Réalisé par plusieurs associations environnementales, le rapport “Home Sweet Home- dusty under bed” met en évidence la présence de perturbateurs endocriniens dans nos logis. A l'initiative de ChemSec et de la Swedish Society for Nature Conservation (SSNC), cette étude a consisté à analyser les poussières domestiques prélevées dans et sous le lit de chambres à coucher à travers le monde. Agissant comme un réservoir pour les produits chimiques dans l'environnement intérieur, la poussière reflète la combinaison de polluants à laquelle les gens sont potentiellement exposés dans leur maison.
La poussière passée au crible
Pour cette étude, les échantillons de poussières provenaient des chambres de douze différents pays : 6 européens (Allemagne, Belgique, Hongrie, Italie, République Tchèque et Suède), 4 africains (Afrique du Sud, Kenya, Ouganda et Tanzanie), et 2 asiatiques (Malaisie et Philippines). Afin de rassembler le maximum de données, les chambres n'avaient pas été nettoyées depuis une semaine. Des aspirateurs portables et des sacs en plastiques, tous identiques, ont été utilisés pour ne pas fausser les résultats des analyses.
Devant le nombre impressionnant de substances à rechercher, l'étude a préféré se focaliser sur une sélection de produits chimiques connus pour être dangereux pour l'environnement et la santé dont les retardateurs de flamme bromés (PBDE), les PCB, les phtalates, le bisphénol A ou encore certains pesticides.
Toutes ces substances sont capables, ou en tout cas fortement suspectées, d'affecter les systèmes endocriniens ce qui provoque des atteintes à la fertilité, des cancers ainsi que des troubles neurocomportementaux. De plus, il est parfois difficile de caractériser l'action d'un seul polluant car les perturbateurs endocriniens sont souvent mélangés. Ce cocktail peut ainsi avoir un impact plus important, en raison des effets de synergies entre ces molécules.
Des résultats inquiétants…
Les résultats de ces analyses ont révélé que toutes les échantillons de poussières domestiques contenaient un mélange de perturbateurs endocriniens. Ces derniers sont libérés par une grande famille de produits de consommation présents dans les foyers : ameublement, électronique, cosmétiques, jouets…
Les concentrations des produits chimiques analysés varient selon les échantillons. Mais, ceux provenant des Philippines diffèrent le plus des autres et présentent de hauts niveaux de polluants, notamment pour le Bisphénol A et les retardateurs de flamme bromés. Pour certains composés de cette dernière famille (PBDE 47 et PBDE 99), la concentration est cent fois à mille fois supérieure à celle des autres pays.
En moyenne, la concentration en PBDE dans la poussière est de 349,4 µg/kg alors qu'en Europe, ce chiffre chute à 60,2 Mg/kg. Cette tendance s'inverse pour les phtalates, les six membres de l'Union européenne présentant une concentration moyenne de 934,8 mg/kg contre 684,8 mg/kg pour les pays de l'hémisphère sud.
Par ailleurs, le rapport précise que la contamination des poussières domestiques expose plus particulièrement la petite enfance qui, vivant au ras du sol, constitue donc un groupe plus vulnérable aux effets toxiques des perturbateurs sur leur développement. En outre, même si cette étude cible uniquement les produits chimiques présents dans la poussière et ne tient pas compte des autres sources d'expositions, les résultats montrent que la concentration des phtalates dans certains pays est déjà supérieure à celle recommandée par les autorités sanitaires.
Des efforts demandés aux Etats
Dans leur communiqué de presse, le SSNC et le ChemSec rappellent que certains produits qui appartiennent à la liste Sin (Substitution immédiate nécessaire), une liste noire de produits chimiques interdits par le règlement Reach, se trouvent généralement sous nos lits. Pour les associations, ce rapport constitue donc un rappel des responsabilités qui incombent aux législateurs européens et également aux entreprises qui continuent à intégrer ces substances dans leurs articles.
"Pour permettre aux populations de bien dormir la nuit, les pays européens doivent agir fortement. Actuellement, les gens ne sont pas suffisamment protégés par la réglementation européenne contre ce cocktail de perturbateurs endocriniens", appuie Anne-Sofie Andersson, Directrice de ChemSec.
Enfin, les associations pointent la nécessité de mieux préciser les critères de définitions de ces perturbateurs ainsi que d'établir rapidement de nouvelles méthodologies d'évaluation des risques. Ces dernières devront prendre en compte notamment l'effet de l'exposition à faible dose et celui des cocktails de polluants.