© Baptiste Clarke
Alors que les pouvoirs publics mettent en avant le potentiel de création d'emplois de la croissance verte, une table ronde organisée lors du salon Nouvelles matières premières, organisé les 15 et 16 juin 2011 à Tours (Indre-et-Loire) par la Fédération des entreprises du recyclage (Federec), a fait le point sur les grandes difficultés rencontrées par le secteur du tri des déchets et du recyclage pour faire face aux besoins de recrutement.
Des emplois dévalorisés et cachés
"Je veux lancer ici un cri d'alarme", déclare la présidente directrice générale de Decamp Dubos, Mariane Decamp, qui fait état des grandes difficultés de recrutement rencontrées par son entreprise spécialisée dans le tri des déchets recyclables.
En premier lieu, la dirigeante évoque "une mauvaise image" qui pèse sur le secteur et le rend particulièrement peu attractif. Un point confirmé par l'ensemble des intervenants et par une étude qui montre que les métiers de la filière déchets apparaissent parmi les dernières positions lorsqu'on demande à une personne de classer différents métiers qu'il pourrait conseiller à un ami sans emploi ni formation.
Autre problème, ces activités "sont cachées", explique la chef d'entreprise qui juge qu'"il s'agit pourtant d'un des plus vieux métiers du monde." De plus, estime Thierry Chambolle, président du Comite de filière eau, assainissement, déchets et air du Plan de mobilisation des territoires et des filières sur le développement des métiers de la croissance verte, le public ne connaît pas la réalité des métiers verts. Ainsi, lorsque l'on demande de citer spontanément les métiers de la croissance verte, explique-t-il, les personnes interrogées placent invariablement deux activités en tête : la pose de panneaux solaires et la préservation des espaces naturels. Deux activités marginales en comparaison des métiers liés au traitement des déchets.
Face à ces difficultés, la réalité est sans appel : les activités de tri emploient une part importante de personnes marginalisées, qu'elles soient en réinsertion après une période de grandes difficultés ou en situation d'handicap. Si l'entreprise Decamp Dubos ne représente pas forcément la réalité de l'ensemble du secteur, son exemple est néanmoins révélateur puisqu'elle emploie 17 travailleurs handicapés, auxquels s'ajoutent des personnes en réinsertion, sur un total d'environ 70 employés. Cette situation se traduit par ailleurs par des problèmes d'illettrisme qui ont poussé l'entreprise à proposer une remise à niveau aux employés concernés.
La filière VHU en modèle
Pourtant, les besoins du secteur ne se limitent aux métiers pas ou peu qualifié, insistent les intervenants. En premier lieu, les entreprises recherchent des qualifications variées allant de l'administratif, au transport en passant par l'ingénierie et la logistique. Reste que "80% des emplois sont peu ou pas qualifiés", pondère Thierry Chambolle, précisant que le fait que ces métiers ne nécessitent pas de qualification particulière ne signifie cependant pas qu'ils n'aient pas besoins de compétences pointues.
En l'occurrence, le traitement des véhicules hors d'usage (VHU) est érigé en modèle pour la filière. Le démontage des VHU est une tache délicate qui s'apparente plus à la fabrication d'un véhicule neuf qu'à une activité classique de tri des déchets. Les entreprises du secteur font donc appel à des profils similaires à ceux recherchés par les constructeurs automobiles.
Ouvrir les entreprises et identifier les habiletés
Face aux difficultés de recrutement, la filière s'organise afin d'améliorer sa visibilité et attirer les personnes en recherche d'emploi. "Il faut ouvrir nos entreprises sur l'extérieur", préconise Mariane Decamp qui, pour sa part, fait régulièrement visiter son entreprise à des collégiens. La chef d'entreprise y voit une manière efficace pour présenter la variété des métiers et attirer de futurs employés.
Une autre solution est proposée par Pôle emploi avec Méthode de recrutement par simulation. Il s'agit de ne plus tenir compte des CV des candidats mais plutôt de leur proposer des exercices en lien avec des situations de travail concrètes afin d'évaluer leurs habiletés. Les demandeurs d'emploi disposant des compétences préalablement identifiées en collaboration avec la filière sont alors présentés aux entreprises.
Enfin, pour Thierry Chambolle, les difficultés de recrutement du secteur doivent être pris au sérieux car le recyclage est selon lui une activité indispensable à l'économie circulaire vers laquelle nos sociétés doivent tendre. Il juge donc essentiel de revaloriser ces métiers notamment en mettant en avant, l'utilité sociale des activités de tri.