Une pollution encore mal évaluée
Si la pollution des macro déchets est souvent constatée le long du littoral, ce phénomène n'est pas seulement côtier. Les déchets sont transportés par les courants océaniques, et si certains terminent leur course sur les plages, d'autres s'accumulent à la surface des eaux, dans des zones où il y a peu de courant, ou dans les fonds marins.
L'Ifremer a étudié cette pollution dès 1992. De 1992 à 1998, près de trente campagnes océanographiques ont été effectuées, complétées par des observations par submersibles habités. Les résultats ont mis en évidence l'existence de zones d'accumulation près des côtes mais aussi en profondeur, jusqu'à 2.000 mètres de fond. Il y aurait ainsi selon les estimations, entre la surface et 200 m de profondeur, 150 millions de débris pour la mer du Nord, 50 millions pour le golfe de Gascogne, 175 millions pour le bassin nord-ouest de la Méditerranée et 300 millions pour l'ensemble du bassin et 40 millions pour la mer Adriatique. Des campagnes menées dans le cercle arctique ont montré que l'on y trouvait la même densité de déchets que dans la Manche, soit 0,5 déchets par hectare. Dans certains canyons méditerranéens, on trouve des densités très fortes : 1.500 débris à l'hectare soit l'équivalent de deux terrains de football. Les déchets se concentrent dans des zones de faible turbulence, au large, dans des canyons très profonds, où la dégradation est d'autant plus lente qu'il y a peu d'oxygène et de lumière, note François Galgani.
Concernant les déchets flottants, il n'existe que très peu d'évaluations. Les déchets flottants dans le golfe du Lion, zone la plus touchée, sont estimés à 5,5 millions, avec de plus fortes densités à proximité des grandes métropoles. Pour l'ensemble de la Méditerranée, il s'agit de près de 750 millions de détritus qui circuleraient au gré des courants et des vents. Si la dénomination d'îles de déchets semble excessive, il n'est pas rare de retrouver au large des océans, des étendues de déchets sur 30 à 40 mètres, d'une épaisseur de 3 à 4 mètres.
Une origine diffuse
Les plastiques constituent l'essentiel des macro déchets, de 60 à 95 % selon les sites. Produits en grande quantité, les déchets plastiques sont légers et très mobiles : vents et courants les déplacent constamment. La durée de vie de ces déchets est longue et relativise beaucoup le pouvoir de dégradation attribué à la mer.
La localisation de zones d'abondance, a permis aux chercheurs de l'Ifremer de montrer que les fleuves (à leur embouchure) et les agglomérations urbaines situées sur le littoral, les zones touristiques ainsi que les navires (navires de commerce et navires de pêche essentiellement) sont responsables de la plupart des apports pour les côtes françaises. Contrairement aux idées reçues, ces déchets proviennent essentiellement de terre et sont drainés, via les bassins versants, vers la mer. Les déchets collectés en mer et sur le littoral sont de provenances diverses : abandons sur le littoral, rejets dans les ports, décharges, activités domestiques, agricoles et industrielles, trafic maritime, résidus de matériel de pêche…
Les moyens de lutte
Si une convention internationale (MARPOL), initiée par l'Organisation maritime internationale (OMI), vise à réduire la pollution par les ordures des navires, en exigeant que les pays signataires acceptent de recevoir les déchets de tous les navires qui font escale dans leurs ports, l'origine diffuse des macro déchets rend la résolution de ce problème complexe.
Une autre initiative, visant à interdire la distribution de sacs plastique à l'horizon 2010, devrait permettre de réduire à la source cette pollution. Le bilan pour l'environnement de cette mesure est favorable. Petit à petit, les apports diminuent, constate François Galgani.
Le Grenelle de la Mer se penche également sur la question des déchets. Un groupe de travail, piloté par l'association Robin des bois et réunissant l'ensemble des parties prenantes, planche depuis décembre sur la problématique des macro déchets. L'objectif du groupe est la réduction de la pollution à la source, explique Jacky Bonnemains, membre de l'association. Sur chacune des sources, nous allons proposer des recommandations. Les travaux complets du groupe de travail seront restitués le 7 mai prochain.
Quid de la réparation de cette pollution ? Si techniquement le nettoyage des fonds est possible, cela coûte très cher. Concernant le littoral, des modes de nettoyage existent aujourd'hui mais ils sont souvent mécaniques, ce qui pose problème. Cela détruit un habitat, la laisse de mer1, et un milieu qui enrichit les dunes et freine l'érosion. L'impact du nettoyage mécanique est souvent négatif, analyse Jacky Bonnemains.