Selon les chiffres publiés par le ministère de l'Intérieur, le 18 mai dernier, les infractions liées aux déchets ont augmenté de 63 % entre 2016 et 2021. Même si les atteintes à l'environnement ne font pas toutes, loin de là, l'objet de poursuites devant les tribunaux, quelques condamnations exemplaires montrent que les dépôts illégaux de déchets ne restent pas tous impunis. Et ce, malgré la difficulté à mettre en cause les responsables dans ce domaine.
Ces condamnations peuvent concerner de grosses affaires. C'est le cas du trafic de déchets du bâtiment dans le Var et les Alpes-Maritimes, dans lequel un réseau d'entreprises de terrassement déversait des déchets de chantiers sur des sites non autorisés, principalement dans des zones agricoles ou naturelles, souvent protégées. Les auteurs ont été condamnés, le 14 décembre 2021, par le tribunal de Draguignan à des peines significatives : de dix mois à quatre ans d'emprisonnement (dont deux avec sursis) pour les personnes physiques, 50 000 à 300 000 euros d'amende pour les sociétés mises en cause, obligation de remise en état de treize sites aux frais des condamnés via la consignation d'une somme totale de 3,28 millions d'euros. « C'est une condamnation exemplaire et une avancée majeure dans la judiciarisation des atteintes à l'environnement », avait réagi France Nature Environnement (FNE) qui était, avec FNE Provence-Alpes-Côtes d'Azur (FNE Paca), partie civile dans cette affaire.
L'affaire, jugée ce 3 juin 2022 par le tribunal de Montpellier, paraît plus modeste, car elle concerne une petite entreprise de BTP locale, mais elle est aussi exemplaire aux yeux de FNE Languedoc-Roussillon qui était, elle aussi, partie civile dans cette affaire.
Astreinte de 150 euros par jour de retard
Le tribunal a condamné la société MTP et son gérant pour exploitation illégale d'une décharge à proximité du site naturel des Salins de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault). Ils étaient poursuivis pour diverses infractions au Code de l'environnement, comme l'abandon de déchets ou l'exploitation sans autorisation d'une installation classée, mais aussi au Code de l'urbanisme, pour non-respect du plan local d'urbanisme (PLU). Les parcelles concernées sont en effet classées en espaces remarquables du littoral. La société, qui déclare un chiffre d'affaires de quelque 350 000 euros et n'emploie que deux ou trois salariés, a été condamnée à une amende de 20 000 euros et son gérant à 8 000 euros, mais aussi à une obligation de remise en état du site dans un délai de six mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
« Ce dossier était marqué par le refus répété de la société de stopper son activité et de remettre en état le site, comme cela avait été pourtant demandé par le parquet et la commune de Villeneuve-lès-Maguelone à plusieurs reprises depuis 2016 », explique FNE Languedoc-Roussillon. « En aucun cas, c'est un dépôt sauvage, c'est un dépôt qui a pignon sur rue. J'avais une autorisation depuis très longtemps de la mairie et du propriétaire. À l'époque, c'étaient des autorisations verbales. Je mets mes déchets dans des bennes appropriées et tout est récupéré en décharges et déchèteries », assure, de son côté, le gérant de la société, Didier Martin, qui indique vouloir faire appel de la décision. Ce dernier incrimine des personnes extérieures venues déposer des déchets, parfois incitées par les refus opposés par les déchèteries face à des volumes trop importants.
Exécution provisoire de la décision
Ce dernier point est rare et très important en matière environnementale, explique le responsable associatif, car, à défaut, l'appel est suspensif de l'ensemble des mesures prononcées. Les délais d'appel étant de trois à cinq ans devant la cour d'appel de Montpellier, pendant ce temps « il ne se passe rien ». Or, « en matière environnementale, plus on attend, moins on a la possibilité technique de remettre en état », rappelle M. Gourbinot. Dans le rapport d'inspection « Une justice pour l'environnement », remis en octobre 2019 aux ministres de la Justice et de la Transition écologique, les auteurs avaient aussi souligné l'intérêt à requérir l'exécution provisoire des décisions, « notamment dans les ressorts où les cours ont d'importants stocks de dossiers en attente d'audiencement ».
Avec l'astreinte, le jugement est complet et on a une décision cohérente, estime Olivier Gourbinot. « Du fait de l'infraction au Code de l'urbanisme, l'astreinte relève de la compétence de la direction départementale des Territoires (DDT), qui va apprécier la remise en état et qui va pouvoir lever l'astreinte », ajoute-t-il. M. Martin indique d'ailleurs être prêt à quitter le site dans la mesure où il s'agit d'un espace remarquable.
Condamnation solide
« Peu de dossiers vont devant les tribunaux correctionnels. Soit il y a des alternatives aux poursuites, soit ça se gère en police administrative, soit on n'a pas les auteurs. Quand il en arrive comme ça, ce qui est bien, c'est que la condamnation soit solide », se félicite Olivier Gourbinot, qui pointe le manque de moyens de la justice.
En 2020, 3 300 signalements ont été effectués sur la plateforme Sentinelles de la nature, mise en place par FNE, il y a quatre ans, afin que les citoyens puissent signaler les atteintes à l'environnement. Près de la moitié concernait des dépôts illégaux de déchets. La recrudescence des dépôts sauvages de déchets du BTP autour de Montpellier avait été signalée dans le cadre de ce dispositif et a contribué à cette condamnation.
« Il est rassurant de constater que la veille citoyenne, au travers des Sentinelles de la nature, combinée à l'expérience juridique de France Nature Environnement, peut aboutir à de réelles sanctions. Avis à ceux qui souhaiteraient s'improviser trafiquant de déchets sous prétexte qu'ils disposent d'un terrain », avertit Simon Popy, président de FNE Languedoc-Roussillon.