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Sûreté nucléaire : l'Assemblée nationale rejette le démantèlement de l'IRSN

Les plans du Gouvernement ne se sont pas déroulés comme prévu. Une majorité de députés a repoussé le projet de transférer les compétences de l'IRSN à l'ASN et affirmé la nécessité d'une organisation duale de la sûreté nucléaire.

Risques  |    |  L. Radisson
Sûreté nucléaire : l'Assemblée nationale rejette le démantèlement de l'IRSN

« Qu'on soit pour (c'est mon cas) ou contre l'énergie nucléaire, nous refusons la remise en cause de notre système de sûreté ! Le Gouvernement a été battu. Il doit respecter ce vote. » C'est ainsi qu'a réagi le député Benjamin Saint-Huile (Liot) après l'adoption, mercredi 15 mars au soir, de son amendement (1) au projet de loi sur l'accélération du nucléaire que l'Assemblée nationale examinait en première lecture. Un amendement qui remet en cause le projet du Gouvernement de fusionner l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avec l'Agence de sûreté nucléaire (ASN).

Ce projet avait été dévoilé par le Gouvernement via un communiqué de presse publié le 8 février 2023. La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, avait annoncé la réunion des compétences techniques de l'établissement public avec celles de l'autorité administrative indépendante chargée du contrôle des installations nucléaires. Une décision vraisemblablement prise par Emmanuel Macron en personne et actée lors du Conseil de politique nucléaire du 3 février réuni en vue de piloter étroitement la relance de la filière nucléaire annoncée lors du discours de Belfort, en février 2022.

Ce projet avait soulevé une volée de critiques. Ainsi, l'ancien président de l'Opecst, Claude Birraux, avait dénoncé « un recul de quarante ans », estimant que la séparation des fonctions d'expertise, de recherche et de régulation administrative avait permis de conquérir la nécessaire confiance du public pour le développement de cette filière. L'ancienne ministre de l'Environnement Corinne Lepage (2) avait, pour sa part, dénoncé le caractère dangereux de cette proposition et pointé les difficultés juridiques qu'elle présentait. « Cette nouvelle organisation pose des questions de conformité au droit communautaire, de risque de conflit d'intérêts et de non-respect du principe de non-régression en matière environnementale », pointait l'avocate.

Projet remis en cause

Mais les nombreuses critiques, venant tant des partisans de l'atome que de ses opposants, n'avaient pas empêché le Gouvernement de mettre en œuvre son projet en déposant un amendement (3) au projet de loi sur l'accélération du nucléaire lors de l'examen du texte en commission à l'Assemblée. Adopté le 6 mars dernier, il prévoyait l'élargissement des compétences de l'ASN à l'expertise et à la recherche dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, ainsi qu'aux actions de sécurité civile en cas d'accident radiologique. Il organisait toutefois une séparation du processus d'expertise, d'une part, et des avis et décisions délibérés par le collège de l'ASN, d'autre part. Le texte prévoyait enfin la remise au Parlement par le Gouvernement d'un rapport évaluant l'impact de la réforme dans un délai de six mois.

“ On nous demande de voter, sans aucune étude d'impact, une mesure qui peut avoir des conséquences sur la sûreté nucléaire de notre pays ” Barbara Pompili, députée Renaissance

De nombreux amendements de suppression de cet article ont été déposés en vue de la discussion en séance publique. Lors de celle-ci, mercredi 15 mars au soir, ils ont été repoussés à une très courte majorité. « Pourquoi procède-t-on aujourd'hui à cette réforme ?, avait expliqué la rapporteure Maude Bregeon (Renaissance), ex-ingénieur nucléaire chez EDF. Parce que la filière nucléaire est à une croisée des chemins. D'un côté, la prolongation du parc existant va exiger des études et des investissements très importants. De l'autre, nous allons renouveler le parc historique en construisant – c'est ce que nous souhaitons – six plus huit EPR2. Cela justifie que nous nous posions la question de l'organisation de la sûreté et de celle de l'exploitation en France. C'est précisément ce que nous faisons. »

Mais, coup de théâtre, l'Assemblée nationale a adopté dans la foulée l'amendement du député Benjamin Saint-Huile et de ses collègues du groupe Liot, contre l'avis du Gouvernement et de la rapporteure, remettant ainsi en cause le projet de l'exécutif. Le texte adopté affirme l'organisation duale de la sûreté nucléaire reposant sur l'ASN et sur l'IRSN. « Cette organisation garantit l'indépendance entre, d'une part, les activités de contrôle de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et des activités nucléaires (…) et, d'autre part, les missions d'expertise et de recherche dans le domaine de la sécurité nucléaire (…). Les missions d'expertise et de recherche sont indissociables », prévoit le nouvel article.

