Une étude de l'Ineris réalisée cette semaine à la demande du Ministère du Développement durable dans la baie de Saint-Michel en Grève où a eu lien la mort du cheval, a confirmé la présence des gaz issus de la décomposition des algues. Les résultats varient d'un endroit à un autre en fonction de l'état de décomposition mais l'Ineris signale avoir rarement rencontré des concentrations en H2S aussi élevé (jusqu'à 1.000 ppmv) et ce même en milieu industriel où il intervient principalement. L'Ineris conclu par conséquent que le gaz émis par les sédiments contenant des algues vertes en décomposition pouvait être dangereux et qu'il convenait d'en maîtriser les expositions surtout pour le personnel en charge du ramassage. Le principal composé mis en évidence, l'hydrogène sulfuré, est toxique par inhalation et à 1.000 ppmv il peut être mortel en quelques minutes, rappelle l'Ineris.
En visite sur place hier, le Premier ministre François Fillon a annoncé que l'Etat allait prendre à sa charge le nettoyage des plages les plus touchées. Le gouvernement s'apprête en outre à mettre en place une commission interministérielle qui, dans les trois mois qui viennent, doit bâtir un plan d'action pour lutter contre la prolifération des algues vertes et pour proposer des solutions de ramassages et de protection de la population. François Fillon a également annoncé que le ramassage en mer allait être expérimenté dès la fin de l'hiver pour éviter des proliférations comme celle de cet été.
Les pratiques agricoles pointées du doigt
Mais le discours du gouvernement a du mal à convaincre sachant que la problématique est connue depuis plusieurs dizaines d'années et fortement liée aux pratiques agricoles. Le développement des algues est en effet accentué par la présence d'éléments azotés dans les eaux due aux activités agricoles de la région. Le surplus d'éléments apportés aux cultures via les épandages d'effluents agricoles est lessivé et se retrouve dans les cours d'eau. En Bretagne, la situation est critique puisqu'elle remet régulièrement en cause l'alimentation en eau potable des populations pour cause de pollution aux nitrates et est à l'origine d'un contentieux avec l'Union européenne pour non-respect des directives.
Pour les associations de protection de l'environnement, le plan gouvernemental devra donc surtout s'attaquer à la problématique des pollutions agricoles : l'élevage hors-sol produit en Bretagne une quantité de déjections qui dépasse largement la capacité d'absorption du milieu naturel. Les expédients mis en œuvre sont inefficaces. La responsabilité du modèle agricole intensif est évidente, tant en matière d'élevage que de cultures, mais aussi, celle de l'industrie agro-alimentaire et de l'agro-business en général, explique Jean-Claude Bévillard, pilote du réseau agriculture de la fédération France Nature Environnement.
L'opposition dénonce de son côté le double langage du Premier ministre : contrairement aux déclarations de M. Fillon, rien n'est fait pour engager la mutation de l'agriculture bretonne vers un modèle durable et respectueux de l'environnement, estime le Parti Socialiste. En 2009, les services de l'Etat ont encore accordé des dizaines d'autorisations d'extension ou de création à des élevages intensifs, ajoute-t-il.
Depuis les premières menaces de la Commission européenne à ce sujet, la France a mis en place plusieurs plans d'action successifs visant à limiter les apports d'azote sur les bassins versants particulièrement touchés. Un quatrième plan d'action a d'ailleurs été signé par la préfecture des Côtes-d'Armor fin juillet malgré l'avis défavorable du Conseil général. Le département dénonce l'incohérence entre ce projet et le futur Schéma d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Loire-Bretagne (SDAGE) applicable dès 2010 et regrette le raisonnement de l'Etat encore fondé sur l'échelle cantonale, alors que l'approche par bassin versant s'impose.
Le Conseil général constate que les agriculteurs costarmoricains ont fait d'importants efforts qui se traduisent par des améliorations de la qualité de l'eau mais estime qu'il faut aller plus loin encore sur les bassins versants les plus sensibles. Les concentrations en nitrates dans les rivières de Bretagne ont diminué de près de 20% depuis 1998 mais fluctuent toujours autour de 25 mg/L alors que pour éviter la prolifération d'algues il faudrait des taux aux alentours de 10 mg/L.