Le masque de protection contre l'amiante Proflow commercialisé par la société américaine 3M Scott est-il fiable ? Oui, à condition de respecter correctement les consignes d'utilisation préconisées par le fabricant dans la notice d'instruction. Telle est en substance la réponse apportée à Actu-Environnement par le cabinet de Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État chargé de la Santé au travail, réitérant ainsi les recommandations d'un avis paru fin octobre.
Le 18 novembre dernier, la Maison des lanceurs d'alerte (MLA), l'Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens CGT (UGICT-CGT) et le syndicat des inspecteurs du travail CGT-SNTEFP ont adressé une lettre ouverte (1) à la ministre du Travail, Élisabeth Borne, afin de l'interpeller sur cette question.
La MLA, association créée en 2018 par 17 associations et syndicats, accompagne depuis deux ans une lanceuse d'alerte qui avait signalé de graves dysfonctionnements sur ce masque, le plus utilisé sur les chantiers de désamiantage. Cette alerte, relayée en septembre dernier par une enquête du quotidien Libération (2) , « pourrait constituer une véritable bombe à retardement pour des dizaines de milliers d'ouvriers qui seraient ainsi exposés à des risques de cancer », selon les organisations signataires du courrier. « Le moteur, qui envoie de l'air filtré dans le masque, aurait des baisses de régime, sans prévenir, explique, en effet, Marie Piquemal, auteur de l'enquête. Ce qui veut potentiellement dire que des dizaines de milliers d'ouvriers dans leurs combinaisons de scaphandre, même en respectant les règles drastiques de précaution (ce qui est déjà un exploit), inhalent des fibres d'amiante cancérogènes, bien au-dessus des seuils autorisés… sans s'en rendre compte. »
Discret avis au Journal officiel
Afin de répondre à cette alerte, le ministère du Travail a publié un discret avis au Journal officiel du 28 octobre. La réponse apportée par ce dernier est loin de satisfaire la Maison de lanceurs d'alerte et les syndicats. « [L'avis] n'a pas fait l'objet d'une large diffusion auprès des professionnels et des salariés concernés, et tend à nier la réalité des dysfonctionnements du matériel de protection », critiquent les signataires du courrier.
Qu'affirme ce document ? Pour le ministère, ce masque répond « par sa certification, à l'état neuf » à l'obligation réglementaire d'un débit d'air de 160 l/mn. « Des variations de ce débit ventilatoire en cours d'usage, notamment en cas de situation de décharge de la batterie ou de colmatage du filtre, peuvent altérer le facteur de protection assigné (FPA) des appareils. Il est donc indispensable de s'assurer, avant utilisation, de la délivrance de ce débit d'air de 160 l/mn », indique le ministère. S'appuyant sur les travaux de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), il précise également que ce type d'appareil respiratoire à ventilation assistée continue à « assurer une protection en cas de variation du débit d'air, y compris en cas de moteur à l'arrêt ». Pour les organisations, cette affirmation constitue « une information pouvant mettre en danger la santé des opérateurs » et qui, en outre, est contraire à la réglementation, qui exige en permanence un débit de 160 l/mn.
Les employeurs doivent aussi, précise l'avis, se conformer aux instructions de maintenance en cas d'apparition d'un code d'erreur, garantir une entrée en zone de travaux avec une batterie complètement chargée, garantir le changement de filtre à chaque utilisation, et prévoir une formation adéquate des utilisateurs. Le ministère rappelle, enfin, les conditions d'empoussièrement maximal et de durée maximale de port du masque fixées par la réglementation.
« Probable vice caché »
Ces instructions du ministère du Travail apparaissent tout à fait insuffisantes aux yeux des lanceurs d'alerte. « Il est techniquement plus que probable que les problèmes n'ont pas été réglés sur le fond et qu'il existe toujours un vice caché sur ces équipements », écrivent-ils à la ministre. « La procédure mise en place semble uniquement destinée à essayer d'identifier des équipements défectueux avant une "entrée sur zone" mais ne règle pas la question d'une chute de performance de débit d'air sous le niveau réglementaire de 160 l/mn pendant l'utilisation », pointent les signataires.
Le « tube indicateur de débit d'air » ne trouve pas davantage grâce à leurs yeux. « Le "débitmètre" proposé par 3M relève sincèrement du gadget et il n'est vraiment pas sérieux de conditionner la santé des opérateurs à l'empirisme de "mesures" d'un tel appareil qui n'a aucun caractère légal », cinglent la MLA et les syndicats.
Et de conclure : « Les actions correctives mises successivement en place par 3M Scott Safety et reprises in extenso par l'avis du ministère du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion ne semblent pas seulement non pertinentes, elles sont aussi visiblement trompeuses, incomplètes et dangereuses ». Une conclusion qui ne paraît pas ébranler le ministère du Travail.
« Au regard des informations dont nous disposons à ce stade, le respect des consignes d'utilisation rappelées dans cet avis est de nature à assurer la protection adaptée du salarié équipé de cet appareil contre le risque d'exposition à l'amiante », maintient le cabinet de Laurent Pietraszewski, qui précise aussi avoir adressé des courriers aux distributeurs.
« Les investigations menées dans ce cadre se poursuivent néanmoins », ajoutent toutefois les services du secrétaire d'État. Comme s'ils ne disposaient pas de toutes les informations pertinentes et que la teneur de cet avis pouvait être remise en cause.