« Efficacité du modèle actuel »

« Plusieurs exemples récents tendent à démontrer l'efficacité du modèle actuel, avaient plaidé les signataires de l'amendement : l'arrêt de Tricastin pour le renforcement de la digue, l'arrêt de Fessenheim pour des questions de ségrégation carbone, la mise à l'arrêt de Cruas pour des enjeux de séisme ; et plus globalement la mise aux normes de l'ensemble des réacteurs du parc après Fukushima. Ils démontrent que l'ASN et l'IRSN parviennent à travailler main dans la main, à renforcer la sûreté nucléaire. »

Un point de vue partagé par de nombreux députés, y compris de la majorité, puisqu'on a vu l'ancienne ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, attaquer de front la réforme et s'écharper avec l'actuelle ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. « On nous demande de voter, sans aucune étude d'impact, une mesure qui peut avoir des conséquences sur la sûreté nucléaire de notre pays ; on nous demande de voter à l'inverse des conclusions de tous les travaux parlementaires qui ont été faits sur le sujet depuis dix ans ! » s'est indignée l'auteure du rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée sur la sureté nucléaire de juillet 2018.

« Derrière cette victoire parlementaire se cache une volonté déraisonnable de relancer le nucléaire, quel qu'en soit le coût », regrette toutefois l'association Agir pour l'environnement tout en se félicitant du vote. « À l'heure où les énergies renouvelables ont le vent en poupe, la France s'enferme une nouvelle fois dans un unilatéralisme atomique qui fleure bon les Trente Glorieuses », dénonce l'association.

À l'issue de l'examen du projet de loi par l'Assemblée, prévue le 17 mars, le texte sera examiné par une commisison mixte paritaire.

1. Télécharger l'amendement adopté
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-41371-amendement-saint-huile-nucleaire-surete-irsn.pdf
2. Consulter la tribune de Corinne Lepage
https://www.actu-environnement.com/ae/news/tribune-corinne-lepage-suppression-irsn-asn-danger-41306.php4
3. Télécharger l'amendement déposé par le Gouvernement en commission
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-41371-amendement-gouvernement-fusion-irsn-asn.pdf

Réactions4 réactions à cet article

Politique de gribouille... certes l'IRSN a parfois dépassé les bornes, un rappel à l'ordre était nécessaire. Mais... quelle ineptie de vouloir restructurer à la hussarde un domaine aussi sensible au moment de prendre des décisions fondamentales de relance du secteur ! On voudrait fragiliser l'ensemble qu'on ne s'y prendrait pas autrement ! L'indépendance énergétique du pays mérite mieux que ces basses manœuvres politiciennes, il s'agit d'engagements sur le siècle ! Le pouvoir semble encore être dans le pays enchanté de l'énergie disponible et pas chère qui marche toute seule. Lamentable.

dmg | 17 mars 2023 à 09h31 Signaler un contenu inapproprié

L'article aurait pu préciser que cette forfaiture législative des macronistes s'est heurtée à l'unanimité des autres groupes politiques.....à l'exception des députés du Front National qui ont apporté, heureusement inutilement, leur soutien au gouvernement. Belle illustration de la soi-disant "écologie" de l'extrême droite, "écologie" tendance Pétain!

BIB57 | 17 mars 2023 à 12h33 Signaler un contenu inapproprié

Ce qui est inquiétant dans ce projet de fusion de l'IRSN et de l'ASN c'est, à mon sens, la frénésie du gouvernement à vouloir supprimer tout ce qui pourrait se mettre un tant soit peu sur le chemin de l'accélération irraisonnée du plan de construction de nouveaux EPR, confondant en cela vitesse et précipitation.

JMLESU | 17 mars 2023 à 14h46 Signaler un contenu inapproprié

Comme s'il n'y avait jamais eu de Fukushima....

Erikk | 21 mars 2023 à 15h57 Signaler un contenu inapproprié

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