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Changements climatiques : un enjeu crucial pour l'armée

Facteur aggravant des conflits entre les communautés et les États, le réchauffement climatique confrontera aussi l'armée à des environnements de plus en plus hostiles. Troupes, matériels et infrastructures devront s'adapter.

Gouvernance  |    |  N. Gorbatko
Changements climatiques : un enjeu crucial pour l'armée

Aujourd'hui, l'armée n'échappe pas plus aux impacts du réchauffement planétaire que les autres secteurs d'activité. Sur certains territoires, en effet, les dérèglements climatiques aggravent ou font surgir toute une série de difficultés – raréfaction des ressources naturelles, hydriques en particulier, menaces sur l'agriculture, précarisation des moyens de subsistance, instabilité politique, fragilisation des infrastructures, constitution de milices armées…  –, qui risquent à leur tour d'exacerber rapidement les conflits entre communautés et entre États. Dans une étude analytique et prospective publiée en mai dernier, intitulée « Changements climatiques et foyers de conflits dans le monde », l'Observatoire défense et climat a identifié quatre grandes zones particulièrement explosives : Afrique (Ouest, Centrale, Est), Moyen-Orient-Afrique du Nord, Asie du Sud-Est-Pacifique-Ouest et Amérique latine.

En Afrique, très exposée aux sécheresses et au stress hydrique, par exemple, 278 millions de personnes souffrent déjà de la faim. « Si l'on franchit le pallier des 3 degrés, les zones actuelles de culture du maïs, du millet, du sorgho, de tous ces céréales qui sont la base de l'alimentation locale, seront inexploitables », prévient Marine de Guglielmo Weber, chercheuse au sein du programme climat, énergie et sécurité de l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), auteur de cette étude. Via la concurrence pour l'approvisionnement en eau, autour du Nil ou du lac Tchad en particulier, les tensions entre agriculteurs, éleveurs et pêcheurs pourraient encore s'intensifier, renforcées par les déplacements de populations.

Compétition pour les ressources

La question du partage de l'eau s'annonce aussi particulièrement critique au Moyen-Orient, notamment entre la Syrie, l'Irak et la Turquie, qui devraient voir les niveaux de l'Euphrate et du Tigre baisser de 60 % à la fin du siècle. En Asie du Sud-Est et dans le Pacifique Ouest, aires dominées par trois puissances nucléaires, l'Inde, le Pakistan et la Chine, les catastrophes naturelles, les inondations et autres submersions feront peut-être le lit de nouvelles luttes territoriales. En Amérique latine, où la compétition pour le foncier fait rage, c'est l'accaparement des terres par des groupes armés qui devrait se développer, parallèlement aux crises politiques et trafics en tous genres.

Sur tous ces terrains, la présence de ressortissants ou d'intérêts français, particulièrement dans les Caraïbes, en Guyane, et en Polynésie, pourrait pousser les forces armées hexagonales à intervenir. Et ceci dans des conditions climatiques de plus en plus extrêmes : fortes chaleurs, grands froids, inondations, feux de forêt, tempêtes de sable amplifiées… Leurs capacités à faire face à ces impératifs auront une grande influence sur leurs chances de remplir ou non leurs missions. Cette exigence de « sécurité climatique » implique une approche adaptée de la santé des militaires, un entraînement particulier des troupes.

Des conditions matérielles à revoir

Dans tous les domaines, l'espace, l'aérien, le terrestre, le maritime et le sous-maritime, ces paramètres nécessiteront aussi de prendre en compte la résilience des matériels à ce nouvel environnement. Les performances des avions et hélicoptères « dépendent directement de la température de l'air, de la pression atmosphérique, des précipitations et du régime des vents », explique par exemple Cécile Maisonneuve, consultante du cabinet Oliver Wyman, dans une note publiée par l'Institut Montaigne, le 16 mai dernier. « Les charges utiles, les rayons d'action et les temporalités des opérations aériennes pourraient ainsi s'en trouver modifiées. »

