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Le repowering, ou comment offrir une nouvelle vie aux parcs éoliens

Sortis de terre au début du siècle, les premiers parcs éoliens français arrivent en fin de vie. Ou plutôt à la fin de leur première vie. Nombre d'entre eux entament ou vont entamer une nouvelle existence, rimant avec meilleures performances.

TECHNIQUE  |  Energie  |    |  C. Lairy
Le repowering, ou comment offrir une nouvelle vie aux parcs éoliens

Cham Longe en Ardèche (40 MW), Souleilla-Corbières dans l'Aude (24 MW), Bougainville dans la Somme (18 MW), mont de Bézard dans la Marne et l'Aube (25,2 MW)… Les opérations de repowering (1) se multiplient dans l'Hexagone à mesure que les parcs arrivent en fin de tarifs d'achat (quinze ans), c'est-à-dire au terme du contrat garantissant une obligation d'achat aux exploitants. Un recensement non exhaustif de ces opérations montre qu'elles ont conduit à l'installation d'a minima 50 MW de capacités nouvelles en France métropolitaine (plus de 200 MW installés, vs au moins 150 MW démantelés).

« D'ici à 2030, calcule Adrien Appéré, directeur du développement chez le développeur VSB, près de 10 GW de projets en France sortiront de contrats d'achat et seront éligibles au repowering. Au moment où l'installation sort des tarifs, la question se pose de savoir s'il est intéressant de la renouveler : non pas parce qu'elle serait trop vétuste pour continuer à produire, mais plutôt parce que le saut technologique est tellement important que sans augmenter la hauteur des éoliennes, on peut, grâce au renouvellement, doubler voire tripler la puissance du parc, à nombre constant de mâts. »

En deux décennies, on a effectivement assisté à un véritable « bond technologique », confirme Élisa Dietrich-Sainsaulieu, responsable du pôle construction chez Engie Green France, qui rassemble toutes les activités de réalisation, construction et passation des actifs aux exploitants du groupe.

Des évolutions technologiques

Les turbiniers, ces « ensembliers de l'éolien », ont réalisé en vingt ans, particulièrement entre 2010 et 2015, d'importants progrès dans l'aérodynamisme des pales. « Hier, les pales étaient plutôt raides et droites ; aujourd'hui, elles forment presque une vague. C'est très visible lorsqu'elles sont posées sur le sol, détaille l'ingénieure. C'est ce nouveau profilage, ainsi que l'augmentation de la taille des pales, qui permet de capter un maximum de l'énergie du vent. »

Grâce à ces évolutions sur la forme et la taille des pales mais aussi grâce aux progrès réalisés sur les génératrices, la puissance moyenne d'une éolienne est passée de moins de 1 MW au début des années 2000 à environ 4 MW aujourd'hui, avec des pointes à plus de 5 MW. Selon Engie Green, « ces dix dernières années, les éoliennes ont grandi de 17 % en taille, mais ont augmenté leur capacité de production de 200 % ». Quant au taux de charge (2) , qui stagnait il y a quelques années entre 20 et 25 %, « il dépasse aujourd'hui 30 % dans les régions les plus ventées », avance Adrien Appéré.

Au-delà du gain évident de performance, le renouvellement réduit aussi les coûts d'exploitation et de maintenance. De leur côté, les collectivités qui accueillent les parcs continuent à bénéficier des revenus liés à ces installations (loyers, impôts (3) , économies sur les factures d'électricité, etc.). Quant à la question de l'acceptation par les riverains, elle se pose avec moins d'acuité que lors du projet initial d'installation, le parc faisant déjà partie du paysage et pouvant profiter des infrastructures existantes : voies d'accès, raccordement électrique externe au parc, etc.

Pour autant, certains freins entravent le développement du repowering : le raccordement électrique justement… Celui en place supportera-t-il un doublement ou un triplement de la capacité du parc ? Sans doute pas ! Ce qui signifie qu'il faudra demander à Enedis, le gestionnaire du réseau, d'effectuer des travaux qui rallongeront la durée du projet.

