La Commission européenne peut-elle renouveler l'approbation de substances actives, constitutives des produits phytosanitaires, malgré l'identification de risques par l'Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) ? Oui, mais sous conditions, répond en substance le Tribunal de l'Union européenne par une décision du 21 février 2024 qui rejette le recours de l'ONG Pesticide Action Network (PAN) contre le renouvellement d'approbation de la cyperméthrine. Cet insecticide est « largement utilisé au sein de l'Union européenne afin de lutter contre les ravageurs des cultures ».
Si, dans le cadre de la procédure de renouvellement des substances actives, la Commission doit « tenir compte » des conclusions scientifiques de l'Efsa, « elle n'est pas liée par les constats opérés » par cette dernière. « Une telle prise en compte ne peut en effet s'interpréter comme une obligation pour la Commission de suivre en tous points les conclusions de l'Efsa ou de l'État membre rapporteur », juge le Tribunal. Cependant, nuance le juge communautaire, le large pouvoir d'appréciation de la Commission en tant que gestionnaire des risques demeure encadré par le nécessaire respect des dispositions du règlement du 21 octobre 2009 relatif à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, ainsi que par le principe de précaution. « En particulier, lorsque l'évaluation des risques conduit à l'identification de plusieurs domaines critiques de préoccupation, (…) et à une recommandation de ne pas renouveler l'approbation de la substance active concernée, la Commission ne saurait, en principe, s'écarter des résultats d'une telle évaluation, sous peine de méconnaître le principe de précaution », juge le TUE.
En conclusion, la juridiction communautaire estime que la Commission ne peut renouveler l'approbation d'une substance active que s'il est suffisamment démontré que, malgré l'identification de domaines critiques de préoccupation, des mesures d'atténuation des risques permettent de conclure que les critères d'approbation des substances actives fixées par le règlement sont respectés. « [Le] rôle de la Commission est précisément la détermination des risques qui sont acceptables pour la société, avec un seuil de tolérance plus élevé en ce qui concerne la protection de l'environnement qu'en ce qui concerne la santé humaine ou animale, et en prenant en considération des mesures de gestion pour mitiger des risques déterminés », juge le Tribunal.
En l'espèce, le seul fait que l'Efsa ait identifié quatre domaines critiques de préoccupation dans ses conclusions sur la cyperméthrine ne permet pas, selon le Tribunal, de considérer que la Commission ne disposait plus d'aucune marge d'appréciation en tant que gestionnaire des risques. D'où le rejet du recours contre le renouvellement d'approbation de l'insecticide.