Le contentieux portant sur la centrale biomasse de Gardanne (Bouches-du-Rhône) est particulièrement intéressant en ce qu'il permet d'affiner la jurisprudence sur le contenu exigé des études d'impact. Un nouvel épisode est intervenu vendredi 10 novembre avec la décision rendue par la cour administrative d'appel de Marseille au sujet de cette ancienne centrale au charbon dont l'une des unités a été convertie à la biomasse en 2012.
L'exploitant, la société GazelEnergies Génération, avait demandé à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille qui avait annulé, à la demande de France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d'Azur (FNE-Paca) et de plusieurs associations locales, l'autorisation de 2012 de poursuivre l'exploitation de la centrale électrique avec une alimentation au bois. À titre subsidiaire, l'exploitant avait demandé aux juges d'appel de surseoir à statuer en attendant une régularisation de l'autorisation accordée par le préfet des Bouches-du-Rhône.
La cour fait droit à cette dernière demande jusqu'à l'expiration d'un délai de douze mois. Mais, pour cela, l'exploitant devra compléter d'ici là l'étude d'impact initiale par l'étude des effets indirects de l'approvisionnement en bois de la centrale et par un bilan carbone, de même que par l'étude de ses incidences sur les sites Natura 2000.
Prendre en compte toutes les sources d'approvisionnement
« L'étude d'impact devra indiquer la liste de tous les massifs forestiers locaux ou régionaux situés en France et concernés par cet approvisionnement et préciser, notamment, leur localisation, les quantités utilisées, les essences de bois concernées, les natures de coupe réalisées ainsi que les impacts sur ces massifs en termes de paysages, de milieux naturels et d'équilibres biologiques », indique la décision. Pour la biomasse issue de l'étranger, l'étude d'impact devra a minima indiquer « le pays de provenance, la localisation dans ce pays, les quantités utilisées, les essences de bois concernées et les natures de coupe réalisées ».
La juridiction marseillaise tire ici les conséquences de la décision du Conseil d'État du 27 mars 2023 qui avait annulé l'arrêt qu'elle avait rendu en 2020 sur cette affaire. Ce dernier avait jugé qu'elle avait commis une erreur de droit en estimant que l'étude d'impact n'avait pas à analyser les effets sur l'environnement du plan d'approvisionnement en bois de la centrale. Le Conseil d'État, au contraire, a considéré que l'étude d'impact devrait prendre en compte aussi bien les incidences directes sur l'environnement de l'ouvrage que celles susceptibles d'être provoquées par son utilisation et son exploitation, et que l'analyse effectuée devait être en relation avec l'importance de l'installation en projet.
« Avancée jurisprudentielle majeure »
Une fois ces études actualisées, ajoute la cour administrative d'appel, le préfet devra organiser une nouvelle enquête publique, dans le cadre de laquelle sera soumis un nouvel avis de l'autorité environnementale, en vue de « l'adoption d'un arrêté préfectoral modificatif contenant, le cas échéant, des prescriptions complémentaires ». En outre, ajoutent les juges, les études complétées devront être mises en ligne pendant un mois et rendues « consultables de manière dématérialisée dans les mairies des communes sur le territoire desquelles proviennent les ressources en bois approvisionnant la centrale ».
« Nous regrettons que la cour administrative d'appel de Marseille n'ait pas conclu à l'annulation de l'autorisation d'exploitation de la centrale, se réservant sur la conformité du projet à la loi (…). Nous nous félicitons, en revanche, que la cour ait fait le choix de suivre les conclusions du rapporteur public et de demander, enfin, une nouvelle étude d'impact complète, s'intéressant aux impacts directs et indirects de la centrale », réagit FNE-Paca dans un communiqué.
L'association de protection de la nature salue, avec ce dernier point, « une avancée jurisprudentielle majeure en droit de l'environnement, dans la continuité de la décision rendue par le Conseil d'État ». « Il s'agit du premier arrêt qui affirme la nécessité d'intégrer les effets indirects d'un projet dans les études d'impact (…) : cette nouvelle jurisprudence s'appliquera aux projets actuels et à venir. Il s'agit d'une révolution dans le monde des bureaux d'études », se félicite FNE.