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REP emballages et papiers : la fusion des deux filières inquiète

Qui financera l'avantage accordée à la presse ? Citeo, les papetiers et le secteur de l'emballage s'interrogent. Le compromis trouvé au Parlement soulève de nombreuses questions. D'autant que, désormais, l'État dispose de plus de marges de manœuvre.

Décryptage  |  Déchets  |    |  P. Collet
REP emballages et papiers : la fusion des deux filières inquiète

Les parlementaires ont mis le feu aux poudres. En décidant de maintenir le secteur de la presse dans la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) de papiers, tout en créant un nouveau dispositif de réduction de sa contribution financière, les députés et sénateurs imposent une mutualisation des coûts de gestion des déchets. Les quelque 20 millions d'euros (M€) d'écomodulation accordés à la presse papier devront être financés par d'autres metteurs en marché de la filière REP qui, désormais, réunit emballages ménagers et papiers.

Le sujet de l'exonération de contribution financière accordée à la presse était sur la table depuis la fin de l'année dernière, puisque la loi Agec y mettait fin en janvier 2023. Il s'agissait là de se conformer au droit européen, qui prévoit explicitement que les producteurs versent des contributions financières aux éco-organismes. Mais la solution, retenue en commission mixte paritaire (CMP) et adoptée à l'Assemblée, le 11 avril, et au sénat, le 13, place la plupart des acteurs dans l'embarras. Elle transfère le problème à Citeo, l'éco-organisme agréé pour les papiers, et fait peser un risque financier sur l'industrie papetière, voire sur les metteurs en marché d'emballages qui pourraient eux aussi être mis à contribution. Seules les collectivités y trouvent leur compte.

L'écomodulation change la donne

Jusqu'à maintenant, la situation était simple. La presse bénéficiait d'un régime dérogatoire qui lui permettait de payer en nature (sous forme d'encarts publicitaires gratuits) son écocontribution à la REP papiers. Parallèlement, la collecte de ce gisement n'était pas soutenue par Citeo. Un « taux d'acquittement » prenait en compte l'absence de contribution financière de la presse et modulait d'autant le soutien versé aux collectivités. En clair : la collecte des vieux journaux et magazines restait à la charge des collectivités territoriales. La facture annuelle pèse aujourd'hui de l'ordre de 20 M€ et représente environ 20 % des tonnages.

Le dispositif devait prendre fin en janvier et les représentants de la presse sont montés au créneau pour obtenir un nouveau régime dérogatoire. L'idée initiale, défendue par les députés de la majorité présidentielle, consistait à sortir, purement et simplement, la presse de la REP. Finalement, à l'issue de la navette parlementaire, les élus ont choisi un système différent. Dans l'esprit, le principe du paiement en nature est maintenu. Mais il prend la forme d'une écomodulation. Ce détail change tout, puisque la contribution financière est considérée comme payée, même si une prime la réduit, voire l'annule. Cela a deux conséquences : Citeo doit maintenant financer la collecte des journaux et magazines et il doit trouver des contributeurs qui compenseront l'écomodulation accordée à la presse.

Le tout, sur fond d'une fusion des filières REP emballages et papiers que personne ne réclamait. L'industrie papetière y était même ouvertement hostile, craignant de ne pouvoir faire entendre sa voix dans une filière géante centrée sur l'emballage.

« Un faux compromis injuste »

Bien sûr, du côté des collectivités, la satisfaction est de mise. La fin du régime dérogatoire de la presse en 2023, prévue par la loi Agec, constituait une avancée importante puisque, « depuis vingt ans, les collectivités prennent à leur charge la collecte des journaux », rappelle Bertrand Bohain. Le délégué général du Cercle national du recyclage (CNR) ajoute que la solution proposée par le Parlement « reste satisfaisante car ce n'est plus aux collectivités de payer ». Même jugement de la part de Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce, qui considère que « deux points fondamentaux sont préservés : la presse reste dans la REP et les collectivités ne supportent plus le coût de son régime dérogatoire ».

“ Ce n'est pas aux autres metteurs en marché de payer à la place de la presse ” Jan Le Moux, Copacel

Mais les satisfecits s'arrêtent là. La solution retenue en CMP déplaît à Citeo, qui la juge déséquilibrée. « Le législateur peut décider d'exonérer un acteur, mais il ne peut pas imposer à d'autres de compenser le manque à gagner », estime Jean Hornain, son directeur général. Qui compensera ? Les regards se tournent spontanément vers les autres metteurs en marché de papiers. Et, là aussi, les critiques fusent. « Le Parlement aurait dû se saisir pleinement du sujet : soit il estime que la presse ne peut pas assumer la REP et il décide de l'en sortir ; soit il considère qu'elle doit y participer mais, dans ce cas, ce n'est pas aux autres metteurs en marché de payer à sa place », résume Jan Le Moux. Et le directeur économie circulaire de la Copacel, représentant les papetiers, de regretter « un faux compromis injuste ».

