Scalian, organisation internationale de conseil en informatique, et Watershed Monitoring Europe, filiale de l'organisation canadienne éponyme spécialisée dans l'environnement, travaillent depuis 2021 à l'émergence d'un modèle informatique destiné à prédire une à trois journées en avance l'apparition des conditions favorables aux efflorescences de cyanobactéries dans les plans d'eau. Le projet est maintenant en phase de pré-industrialisation.
Un modèle complexe à mettre en œuvre
La prolifération de cyanobactéries advient principalement dans des eaux douces surchargées en phosphore et en azote. Dans une de ses saisines, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) indique que ces éléments peuvent provenir d'effluents d'élevage ou encore de rejets d'eaux usées insuffisamment ou non traitées. À cela s'ajoutent par exemple des conditions liées à l'ensoleillement – les cyanobactéries ont besoin de chaleur pour se développer, etc.
« Chaque plan d'eau a ses paramètres propres, confirme Sonja Behmel, directrice générale de Watershed Monitoring Europe. La première étape a donc été d'effectuer des classifications en fonction de multiples éléments, afin d'établir des jumeaux, à quelques paramètres près. » Un sujet qui a fait l'objet d'une étude de faisabilité en 2021 et en 2022 sur près de 160 lacs canadiens. Pour Sonja Behmel, ce travail a été un succès du fait notamment « d'une facilité d'accès aux données limnologiques, satellitaires et métérologiques sur le territoire du Canada. » Maxime Carrere, data scientist pour Scalian, chargé notamment de sa réplication sur le territoire métropolitain, explique pourquoi : « Nous avons d'abord travaillé à partir de données "idéales", récoltées par les équipes de chercheurs partenaires. Nous entraînons sur ces données un algorithme IA hybride, qui mélange intelligence artificielle et modèle scientifique, à prédire s'il y aura des conditions favorables à l'efflorescence dans un lac dans les jours qui viennent. Puis nous utilisons des sources de données complémentaires (observations sur le terrain, images satellites, météo) afin d'améliorer les performances de l'IA et sa capacité à généraliser et être performante sur de nouveaux lacs. »
Bêta-testeurs hexagonaux
« Beaucoup d'entreprises viennent vers nous pour nous proposer des outils de lutte - efficaces ou non, difficile de l'affirmer selon les quelques retours d'expérience d'autres territoires - pour contrer l'apparition du phénomène, continue Emmanuel Probert, qui met néanmoins en garde contre toute tentative de solutions clé en main. Si Scalian et Watershed Monitoring Europe entendent anticiper le délai de survenue des cyanobactéries, ce qui nous intéresse avant tout, c'est de comprendre les origines des efflorescences. »
Jean-François Humbert, directeur de recherche à l'Inrae, complète quant à la pertinence du modèle proposé : « Les concentrations de cyanobactéries ne sont pas toujours homogènes dans un plan d'eau. Ce qui va faire qu'une baignade va être fermée peut résulter d'une accumulation sur le long des plages, sous l'effet des vents. Est-ce que le modèle prédictif de Scalian et Watershed Monitoring Europe prend en compte son influence ? Si c'est le cas, alors ça pourra être intéressant. »
L'été 2024 verra apparaître un premier démonstrateur de la solution, que le consortium souhaite ensuite commercialiser sur une plateforme à un tarif allant croissant en fonction des sources de données sélectionnées pour établir la prédiction.