Selon Jean-Pierre Loisel, sociologue à l'Institut national de consommation (INC), le consommateur juge que le commerce équitable donne un sens à la consommation dans un monde d'hyperconsommation. Cependant, un manque de transparence, de clarification dans les garanties et la définition des prix peuvent constituer un frein à l'acte d'achat.
Un problème de définition
L'offre du commerce équitable s'est beaucoup diversifiée ces dernières années. Longtemps limitée à l'alimentaire et à l'artisanat, elle s'ouvre aujourd'hui à d'autres secteurs : la mode, le mobilier et même le tourisme. Cette multiplication des acteurs a entraîné une diversité de définitions, jetant le trouble dans l'esprit du consommateur. Sous chaque étiquette commerce équitable se cache une vision différente, voire opposée du concept. Si les acteurs historiques défendent une vision politique du commerce équitable, un véritable modèle de société et de marché, les nouveaux entrants ont une vision beaucoup plus pragmatique et commerciale du concept.
Les consommateurs s'interrogent sur la véracité du récit, sur les garanties, les contrôles, les cahiers des charges que recouvrent les différents labels, commente Emmanuel Rodriguez, secrétaire confédéral de la Confédération syndicale des familles (CSF). Les associations de consommation ont formulé un certain nombre de proposition afin de clarifier les règles et tendre vers plus de transparence. Tout d'abord, nous demandons que celui qui définit les règles du jeu ne soit pas celui qui contrôle, pratique très courante dans le commerce équitable aujourd'hui. Nous souhaitons aussi que soient clairement énoncés les objectifs du commerce équitable, comme par exemple une meilleure rémunération des producteurs. Enfin, que soit précisé clairement ce que recouvrent les différentes pratiques. Les professionnels eux-mêmes souhaitent une clarification des pratiques : Il y a une véritable mode autour du commerce équitable et de la consommation responsable. On voit fleurir une quantité de logos, de packaging tendancieux qui peuvent semer le trouble dans l'esprit du consommateur, note Julie Maisonhaute, coordinatrice de la Plate-Forme pour le Commerce Équitable (PFCE).
Une nécessaire régulation ?
En 2006, l'agence française de normalisation (AFNOR) a mené une tentative de clarification du commerce équitable en réunissant autour de la table les principaux acteurs du secteur. Si l'idée initiale était de parvenir à l'établissement d'une norme, les discussions n'ont aboutit qu'à un fascicule de documentation établissant les règles du jeu du commerce équitable. Trois principes ont été alors retenus par le référentiel : l'équilibre de la relation commerciale, l'accompagnement des organisations de producteurs ou des travailleurs engagés dans le commerce équitable, l'information et la sensibilisation du public.
Les différentes interprétations de ces principes par les acteurs mènent, sur le terrain, à une prise en compte de critères différents et à des cahiers des charges toujours plus variés, entraînant un problème de lisibilité pour le consommateur dans le rayon de supermarché.
Julie Maisonhaute s'interroge : Faut-il une intervention des pouvoirs publics ? Nous sommes plutôt favorables à un tel encadrement, même si cette interrogation est très franco française. Il se dessine aujourd'hui une forme de reconnaissance publique des différents organismes de garantie, via la création d'une Commission nationale du commerce équitable, qui devrait voir le jour dans le courant de l'année 2008.
Au niveau international, un projet de norme ISO émerge également afin de mieux encadrer les pratiques du commerce équitable. En attendant, le consommateur doit se fier aux différentes initiatives de garanties privées existantes telles que Max Havelaar, Ecocert, FTO ou Minga.