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Actu-Environnement

''On est en train de nouer au jour le jour une tresse pour la survie de la planète et de l'espèce humaine''

Didier Gauthier, secrétaire général de Séché Environnement et président de la commission « développement durable-responsabilité sociétale » de l'AFNOR, est chef de file de la délégation française de l'ISO 26000. Un document normatif international sur la responsabilité sociétale est en cours d'élaboration. Explications.

Interview  |  Gouvernance  |    |  C. Saïsset
   
''On est en train de nouer au jour le jour une tresse pour la survie de la planète et de l'espèce humaine''

   
Actu-Environnement : Comment a émergé ce projet de norme internationale sur la responsabilité sociétale ?
Didier Gauthier :
Il est né d'une prise de conscience du rôle de chacun dans le développement durable, qui s'est accélérée après le Sommet mondial du Développement Durable à Johannesburg en juin 2002. Nous avons alors compris que les évolutions depuis la précédente conférence de Rio passeraient nécessairement par la dimension humaine, sociétale. Des entreprises françaises se sont senties interpelées et ont sollicité différentes instances, dont l'AFNOR, pour des réflexions plus que pour des lignes d'actions. Puis, chemin faisant, entreprises, syndicats, associations, etc., ont mis en œuvre par anticipation des méthodes de travail collaboratif qui ont permis d'aboutir à la SD 21000. C'est un guide pour la prise en compte des enjeux du développement durable dans la stratégie et le management de l'entreprise. On le retrouve maintenant dans le cadre de l'élaboration de la norme ISO 26000, sur laquelle travaillent 500 experts représentant 80 pays, 40 organisations internationales, des syndicats, des associations de consommateurs etc.

AE : À qui se destine cette nouvelle norme ?
DG :
La norme ISO 26000 est destinée certes au monde des industries mais également aux collectivités locales et autres organisations, afin que, grandes ou petites, elles aient des références communes dans la mise en œuvre des principes du développement durable appliqué à leurs activités. Nous devons être dans des logiques concrètes de mouvement et de respect, non pas d'un référentiel, mais de points de repères qui permettent d'être « orientés » développement durable : pouvoir se dire, je suis dans une « logique développement durable » à améliorer en continu.

AE : Est-ce une nouvelle certification ?
DG :
Certifier, ce serait annihiler les capacités de réflexion qui seront les moteurs de la mise en application : cette norme est porteuse de beaucoup trop d'ambition pour être certifiable. Nous en sommes à l'étape de la recherche d'articulation entre elle et les autres outils (Global Compact, GRI [Global reporting initiative], etc.), non pas comme un pilier mais mieux, comme un rôle de ciment ou de pivot, pour donner une cohérence à l'ensemble des réalisations. Nous sommes dans des sujets complexes où il n'y a pas de contradiction ou de quadrature du cercle entre des volets social, économique et environnemental du développement durable, avec la recherche permanente d'équilibre complexe. C'est un processus dynamique qui repose sur la capacité des hommes à comprendre l'impact que leurs actions ont sur les autres. La connaissance fait que les attentes de la Société vis-à-vis de l'Entreprise deviennent de plus en plus grandes. Elle doit s'adapter en permanence.

AE : Pouvez vous détailler cette logique qui anime l'ISO 26 000 ?
DG :
Nous sommes dans un esprit d'écoute, d'interprétation de signaux faibles, pour être en permanence dans une logique d'anticipation, sans en oublier les obligations économiques Nous sommes dans une optique de compréhension d'un monde fini. On ne peut plus consommer comme on le faisait hier. Il nous faut impérativement travailler autrement. Ce qui veut dire optimiser, développer les énergies renouvelables, s'intéresser aux questions de santé pour répondre aux attentes d'une population vieillissante, considérer des éléments supranationaux, etc. C'est un positionnement ambitieux, car ces mouvements révolutionnent le management des entreprises.

AE : Cette norme constitue-t-elle un moyen de traverser la crise environnementale actuelle ?
DG :
La crise que nous traversons est non pas conjoncturelle, mais bien structurelle. Elle touche jusqu'au cœur de nos entreprises. Ceci implique une évolution culturelle qu'incarnera la R&D. On est en train de nouer au jour le jour une tresse pour la survie de la planète et de l'espèce humaine ; pour assumer d'une façon construite et si possible gagnante cette nécessaire transition. Une tresse, avec un fil rouge porteur d'intérêt général à l'intérieur duquel il faut que chaque organisation, chaque acteur trouve son propre petit fil rouge. Pour que la réussite soit au rendez-vous, il faut que chaque organisation se trouve à sa juste place. Et qu'ensemble, elles trouvent leur complémentarité et reconstruisent la natte intégrale autour des sept questions centrales : la gouvernance de l'organisation, les droits de l'homme, les conditions et les relations de travail, l'environnement, les bonnes pratiques des affaires, les questions relatives aux consommateurs et l'engagement sociétal.

AE : Et les industriels, sont-ils prêts à intégrer ces nouveaux repères ?
DG :
La prise de conscience des industriels reste à consolider. Les premiers pas sont franchis avec la sécurité au travail, tirée par des considérations morales de respect du salarié mais aussi du coût de l'accident. La sensibilité nouvelle à l'égard de la biodiversité a fait tomber des frontières et renforcé la prise en compte de tous les aspects liés à l'environnement. Nos entreprises ne sont pas des espaces clos mais bien des organismes vivants, en interdépendance avec les autres. Nous sommes passés de la responsabilité sociale (inspection du travail) à la responsabilité sociétale (responsabilité vis-à-vis des tiers). L'ISO 26000 est là pour apporter des éléments de compréhension à tout cela.

