin dernier à Paris. L'objectif du géant français de la gestion de l'eau et des déchets est d'augmenter son budget consacré à la recherche et au développement de 50 % d'ici à 2027, pour y allouer entre 10 et 20 millions d'euros par an. Et parmi les paris les plus innovants en cours de développement chez Suez, deux priorités semblent sortir du lot : la capture, le stockage et la réutilisation du dioxyde de carbone (CCUS) et le « waste-to-heat », la valorisation des déchets en une nouvelle source d'énergie.
Capturer 43 % des émissions de Suez
« Notre ambition est de réaliser un pilote industriel de CCUS, avant le cas échéant de déployer cette technologie sur nos unités de valorisation énergétique (UVE) », ou incinérateurs, a déclaré Jérôme Bailly. Chaque année, l'ensemble des activités de Suez émet environ 5 millions de tonnes de CO2, dont une petite moitié, 43 %, sort des incinérateurs du groupe. Capter ce gaz représenterait le principal moyen de décarbonation de l'entreprise, laquelle s'engage déjà à investir 40 millions d'euros dans les quatre prochaines années pour développer ce procédé. « Le CO2 reste facile à capturer, mais l'ensemble du dispositif, de la colonne d'absorption pour sa capture et sa séparation à sa compression pour le rendre manipulable, transportable et stockable, requiert au moins 30 % de l'énergie produite par une UVE. » Sans compter sur ce que la valorisation implique. « L'opération pourrait faire grimper le coût du service déchet d'au moins 50 %, d'autant que le coût de réutilisation du CO2 à l'arrivée demeure lui aussi très élevé. »
Pour optimiser son ambition, Suez compte sur les résultats d'un premier projet d'ampleur au Royaume-Uni. Un dispositif de CCUS sera rattaché à l'UVE de l'usine Suez Tees Valley, à Haverton Hill, pour une mise en service entre 2027 et 2030. Environ 240 000 tonnes de CO2 seront ainsi capturées chaque année puis, en attendant de leur trouver une voie de valorisation (en serres, pour l'agroalimentaire ou encore dans les carburants de synthèse), et stockées dans une réserve aquifère sous-marine en mer du Nord.
Transformer le papier-carton non valorisable
Autre opportunité pour Suez : la gestion des déchets, en particulier la transformation de fibres en sucre, dite « fibers-to-sugar ». « Parmi les déchets de papier-carton qui ne peuvent être recyclés, une quantité non négligeable reste de trop mauvaise qualité pour l'enfouir ou l'incinérer en l'état, du fait de la présence d'un certain solvant ou d'une colle, a indiqué le directeur de l'Innovation chez Suez. Ce gisement est estimé à un million de tonnes en France. » Deux tiers sont actuellement exportés pour être traités en Europe ou au-delà.
Le BioResourceLab du Centre international de recherche sur l'eau et l'environnement (Cirsee) de Suez expérimente actuellement un procédé de décomposition biochimique de la cellulose de ces déchets pour en faire du sirop de sucre. Ce dernier, non alimentaire et fermentescible, a ainsi vocation à alimenter la production de biocarburants de seconde génération, comme le bioéthanol, ou d'autres substances chimiques industrielles comme l'isoprène (à la base du caoutchouc) ou certains pigments. « La transformation du papier-carton en sucre s'avère moins énergivore que celle du bois en sucre et, à l'échelle, pourrait émettre deux fois moins de gaz à effet de serre qu'une bioraffinerie classique. » Reste à développer un premier pilote semi-industriel pour le vérifier.