La tentation de la dilution

Fusion des filières oblige, le sujet devrait aussi concerner les emballages. Il pourrait être tentant de « diluer » l'avantage accordé à la presse dans la nouvelle filière, qui devrait verser en 2023 de l'ordre de 950 millions d'euros. C'est même ce que prévoit implicitement le texte puisqu'il fait référence aux metteurs en marché de la filière fusionnée (et ne distingue plus emballages et papiers). De plus, les encarts publicitaires donnant droit à l'écomodulation de la presse devront concerner la prévention et la gestion des déchets, en particulier le geste de tri, qui n'est pas propre aux papiers.

Le sujet a d'ailleurs été explicitement évoqué lors des débats parlementaires par le sénateur Didier Mandelli (Les Républicains, Vendée) et le député Pierre Vatin (Les Républicains, Oise). D'autant que l'emballage est le poids lourd de la nouvelle filière REP : il représente près de 90 % de l'ensemble et il croît, alors que les ventes de papiers reculent. Les acteurs de l'emballage sollicités par Actu-Environnement n'ont pas souhaité répondre. Le sujet ne les concerne pas, expliquent-ils en substance.

Dans l'absolu, le raisonnement du secteur de l'emballage est valable. Le principe de la REP étant qu'un metteur en marché finance la fin de vie de ses produits, pas de ceux d'autres acteurs. La législation est claire sur ce point. Mais « il peut y avoir un effet de dilution, si l'on considère que les 20 M€ accordés à la presse seront supportés par l'ensemble de la nouvelle filière REP », concède un spécialiste. Surtout qu'il a toujours été délicat de faire la part entre les coûts liés aux déchets d'emballages en papier et ceux liés aux papiers graphiques : ils sont traités dans les mêmes centres de tri et recyclés ensemble. « Que les metteurs en marché organisent leur défense pour payer leur dû, sans plus », lance notre spécialiste.

Les papetiers en difficulté

« Citeo est maître du jeu », résume Bertrand Bohain, le représentant du CNR. Mais pour l'éco-organisme, la situation n'est pas si simple. Outre le fait qu'il aura à fixer le niveau des écocontributions de chaque produit de la filière, il craint que la solution trouvée pour la presse ne crée un précédent. D'autres metteurs en marché en difficulté pourraient être tentés de réclamer des écomodulations sur mesure pour alléger leur facture.

« On a beaucoup de secteurs en difficulté, à commencer par les producteurs de papiers », constate Jean Hornain. Un point que confirme Jan Le Moux. « Les papiers graphiques ne sont pas en bonne situation », explique le représentant de Copacel, précisant que « les écocontributions renchérissent déjà de plus de 10 % le coût du papier ». L'écocontribution est de 60 à 70 euros la tonne (€/t) pour un prix de vente en sortie de papeterie de l'ordre de 600 €/t, hors périodes de perturbations économiques, précise-t-il.

Ce niveau de contribution est le plus important de toutes les filières REP, fait valoir la profession. Et pourtant, le compte n'y est pas, selon les collectivités territoriales. Ce que personne ne conteste. C'est là qu'intervient une autre modification validée en CMP : le renvoi à un décret du taux de couverture des coûts de gestion des déchets par la filière REP. Jusqu'à présent, ces taux sont fixés dans la loi, au niveau minimum permis par la législation européenne : 80 % pour les emballages et 50 % pour les papiers. Demain, un simple décret pourrait les relever.

Quelle enveloppe de soutien pour 2023 ?

« Le taux de couverture des coûts est un principe très structurant », rappelle Jean Hornain, regrettant que « cette modification [ait] été décidée sans échange et très rapidement ». En effet, la mesure n'est apparue qu'au tout dernier moment, lors de la réunion de la CMP (réunion qui n'a duré que trente minutes). Pour le directeur général de Citeo, comme pour le représentant de la Copacel, cette modification ajoute de l'instabilité réglementaire. Mais pour Bertrand Bohain, c'est plutôt un retour à une situation normale. Le délégué général du CNR fait valoir que pour les autres filières REP, le montant de l'enveloppe globale censée couvrir les coûts est du ressort de la réglementation, qui fixe les objectifs à atteindre.

En l'occurrence, « le renvoi à un décret est plutôt un risque financier pour les metteurs en marché, car le taux de couverture ne peut qu'être revu à la hausse », estime le représentant du CNR, qui juge que la REP papiers « n'est plus protégée » par la loi. Plusieurs observateurs font remarquer que cette modification permet aux pouvoirs publics de fixer plus librement les soutiens que devra verser Citeo aux collectivités, comme c'est déjà le cas des autres filières REP. Et cette liberté lui assure de piloter la filière au gré des priorités politiques du moment.

Déjà, les acteurs attendent avec intérêt le niveau de soutien des papiers pour l'année en cours. Selon les chiffres consultés par Actu-Environnement, en juillet 2022, les pouvoirs publics évaluaient à 213 millions d'euros le coût net optimisé de la collecte des papiers (depuis, ce chiffre a été revu à la hausse). L'enveloppe devrait donc avoisiner 110 millions d'euros, avec un taux de couverture à 50 %.

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