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Actu-Environnement

Taxe éolien en mer : l'association Bloom dénonce une mainmise de la pêche industrielle

Dans son nouveau rapport, l'ONG fait état du lobbying du Comité national des pêches en faveur de l'implantation du futur parc éolien de Belle-Île-en-Mer. Un arbitrage politique qui exploite les modalités de la taxe sur l'éolien en mer.

Energie  |    |  F. Gouty
Taxe éolien en mer : l'association Bloom dénonce une mainmise de la pêche industrielle

Le passage de la pêche industrielle française au crible de l'association Bloom continue. Après un premier rapport décriant les subventions accordées aux pêcheurs hauturiers (en particulier, au chalut) en dépit de l'état économique déplorable du secteur, l'ONG dénonce le fonctionnement d'une autre « bouée de secours » lancée en leur faveur avec la taxe sur l'éolien en mer. « La politique de planification de l'éolien offshore (est) soumise aux diktats du lobby de la pêche au chalut, qui permet à ce dernier de continuer à s'enrichir à grand renfort d'argent public sans s'inquiéter de devoir faire évoluer cette méthode de pêche destructrice », s'insurge l'ONG dans un nouveau rapport (1) publié le 4 avril.

La pêche industrielle, grande gagnante de la taxe éolienne ?

L'association fonde son discours sur le déroulement (entre juillet et décembre 2020) et la conclusion du débat public consacré au projet de parc éolien flottant « Bretagne Sud ». Pour rappel, l'appel d'offres en question (dit AO5), dont le lauréat devrait être désigné cette année, concerne l'installation à l'horizon 2031 d'un premier lot de 27 éoliennes flottantes d'une puissance cumulée de 250 mégawatts (MW) à environ vingt kilomètres à l'ouest des côtes de Belle-Île-en-Mer (Morbihan). Un second lot, de 500 MW, à proximité, reste en réflexion. Son implantation, juste avant la limite des eaux territoriales (12 milles marins, soit 22,2 km), est au cœur de l'enquête de Bloom. Une décision prise en l'absence d'un quelconque consensus à l'issue du débat public et, notamment, vivement critiquée par l'ensemble des maires de l'île qualifiant de « nécessité » l'implantation au-delà des 12 milles marins, dans une lettre adressée au président de la République, Emmanuel Macron, l'an dernier.

Selon l'ONG, le choix du Gouvernement d'une « implantation localisée entièrement dans la bande des 12 milles marins des eaux territoriales, dans une zone fréquentée quasiment exclusivement par la pêche artisanale, (répond) ainsi pratiquement mot pour mot aux exigences, isolées, portées durant tout le débat public par le lobby du chalut ». En effet, comme le souligne l'association, l'installation d'un parc sous cette limite géographique réglementaire joue un rôle majeur dans la redistribution de la taxe éolienne acquittée par les exploitants. Celle-ci a été créée dans le code général des impôts par la loi de finances rectificative pour l'année 2005, en anticipation du développement de la filière, mais ses modalités ont depuis été maintes fois modifiées.

Si, à l'origine, ses bénéficiaires n'incluaient pas directement les acteurs de la pêche, ceux-ci en font actuellement pleinement parties. Aujourd'hui, dans le cas d'un parc installé dans les eaux territoriales, 35 % de la redistribution de la taxe vont au Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM), ainsi qu'aux comités régionaux et départementaux « pour le développement durable de la pêche et des élevages marins ». Et ce, sans précision sur les conditions d'éligibilité des projets halieutiques ainsi financés. À une demande d'information formulée par l'association, le Comité national des pêches lui a répondu, dans un courrier daté du 13 mars 2024, « qu'à ce jour les critères de sélection des projets n'avaient pas été arrêtés ». Et l'ONG de dénoncer : « La France encourage ainsi les comités des pêches à se prononcer en faveur de l'implantation des futurs parcs éoliens dans les eaux côtières. »

Une manipulation aux dépens de la biodiversité et du reste de la filière

Dans le cas du futur parc au large de Belle-Île, le reversement de cette taxe devrait fournir « plus d'un million et demi d'euros » par an à partager entre le CNPMEM, le comité régional des pêches de Bretagne et le comité départemental des pêches du Morbihan. Pour l'ONG, cette conséquence du choix d'installation du parc dans les eaux territoriales résulte d'un lobbying réalisé par Olivier Le Nézet, président des trois comités en question, accusé de défendre avant tout les intérêts des pêcheurs industriels dans une récente enquête de Médiapart. Comités qui, de surcroît, conservent des liens avec le conseil régional de Bretagne, qui soutient manifestement la pêche hauturière dans une nouvelle feuille de route. « Avec la répartition de cette taxe, le Gouvernement offre une bouée de secours à la pêche industrielle, dominée par le chalutage, alors même que cette pratique est condamnée en raison de ses impacts écologiques et climatiques inacceptables et de sa dépendance au gazole qui met les entreprises de pêche pratiquant le chalut en déficit chronique, malgré les aides publiques substantielles reçues », s'écrie Bloom, qui demande une « révision de la taxe éolienne ».

“ Avec la répartition de cette taxe, le Gouvernement offre une bouée de secours à la pêche industrielle ” Bloom
D'autant qu'en l'état actuel de la situation, une telle exploitation de la taxe éolienne défavorise la pêche artisanale. Contrairement à la pêche hauturière, au chalut, à la senne ou à la drague, celle-ci ne s'éloigne pas des eaux territoriales et sera la première concernée par l'implantation du parc éolien. La zone finalement choisie se situe au-dessus de fonds très rocailleux et donc incompatibles avec la pêche hautorière, qui ne la fréquentent pas ou très peu, selon des données de géolocalisation compilées par l'ONG. « Alors que les navires de pêche industrielle ne représentent qu'une minorité de la flotte de pêche française, et que ces derniers peuvent aisément, contrairement aux navires de pêche artisanale, se déporter vers d'autres zones de pêche plus au large, (…) c'est cette filière que le Comité national des pêches continue de défendre bec et ongles. »

Dans un communiqué adressé à Actu-Environnement à la suite d'une sollicitation dirigée vers le CNPMEM et Olivier Le Nézet, le Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) de Bretagne maintient que « la loi donne pour mission aux comités des pêches de représenter, défendre et gérer l'ensemble des métiers de la pêche et pas seulement telle ou telle catégorie de pêcheurs ou de métiers » et que « toute accusation allant à l'encontre de cette mission est un non-sens ». Et ajoute que, pour ce qui est du bénéfice financier apporté par la taxe visée, « les fonds ne seront pas disponibles tant que le chantier ne sera pas terminé, soit pas avant des années ». Il rappelle par ailleurs que les comités « savent aussi dire non » aux projets d'implantation de parcs éoliens en mer, citant le rejet (par les comités bretons et ligériens) des propositions faites par le Gouvernement dans le cadre du débat public en cours sur les documents stratégiques de façade (DSF).

Mais l'association Bloom, soucieuse des conséquences d'une telle « opération » sur la biodiversité locale, de conclure : « Protégées durant des décennies de la destruction car établies sur des fonds rocheux sur lesquels les chalutiers ne se risquent pas, c'est désormais le lobby du chalut qui pourrait causer la perte de ces espèces, en ayant désigné cette zone préservée comme lieu d'implantation d'un parc éolien. »

1. Télécharger le rapport de Bloom
https://bloomassociation.org/wp-content/uploads/2024/04/Autant-en-rapporte-le-vent.pdf

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