Le constat est sans appel : pour l'instant, peu de signes montrent que l'Union européenne (UE) avance véritablement vers une économie circulaire, estime la Cour des comptes européenne. Les deux plans d'action de l'UE « [n'ont pas] eu une véritable incidence sur les activités relatives à l'économie circulaire dans les États membres », constate-t-elle dans un rapport spécial (1) rendu ce lundi 3 juillet. Intitulé « Économie circulaire : une transition lente dans les États membres malgré l'action de l'Union européenne », le document explique que l'UE ne devrait pas atteindre son objectif de doublement de la circularité lors de la décennie actuelle. Pour redresser la barre, la Cour recommande à la Commission de mettre l'accent sur la durabilité des produits, plutôt que sur la gestion de leur fin de vie.
Le taux de circularité
Depuis 2015, l 'UE a mis en œuvre deux plans d'action en faveur de l'économie circulaire et y a consacré un soutien de 10 milliards d'euros. Le premier plan de 2015 comportait 54 actions spécifiques, le second de 2020 en a ajouté 35 supplémentaires.
Les États membres ont bien mis en place des mesures en faveur de l'économie circulaire, mais « l'objectif ambitieux de l'Union, à savoir doubler le taux de circularité [qui mesure la part des matières recyclées et réintroduite dans l'économie] d'ici à 2030 semble très difficile à réaliser ». La Cour constate surtout que le principal bénéfice des plans d'action européens a été la réalisation de stratégies nationales par la quasi-totalité des États membres. Et « tous les décideurs politiques [interrogés par la Cour] ont reconnu que les plans d'action européens 1 et 2 ont eu une incidence sur leurs stratégies et sur les actions sous-jacentes ». Pour autant, les résultats concrets se font attendre.
Des fonds mal employés et des indicateurs inadaptés
Pourquoi ce sur-place ? Le rapport regrette que « la Commission et les États membres n'ont pas orienté efficacement les [10 milliards d'euros consacrés à l'économie circulaire entre 2014 et 2020] vers des investissements centrés sur la conception circulaire des produits et des processus de production ». Après avoir passé au crible ces financements, la Cour constate qu'ils « ont en grande partie été utilisés dans le domaine de la gestion des déchets, dont le potentiel en matière de réduction de l'incidence sur l'environnement est moindre ». La programmation pour 2021-2027 met davantage l'accent sur l'économie circulaire, mais « les États membres peuvent toujours choisir de consacrer une grande part des financements de l'UE à la gestion des déchets plutôt qu'à leur prévention grâce à une conception circulaire ».
La Cour critique aussi les indicateurs retenus par Bruxelles. L'Union européenne mesure depuis 2018 l'évolution de l'économie circulaire par le biais de dix indicateurs regroupés dans quatre domaines : la production et la consommation ; la gestion des déchets ; les matières premières secondaires ; et la compétitivité et l'innovation. La plupart des acteurs interrogés « étaient d'avis que le cadre portait principalement sur les déchets et dépeint une économie linéaire plutôt que circulaire ». En l'occurrence, aucun indicateur ne concerne la conception circulaire des produits, constate et regrette la Cour.
Le symbole de l'obsolescence programmée
L'obsolescence programmée illustre les difficultés rencontrées par l'Europe. La Commission a cherché à évaluer la possibilité de mettre en place un programme d'essais indépendants en vue de détecter l'obsolescence programmée et de lutter contre. Mais elle y a renoncé en 2017 : elle a jugé impossible de mesurer l'obsolescence programmée et a rabattu ses travaux sur l'obsolescence « prématurée » de quatre groupes de produits (lave-linge, lave-vaisselle, téléviseurs intelligents et téléphones mobiles).
Pou remédier à toutes ces difficultés, la Cour formule deux recommandations. La Commission devrait d'abord améliorer son suivi de la transition des États membres vers une économie circulaire. Il s'agit ici d'évaluer les progrès sur la base des avancées en matière de conception circulaire des produits. Bruxelles devrait aussi analyser les raisons de la faible utilisation des financements accordés par l'UE en faveur de la conception circulaire et examiner les possibilités de renforcer les mesures d'incitation.