Autre écueil technique : l'apparition de nouvelles contraintes autour des parcs depuis le moment où ils ont été construits. Cela arrive avec l'armée qui, avec ses couloirs aériens ou ses zones d'entraînement, peut bloquer certains projets.

Enfin, le contexte économique n'est pas toujours porteur : c'est le cas désormais avec des prix de l'électricité très élevés, qui n'encouragent pas les exploitants à mettre leurs éoliennes à l'arrêt pendant plusieurs mois pour effectuer des travaux.

Modification substantielle ?

Quand ils ne bloquent pas purement et simplement un projet de renouvellement, ces facteurs influent sur son dimensionnement. Se posent ainsi les questions des contours exacts de l'opération : remplacera-t-on les éoliennes à l'identique, au même emplacement ou en ajoutera-t-on de nouvelles ? Ou encore remplacera-t-on, au même endroit, des éoliennes par des modèles de même hauteur, mais avec des pales plus longues ou bien avec des mâts plus hauts ?

Un chantier emblématique en Allemagne

Considéré comme l'un des plus grands projets de renouvellement en
Europe, le projet Elster Repowering consiste à remplacer 50 éoliennes obsolètes par 16 beaucoup plus puissantes. Grâce à cette opération, le groupe VSB promet un rendement multiplié par six, sur une surface réduite d'un tiers. Avec une capacité portée à 105,6 MW, le parc de Elster produira alors environ 235 GWh par an, de quoi alimenter en énergie 67 000 foyers de trois personnes. Construit entre 2000 et 2012 par VSB en Saxe, dans l'est de l'Allemagne, le parc se composait de 57 éoliennes, d'une capacité de 30 MW. Dans le cadre de l'opération de renouvellement en cours, qui a nécessité plusieurs années
d'instruction, il a été prévu de démanteler les 50 plus anciennes et de conserver les 7 plus récentes. Au terme d'une première phase de travaux, qui aura duré plus d'un an et demi, cette opération s'est achevée pendant l'été. « Depuis début juillet,confirme-t-on chez VSB, les 50 anciennes turbines Enercon E-40 et leurs fondations sont complètement démantelées. » La seconde phase, qui s'apparente à un chantier de construction plus classique, s'est amorcée avec les travaux préparatoires pour la réalisation des nouvelles fondations, qui accueilleront les nouvelles éoliennes – des modèles Siemens Gamesa SG 6.6-155. Ces travaux incluent l'excavation des fosses, la pose de tuyaux, la réalisation des zones de stockage et de stationnement des grues,
ainsi que des voies d'accès. Puis les premiers segments de mât en béton seront érigés à l'automne, suivis des segments en acier. Les premières éoliennes devraient ainsi être installées au premier trimestre 2024, pour une mise en service opérationnelle du parc avant la fin de l'année.
Selon l'option retenue, l'instruction sera plus ou moins longue, les services de la préfecture devant apprécier le caractère « substantiel » des modifications apportées. En effet, la réglementation prévoit que dans le cas d'une « modification substantielle » des installations relevant de l'autorisation environnementale (ce qui inclut les parcs éoliens), une nouvelle autorisation doit être délivrée.

En cas de renouvellement à l'identique (même emplacement, même hauteur, même diamètre de rotor), « l'industriel n'a pas besoin d'une nouvelle autorisation environnementale, explique Élisa Dietrich-Sainsaulieu, d'Engie Green. Le législateur considère qu'il s'agit, à très gros traits, d'une "rénovation" ou d'une "maintenance", pour laquelle il délivre une prolongation de l'autorisation ». À l'autre extrémité, « si l'on étudie un renouvellement avec des éoliennes ou des turbines beaucoup plus grandes, placées à des endroits différents des premières et formant un motif paysager très différent du motif initial, etc., on rebascule sur une autorisation environnementale complète, avec un volet supplémentaire portant sur la gestion du démantèlement », ajoute-t-elle.

