Citeo prépare l'arrivée sur le marché du polyéthylène furanoate (PEF), une nouvelle résine plastique qui pourrait venir compléter l'usage du polyéthylène téréphtalate (PET) pour les emballages alimentaires. Les promoteurs du PEF mettent en avant le caractère biosourcé du PEF, mais des craintes existent sur sa recyclabilité. Elle pourrait, au moins dans un premier temps, perturber les efforts réalisés pour trier et recycler les plastiques. Citeo prévient : à terme, si le PEF se développe vraiment, il faudra créer un flux spécifique pour éviter de reproduire les problèmes rencontrés avec le PET opaque. Tel est le message passé par l'éco-organisme à l'occasion d'une présentation organisée par Citeo Prospective, son programe en charge du développement de l'éco-conception et de la recyclabilité des emballages et des papiers
50.000 tonnes en 2024
Pour l'instant, le PEF est encore méconnu. La principale différence avec le PET est son origine biosourcée à partir de fructose et d'amidon de maïs. Ses promoteurs comptent sur cet aspect et soulignent qu'il pourrait apporter de nouveaux revenus aux agriculteurs, tout en permettant la co-production de protéines végétales. Bien sûr, la mobilisation de surfaces agricoles pour la production de plastique pose question. Celle-ci est de l'ordre de 30.000 hectares de culture, soit 0,1% de la surface agricole utile française, pour une production de 50.000 tonnes de PEF. Si la demande en PEF devait se développer, le recours au fructose de seconde génération produit à partir de bois ou de déchets agricoles serait étudié, indique Peter Magnus, de la société Synvina (1) qui prévoit de commercialiser le PEF. Quoi qu'il en soit, "il faudra réaliser une ACV le moment venu", estime Carlos de Los Llanos, directeur scientifique de Citeo.
La réussite du PEF est encore hypothétique. La résine a été développée en laboratoire à partir de 2008 et a fait l'objet d'essais de production à l'échelle industrielle en 2011. La prochaine étape est l'ouverture d'une unité de production de 50.000 tonnes par an à l'horizon 2024. A ce stade, elle pèsera bien peu par rapport aux millions de tonnes de PET consommées dans le monde (22 millions de tonnes en 2017). D'autant qu'environ 2 millions de tonnes de capacité de production supplémentaires sont actuellement en construction en Chine.
Propriétés barrières
Les promoteurs de la résine voient un fort potentiel dans la bonne propriété d'imperméabilité du PEF à l'oxygène, au CO2 et à la vapeur d'eau. Ces propriétés rendent possible la fabrication de bouteilles de petite contenance pour les boissons gazeuses. Aujourd'hui, les producteurs de boissons gazeuses utilisent très peu de bouteilles en plastique pour des volumes de moins de 50 cl car les récipients de petite taille ont un rapport surface / volume trop important, compte tenu de la perméabilité du PET au CO2. Les propriétés du PEF permettent de conserver une bouteille de petite taille de 18 à 23 semaines en rayon sans que la boisson ait perdu trop de gaz, alors qu'une bouteille en PET ne peut y rester que 4 à 6 semaines, ce qui est trop court. Le PEF offre ici une alternative à l'aluminium.
Ces propriétés barrières pourraient aussi intéresser d'autres industriels de l'alimentation qui utilisent des films plastiques pour leurs emballages. Le PEF tirerait ici profit de ses meilleures performances en terme de protection contre l'oxygène (2) et la vapeur d'eau (3) . Comme pour les bouteilles, il permettrait de rallonger la durée de conservation en rayon : il faut trois semaines pour que 5 ppm d'oxygène pénètre dans un emballage en PET contre 26 semaines avec un emballage en PEF. Ici, les promoteurs mettent en avant la réduction du recours aux films plastiques multicouches qui perturbent le recyclage des plastiques.
Préparer la fin de vie des emballages en PEF
Pour autant, le PEF pose lui aussi des problèmes de recyclage. Sa composition est proche du PET (4) , mais une analyse des possibilités de tri et de recyclage a montré que la présence de PEF dans les lots de PET pose problème au delà de 2%. Bonne nouvelle toutefois : les machines de tri optique par infrarouge sont capables de distinguer la nouvelle résine puisqu'elle n'a pas la même signature que le PET. Mais cela implique que les futurs emballages en PEF aient des formes et des tailles compatibles avec les capacités de tri des machines. Aujourd'hui, ces petits emballages légers "volent" et posent problème.
Avec une production annuelle de 50.000 tonnes, l'enjeu reste limité. Mais, échaudée par les problèmes posés par le PET opaque, la plateforme européenne des professionnels de la bouteille en PET a posé ses conditions au développement du PEF. Elle souhaite notamment que les futurs produits en PEF puissent être triés mécaniquement, que Synvina partage ses informations sur les futurs produits en PEF, et que la part de marché du PEF ne dépasse pas 2%. Face à ces craintes, Citeo se veut rassurant. "L'objectif n'est pas de mélanger le PET et le PEF", explique Carlos de Los Llanos, rappelant qu'en matière de déchets, "la dilution n'est pas une solution acceptable".
Synvina n'avance pas de scénario clair pour la fin de vie de son matériau. L'entreprise évoque différentes pistes, allant du recyclage sous forme de "rPEF" ou en mélange avec du PET, à la valorisation énergétique. Les différentes options seront étudiées progressivement pour accompagner l'arrivée de la résine sur le marché. Pour l'instant, elle met en avant la différence de signature infrarouge qui classe le PEF comme résine "non reconnue" et l'envoi en refus de tri…