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Actu-Environnement

“CEE précarité énergétique : Ne créons pas une usine à gaz”

Le projet de loi sur la transition énergétique impose qu'au moins un tiers des économies d'énergies soit réalisé au bénéfice des ménages en précarité énergétique. Hugues Sartre de GEO PLC alerte sur la mise en œuvre complexe de cette obligation et ses répercussions sur les coûts.

Interview  |  Energie  |    |  R. Boughriet
Environnement & Technique N°350
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°350
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“CEE précarité énergétique : Ne créons pas une usine à gaz”
Hugues Sartre
Responsable des affaires publiques chez GEO PLC
   

Actu-Environnement : Un tiers au moins du volume des certificats d'économies d'énergie (CEE) devrait bénéficier aux ménages précaires, prévoit le projet de loi sur la transition énergétique. Que change cette obligation, introduite en seconde lecture, pour les fournisseurs d'énergie ?

Hugues Sartre : L'article 8 du projet de loi relatif à la transition énergétique, adopté le 26 mai en nouvelle lecture par l'Assemblée, a profondément modifié le traitement de la précarité énergétique dans le cadre du dispositif des CEE. Alors que l'article L. 221-1 du code de l'énergie prévoyait déjà d'affecter une part des CEE aux ménages précaires, il n'avait jamais été décliné en une mesure règlementaire concrète.

Les actions de lutte contre la précarité sont présentes dans le dispositif CEE au travers de programmes de réduction de la consommation énergétique des ménages les plus défavorisés. Il s'agit des programmes "Habiter Mieux" conduit par l'Agence nationale de l'habitat (Anah), "Toits d'abord" par la Fondation Abbé Pierre ainsi que le "Pacte Energie Solidarité" (PES) et "Rénovation solidaire" portés par Certinergy et la Ville de Bordeaux. Pour la deuxième période des CEE, la fondation Abbé Pierre a déclaré que 3% des CEE ont été consacrés à la précarité entre 2011-2013, contre 10 à 15% pour la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) entre 2011-2014. La DGEC a inclus les bailleurs sociaux, ce qui a représenté, selon elle, un volume total de 70 à 100 TWhc (térawattheures cumulés actualisés) dédiés. Cette obligation s'ajoute donc à celle déjà existante pour tous les obligés actuels proposant des tarifs sociaux ou non.

AE : Pourquoi fixer un seuil dans la loi si le mécanisme des CEE prenait déjà en compte les ménages défavorisés ?

HS : Le volume d'obligations n'est pas inscrit dans le projet de loi mais la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal s'est oralement engagée sur 30% de l'objectif actuel, soit 210 TWhc qui seront fixés par décret. Ils s'ajouteront à l'objectif des 700 TWhc d'économies d'énergie prévus pour cette troisième période des CEE qui vient de démarrer. La précarité énergétique est donc un moyen d'augmenter l'objectif de cette 3e période : elle pourrait s'élever à 910 TWhc dès le décret paru. Cependant, à ce jour, il est impossible de prévoir si cette augmentation aura un impact sur le cours du CEE et, donc, sur les primes versées aux Français.

Ensuite, le projet de loi explicite ce que les obligés peuvent faire pour lutter contre la précarité énergétique. Ainsi, l'article 8 prévoit que les obligés peuvent se libérer de leurs obligations : soit en déléguant cette obligation à un tiers, soit encore en contribuant aux programmes tels que "Habiter Mieux" de l'Anah, soit en achetant des CEE provenant d'opérations réalisées au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique, soit en réalisant, directement ou indirectement, des économies d'énergie au bénéfice de ces ménages .

Enfin, le projet de loi prévoit que ces actions d'économies d'énergies pourront être réalisées uniquement dans le secteur du bâtiment résidentiel et dans les transports et que les obligés devront prouver qu'elles prennent place chez un ménage considéré en situation de précarité.

AE : Comment peut-on qualifier un ménage précaire ?