Quelle que soit l'option retenue, une fois le dossier instruit et les autorisations obtenues, il faut gérer d'une part la phase de démontage (dépose des pales, de la nacelle et du mât, destruction des fondations, etc.), et d'autre part la phase d'organisation d'un nouveau chantier (construction d'un nouveau parc). « L'objectif, détaille Élisa Dietrich-Sainsaulieu, est d'optimiser les temps d'immobilisation des grues et du personnel, en évitant toutefois les coactivités sur des métiers et des phasages complètement différents. Les livraison, montage et levage sont les étapes les plus critiques et les plus dangereuses d'un chantier. Il faut installer des zones de protection, ne pas positionner deux grues l'une à côté de l'autre… en bref, appliquer des règles partagées par tous les professionnels du BTP. »

Des millions de tonnes de déchets

La phase du démontage est génératrice d'importantes quantités de déchets, notamment le retrait des fondations, en béton armé. Néanmoins, « les fondations, ça n'est pas vraiment un problème, note Adrien Appéré. On sait extraire l'acier du béton (…), que l'on concasse avant de le réutiliser » dans le BTP, en fonds de chaussée par exemple. Quant à l'acier, il part chez les ferrailleurs, avec celui du mât et de la nacelle. Cette dernière contient beaucoup d'appareils électriques qui, à l'instar des câblages courant dans le mât, disposent de filières bien établies, valorisant notamment l'aluminium et le cuivre.

Un marché de seconde main est aussi en train de se mettre en place pour ces appareils électriques, au profit de parcs vieillissants mais pas nécessairement renouvelés, équipés de modèles d'éoliennes dont la construction a cessé. La seconde main se développe également pour les pales en bon état. « En cas de blocage par une contrainte aéronautique par exemple, et de souci technique sur une pale, on peut en récupérer une sur un parc démantelé. Ces solutions s'organisent en France entre développeurs au sein de la filière », explique Adrien Appéré.

Les pales en moins bon état, qui ne peuvent être réutilisées à l'identique ou en pièces détachées, constituent le sujet le peu plus épineux du démantèlement. Fabriquées il y a vingt ans dans le même matériau composite que les coques de bateau (mélange de fibres de verre, de fibres de carbone et de résine polymère), elles sont valorisées sous forme d'énergie, ou dans des usages plus anecdotiques, par exemple pour fabriquer du mobilier urbain. Les nouveaux modèles sont conçus avec des résines plus compatibles avec les exigences actuelles de recyclabilité. « Aujourd'hui, explique Élisa Dietrich-Sainsaulieu, la recyclabilité fait partie des données d'entrée pour les turbiniers : s'ils veulent vendre en France, ils doivent travailler sur tous les matériaux qu'ils utilisent (…) et se placer dans un cadre où la réglementation impose un taux de recyclabilité à 98 %, ce qui n'était pas le cas il y a vingt-cinq ans. »

1. À ne pas confondre avec le revamping, qui renvoie au remplacement de certaines pièces, ou d'une seule éolienne au sein d'un parc, le repowering consiste à renouveler intégralement un parc existant.2. Le taux de charge global se définit comme le rapport entre le nombre d'heures de fonctionnement à puissance nominale de l'éolienne et le nombre d'heures d'une année (8 760). Si une éolienne de 2 MW a produit 2,5 GWh d'électricité en une année, c'est comme si elle avait tourné à sa puissance nominale pendant 1 250 heures (2 500/2).
Son taux de charge ressort donc à un peu plus de 14 % (1 250/8 760 x 100)
(source : ECO infos énergies renouvelables).
3. L'Ifer (imposition forfaitaire des entreprises de réseaux) représente
le montant le plus important versé par une société de projet éolien.
En 2023, l'Ademe évoque la somme de 8 160 euros par mégawatt installé,
répartis entre le bloc communal et le Département.

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