L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a lancé le mois dernier une consultation publique (1) sur son projet de dossier d'orientation relatif à l'évaluation des risques environnementaux (ERE) des animaux génétiquement modifiés (GM), deuxième volet après celle publiée en 2011 sur la sécurité de l'alimentation humaine et animale ainsi que sur le bien-être des animaux.
Ce document, commande de la Commission européenne, porte essentiellement sur les poissons, les insectes, les mammifères et les oiseaux GM. Il propose une méthodologie en 6 étapes qui s'appuie sur une approche comparative des animaux GM et non GM, espèce par espèce, puis une évaluation des éventuels impacts à court et long terme des différences observées sur les interactions entre l'animal GM et les organismes cibles et non cibles, sur la santé humaine et animale puis une évaluation de l'impact environnemental des techniques utilisées pour élever ou exploiter l'animal GM. Le dernier chapitre évoque la nécessité d'associer systématiquement à chaque demande de mise sur le marché un PMEM, c'est-à-dire une surveillance environnementale consécutive à la commercialisation du produit, ce qui existé déjà pour les plants GM.
En cas de demande d'autorisation de commercialisation d'animaux GM, le guide complet permettra aux experts de l'Efsa de formuler en bilan des analyses une opinion scientifique sur la sécurité du produit, qui sera soumise à la Commission européenne et aux états membres de l'UE, décideurs finaux de l'autorisation sur le marché ou non de l'animal GM.
Les Amis de la Terre Europe s'interroge sur la signification d'une telle démarche. La Commission européenne prépare-t-elle simplement le terrain réglementaire pour ne pas se laisser surprendre par une éventuelle demande d'autorisation de commercialisation d'animaux GM ou est-ce l'ouverture d'une fenêtre pour les produits issus d'animaux GM susceptibles d'être autorisés sur le marché en dehors de l'UE ?
Pour Mute Schimpf, chargé de campagne des Amis de la Terre, ce projet n'a pas de sens, "la seule idée d'avaler de la viande ou du lait génétiquement modifiés retourne l'estomac des gens en Europe". Des militants de l'ONG ont d'ailleurs contacté les principaux réseaux de grande distribution européens pour estimer leurs dispositions à vendre des produits issus d'animaux GM et n'ont obtenu en grande majorité que des réponses négatives fermes.
Qu'est devenu le saumon transgénique américain ?
D'après le rapport annuel sur les OGM des Amis de la Terre, au moins 35 espèces de poissons GM (truite, saumon, tilapia, loup…) à croissance rapide, résistants à certaines maladies ou encore tolérants à des températures plus extrêmes, sont en développement.
Aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) étudie toujours et depuis 2001 la possibilité d'autoriser l'AquAdvantage, un saumon transgénique mis au point par la société de biotechnologies du Massachusetts AquaBounty Technologies et dont le taux de croissance est deux fois supérieur à celui du saumon sauvage. Ce serait le premier animal GM approuvé pour l'alimentation humaine. AquaBounty Technologies souhaite montrer le chemin vers une aquaculture du futur : "Réunir les connaissances biologiques et des technologies moléculaires pour développer une aquaculture de grande ampleur, efficace, environnementalement durable et de grande qualité grâce à de plus forts taux de croissance, une meilleure résistance aux maladies et un plus grand contrôle des cycles de reproduction". Leurs deux arguments de vente principaux sont l'avantage économique dû à un cycle de vie du saumon transgénique à la ferme deux fois moins long qu'avec un saumon non GM et l'avantage environnemental qui répond aux menaces de disparition du saumon atlantique due à la surpêche. Pour répondre aux craintes de pertes de certains saumons GM dans la nature, la ferme sera construite sur terre loin du rivage.
Les Amis de la Terre attirent l'attention sur une étude parue dans un compte-rendu de l'académie américaine des sciences qui indique que la libération de 60 saumons AquaBounty dans une population sauvage de 60.000 individus suffirait à son extinction en 40 générations causée par une compétition inégale pour la nourriture et une forte pollution génétique (disparition rapide des gènes sauvages à chaque génération). L'ONG émet des doutes sur la possibilité de sécuriser à 100 % les fermes pour empêcher toute fuite du poisson GM, suite à la découverte en 2001 par l'autorité de gestion des risques environnementaux de Nouvelle-Zélande d'une faille dans le système de sécurité de la compagnie privée King Salmon. Les Amis de la Terre s'inquiètent pour finir de l'apparente souplesse de la FDA qui ne souhaite pas distinguer devant le consommateur les saumons GM et non GM par une labellisation et qui place sur le même niveau réglementaire l'autorisation sur le marché d'un nouveau médicament et l'autorisation d'un animal transgénique.