AE : Ne craignez vous pas de tomber dans l'idéologie ?
DG :
Il ne faut pas. Le premier Code sociétal date de 1710 avant JC, d'Hammourabi, le sixième Roi de Babylone. Déjà il montrait que la logique multiculturelle doit pouvoir se prolonger d'un bout à l'autre de la planète. L'une des difficultés est de se transcender, non pas au sens religieux, mais de telle sorte que la morale ne puisse pas se discuter. Il faut respecter la culture de chacun et dire qu'il n'y a pas de modèle social idéal. Le monde, dans sa diversité, est porteur de multiples modèles. Suivre l'ISO 26000 sera porteur de grands mouvements qui reposent sur des consensus, avec des modalités de mise en œuvre qui ne pourront être contestées, souhaitons-le, du point de vue moral, spirituel.

AE : En octobre prochain se tiendront les premiers Etats Généraux de la Responsabilité Sociétale au Conseil Economique et Social, à Paris. Qu'espérez-vous de cet événement ?
DG :
Ils suivront une réunion internationale majeure sur le document de travail de l'ISO
26000 et précèderont les ultimes réunions d'élaboration finale de la norme attendue pour 2010. Ce sera l'occasion d'une consultation citoyenne car toutes les parties prenantes y seront présentées. Ce sera aussi une manière de permettre aux uns et aux autres de mieux comprendre les enjeux et d'apporter aux membres de la délégation française à l'ISO les « calages » utiles avant les derniers débats.

Réactions2 réactions à cet article

Oui mais ....

Alors que « Développement durable » est une très mauvaise traduction de « sustainable development » regrettablement validée par Mme Gro Harlem Brundtland elle-même, quand les Canadiens français, à défaut regrettable et peu flatteur de la France, ont assuré la traduction de « Our common future », il serait regrettable que la norme ISO 26000 souffre d’une telle erreur, mais cette fois peut-être dans le sens français-anglais.

En français, le social, ce n’est pas le sociétal, alors que déjà « société » couvre généralement le concept d’entreprise et celui de collectivité. Même si chez les Ch’tis maintenant très connus « société » est parfois synonyme d’ « association » Lors de conférence récentes sur le sujet à Paris, certains intervenants de tribune illustraient l’ambiguïté en se présentant les uns comme « Directeur responsabilité sociale (de leur entreprise) » , et d’autre « chargés de la responsabilité sociétale (de l’entreprise) » .

On peut dire que faire du social est une contribution à la vie sociétale française ou autre. Alors qu’effectivement toute entreprise, toute structure , toute organisation (puisque tel est l’ambition embrassée par la future norme ISO 26000) a une responsabilité pas seulement sociale, mais encore économique et environnementale sur la vie et l’évolution de notre société locale, départementale, régionale, nationale, continentale et finalement terrestre ou planétaire ou encore mondial ; en attendant peut-être, qui sait, la société universelle. Sachant que dans le texte en cours d’élaboration, on sent plus souvent, sinon l’orientation, la « patte multinationale » que la « patte collectivité locale » par exemple.

Obtenons donc déjà, avant qu’il ne soit trop tard que, dans toutes les langues on explicite bien la différence entre social et sociétal. Alors que pour vraiment bien faire il faudrait déjà rebaptiser cette norme, vu que personne ne pensera spontanément « entreprise », en francophonie du moins, s’il est question d’un conseil régional ou d’une association locale de défense. . Trop de bonnes idées ont été stérilisées pour avoir été un peu trop hâtivement et mal dénommées. Une idée parmi d’autres pour une « tempête sous les crânes » qui s’impose peut-être : Responsabilité sociétale des organisations (structurées). Sachant que dans les textes internationaux multilingues, on a rarement le soucis de tenir compte des différences de perception d’un concept pour les utilisateurs d’un mot dans leur langue maternelle par rapport à un mot censé être sa traduction fidèle à propos du même concept pour les utilisateurs d’une autre langue. Illustration regrettable du célèbre « tradutore traditoire.

Bonne fin de grossesse et longue vie à cette nouvelle norme , en souhaitant pour terminer qu’à l’image, hélas, du Développement durable, elle ne devienne pas vite une tarte à la crème et/ou un cache-sexe couvrant des pratiques aussi conservatrices que réactionnaires ….. à conséquences suicidaires sur/pour notre planète en triste état

Sprikritik | 08 juillet 2008 à 18h27 Signaler un contenu inapproprié
Re:Oui mais ....

Vouloir a priori , avant diagnostic et réflexion amont "sociétale" , faire du "développement durable" à travers des normes est contestable:

S'il apparaît que l'organisation socio économique mondialisée nuit gravement à la durabilité de nos sociétés , c'est l'ensemble de nos organisations qu'il faudra repenser dans le sens de relocalisations. Ces normes quelque soit leur dénomination risquent donc d'être effectivement "un cache-sexe couvrant des pratiques aussi conservatrices que réactionnaires"

Di Girolamo | 09 juillet 2008 à 12h28 Signaler un contenu inapproprié

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