Ces précautions valent aussi pour les infrastructures, comme les routes, les voies ferroviaires, les ports ou les bases aériennes, notamment victimes potentielles d'inondations ou de l'élévation du niveau des océans, pour les capteurs ou pour la logistique. Afin de mieux maîtriser ces enjeux, l'armée teste des matériels : groupes électrogènes équipés de cellules photovoltaïques, modules de retraitement des eaux usées et même petits réacteurs nucléaires (Small Modular Reactor ou SMR). Elle développe ou achète des cartographies, notamment pour prévoir les tempêtes de sable ou mesurer la ressources en eau, indispensables au stationnement des troupes et leurs évolutions. Le ministère s'équipe aussi en outils de modélisation.

Des activités plus vertes

Enfin, comme tous les secteurs d'activité, celui des militaires doit lui aussi apporter sa contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), dans le cadre d'une « défense verte », et tenir compte de l'évolution des contraintes réglementaires. Si beaucoup reste à faire pour ses équipements, encore très dépendants des énergies fossiles, l'armée a ainsi réduit ses émissions de GES de plus d'un tiers pour ses infrastructures depuis 2010. L'institution, qui possède le plus grand des domaines de l'État, s'attelle par ailleurs à la protection de la nature et à la préservation de la biodiversité.

Toutes ces démarches ont été formalisées dans le cadre de la stratégie Climat et défense, globale et coordonnée, adoptée en avril 2022 pour deux ans, puis complétée d'un plan d'action et d‘orientation en novembre. La France est le premier pays de l'Union européenne (UE) à s'être dotée d'un tel outil. Pour le moment, celui-ci en est plutôt à la phase de la réflexion, de la maturation, de la vision, avec l'aide de nombreux acteurs, comme le Cerema, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) ou Météo-France, et de la mobilisation des parties prenantes.

Une réflexion élargie à l'échelle européenne

Une prise de conscience déjà ancienne

En 2007, déjà, le ministère des Armées publiait un Plan d'actions environnement, avant d'entamer, l'année suivante, une démarche d'écoconception pour les équipements. En 2012, il enchaînait avec une Stratégie de développement durable de la défense, suivie d'une Stratégie ministérielle de performance énergétique, complétée en 2020 d'une Stratégie énergétique de défense et, en 2021, d'une Stratégie de préservation de la biodiversité.
A l'échelle internationale, on peut noter la tenue dès 2015 d'une conférence « Climat et défense ». En 2020, une feuille de route Défense et climat est élaborée, partie intégrante du Green Deal européen. Un an plus tard, le Forum de Paris pour la paix voit également naître l'initiative internationale « Changement climatique et forces armées ».

De son côté, l'Union européenne (UE) a commencé à élaborer une feuille de route en janvier 2021. À la fin de cette année, chacun des 27 États membres est censé avoir également achevé la sienne. Mercredi 28 juin, la Commission et le Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ont, par ailleurs, présenté une communication sur la manière dont l'Union entend faire face aux effets du changement climatique et à la dégradation de l'environnement dans les domaines de la paix, de la sécurité et de la défense. Celle-ci fait ressortir quatre grandes priorités : s'appuyer sur des analyses fiables des liens entre climat et sécurité pour mieux planifier les actions à mener, intégrer le lien entre climat et sécurité dans les analyses des conflits régionaux et nationaux, réduire les coûts et les empreintes carbone des opérations militaires tout en préservant leur efficacité opérationnelle, renforcer les partenariats internationaux.

L'UE installera ainsi un pôle de données et d'analyses sur la sécurité climatique et environnementale au sein de son centre satellitaire. Elle fera intervenir des conseillers environnementaux dans le cadre des missions et des opérations relevant de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Elle compte aussi créer des plateformes de formation en matière de climat, de sécurité et de défense. Le 6 juillet 2023, l'état-major des armées françaises organise une conférence de haut niveau, réunissant l'ensemble de ces acteurs nationaux et internationaux, pour faire le point sur les avancées de la stratégie hexagonale et dessiner des perspectives. Le lendemain, les pays membres de l'UE dresseront à leur tour un bilan des avancées de leur réseau « Climat et défense ».

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