HS : La notion de précarité énergétique est un sujet complexe comme le rappellent les récentes publications de la Commission européenne à ce sujet. En ce qui concerne les CEE, la loi prévoit qu'un arrêté de la ministre définisse des critères de revenus fiscaux, pondérés selon la taille du ménage. Cet arrêté devrait a priori s'appuyer sur les critères du programme "Habiter Mieux".

Toutes ces modalités pratiques seront abordées en juillet lorsque la DGEC lancera une concertation sur les décrets d'application. Elle devra notamment permettre de définir des coefficients d'obligation pour atteindre les 210 TWhc auxquels la ministre s'est engagée.

L'enjeu de cette consultation est de trouver le juste équilibre entre ces coefficients et les critères de revenus. Cet équilibre déterminera indirectement le coût et le cours des "CEE précarité". Il est essentiel que ces paramètres soient placés au bon curseur, car si les entreprises sont étouffées par cette obligation, ce sont les Français qui en paieront le prix.

AE : Quels pourraient être les impacts de cette mesure ?

HS : Le champ des actions d'économies d'énergie, prévu dans le texte, est restreint aux ménages dits en situation de précarité énergétique alors que dans le dispositif classique, ces travaux peuvent être réalisés chez tous les consommateurs d'énergie : tertiaire, collectivités…

Restreindre le champ des opérations pourrait coûter plus cher, ce que dénoncent certains obligés. En effet, la lutte contre la précarité énergétique exige des subventions proches de 100% du coût des travaux (combles, portes, fenêtres…). A titre d'exemple, dans le cadre du programme "Habiter Mieux", le taux de subvention est de l'ordre de 80%. Cela pourrait générer une hausse des coûts des CEE qu'il faudra directement répercuter sur les tarifs de vente de l'énergie. Paradoxalement, cette hausse aurait pour effet inverse d'augmenter le nombre de ménages en situation de précarité énergétique.

Cette mesure pourrait également entraîner des surcoûts administratifs sur le dispositif des CEE. En effet, la mise en œuvre effective de la nouvelle obligation implique la création de nouvelles règles, exceptions, dérogations par rapport aux dispositifs existants. Dans ce contexte, il faut être vigilant à ne pas créer une usine à gaz ! Pour que le coût du cours des CEE reste limité, la mise en œuvre de l'obligation précarité doit donc être la plus simple possible !

AE : Que préconise GEO PLC pour simplifier son application ?

HS : Les actions d'économies d'énergie doivent être réalisées au bénéfice des ménages. Cette mesure implique que le revenu fiscal de référence examiné soit celui de l'occupant du logement où prend place l'opération. Dans le cas d'un propriétaire bailleur finançant une opération au sein d'un logement qu'il n'occupe pas, cette mesure imposerait d'obtenir le revenu fiscal du locataire. Cette situation ne peut être acceptable ! C'est pourquoi, les CEE précarité doivent prioritairement concerner les opérations financées par l'occupant du logement, qu'il soit propriétaire ou locataire. Les bailleurs, eux, pourront bénéficier de règles spécifiques.

Pour chaque opération d'économies d'énergie réalisée, une attestation sur l'honneur complétée par le bénéficiaire et par le professionnel, ayant mis en œuvre ou assuré la maîtrise d'œuvre de l'opération, fait d'ores et déjà partie des pièces justificatives nécessaires à la demande de CEE. Nous proposons par conséquent de modifier cette attestation pour tenir compte des critères de revenu fiscal. Cela permettrait de vérifier que le signataire est bien l'occupant du logement concerné, qu'il finance l'opération et qu'il satisfait les critères de revenus fixés par l'administration. Cette attestation devra être suffisante pour justifier que l'action d'économies d'énergie est réalisée au bénéfice d'un ménage en situation de précarité énergétique, sans pour autant transmettre de document de preuve. En effet, il semble complexe d'imposer aux Français de transmettre leur déclaration d'impôt ou avis d'imposition à leur fournisseur d'énergie.

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