Par deux décisions du 27 février 2024, le pôle environnemental du tribunal judiciaire de Brest a condamné la société Timac-Agro, géant de l'industrie des engrais, à indemniser à hauteur de 115 000 euros quatre associations de protection de l'environnement (1) pour l'atteinte portée aux intérêts collectifs qu'elles défendent.
La société mise en cause exploite trois unités de fabrication d'engrais, dont deux à Saint-Malo (2) (Ille-et-Vilaine) et une à Tonnay-Charente (3) (Charente-Maritime). Sur les deux sites bretons avaient été trouvées des concentrations extrêmement élevées d'ammoniac dans les émissions atmosphériques en 2018 et en 2019, puis en 2021, dépassant à certains moments jusqu'à dix fois les seuils autorisés. Et ce, malgré la dangerosité de la substance, connue pour provoquer la multiplication de particules fines toxiques dans l'air et contribuer à l'acidification des sols. En Charente-Maritime, il était question de dépassement des limites d'émissions d'acide chlorhydrique et de permanganate de potassium, en plus de stockages non conformes de produits dangereux (potasse). Les activités de cette unité ont également entraîné des rejets d'azote et de phosphore dans les eaux de la Charente, dans des quantités supérieures aux limites acceptées. Malgré les injonctions administratives à respecter les valeurs limites, l'entreprise a persisté dans ces émissions illégales.
C'est dans ce contexte que les associations ont saisi le tribunal judiciaire. « L'ampleur de ces manquements, leur persistance dans la durée, ainsi que leur impact sur la qualité de l'air et de l'eau permettent de caractériser un préjudice important des associations, dont l'action en faveur de la préservation des milieux naturels a été rendue particulièrement difficile, voire localement impossible, du fait de ces pollutions répétées (…) », a constaté la juridiction avant de condamner la société.
Une « victoire majeure », pour France Nature Environnement, qui salue une décision « exceptionnelle (4) ». « Ce jugement est encourageant (…). Une telle condamnation peut servir d'exemple pour d'autres industriels et dissuader ce type de délinquance environnementale », souligne Rozenn Perrot, administratice d'Eau et rivières de Bretagne.
Le groupe Roullier, dont la société Timac-Agro fait partie, a dépassé la barre des 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2022.