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Terres excavées : une sortie du statut de déchet allégée pour les projets soumis à DUP

Un arrêté crée une sortie du statut de déchet simplifiée pour les terres excavées qui font l'objet de dépôts dans le périmètre des projets reconnus d'utilité publique. Ce qui n'est pas sans soulever la question du respect du principe d'égalité.

Déchets  |    |  P. Collet
Terres excavées : une sortie du statut de déchet allégée pour les projets soumis à DUP

Le 5 janvier, est paru au Journal officiel un arrêté permettant la sortie du statut de déchet (SSD) pour des terres naturelles excavées, dès lors qu'elles font l'objet de dépôts au sein d'un grand projet d'aménagement ou d'infrastructure. L'objectif est de faciliter la gestion des terres excédentaires dans le cadre des projets reconnus d'utilité publique et soumis à autorisation et évaluation environnementales. Ce texte présente une version allégée du cadre général encadrant la SSD des terres excavées au bénéfice de ces grands projets.

En amont de son adoption, le projet d'arrêté, proposé cet été par le ministère de la Transition écologique, a suscité de nombreuses critiques. « De quoi parle-t-on exactement ? » ont demandé, en chœur, de nombreux professionnels qui, pour la grande majorité, se sont opposés au texte en remettant en cause son intérêt et sa légalité. Ils ont critiqué un texte ambigu qui valide une approche proche de l'élimination pour permettre aux grands projets de gérer plus simplement leurs excédents de terre. Parmi les très rares avis favorables, figure celui de la Société du canal Seine Nord Europe, qui estime le texte « adapté à la conduite de grands projets d'infrastructure », car il permet de ne pas « renchérir de manière significative le coût des projets sans pour autant en renforcer la qualité environnementale ».

Quel statut de déchet ?

D'emblée, envisager une SSD pour des terres excavées réemployées sur le site d'excavation a soulevé l'incompréhension des acteurs, puisque ces terres ne sont pas censées prendre le statut de déchet selon la directive Déchets de 2008. Les terres naturelles non polluées sont des matériaux réutilisables sur l'emprise du site d'excavation d'origine. Et elles ne prennent pas le statut de déchet quand elles sont effectivement réemployées pour un usage qui répond à un besoin de l'aménageur, ont rappelé la plupart des acteurs qui craignaient que la publication de ce texte n'implique une remise en cause de cette règle.

« On entre dans une "ère kafkaïenne" où, par exemple, le fait de creuser un trou pour planter un arbre devra faire l'objet d'une caractérisation des terres excavées par "un tiers accrédité" avant de les remettre dans le trou », ironise Thierry Blondel, le président de l'Union des consultants et ingénieurs en environnement (UCIE), traduisant les critiques, plus diplomatiques, mais tout aussi vives, formulées à l'encontre du projet d'arrêté.

Les terres excédentaires gérées au sein du projet

Est-ce à dire que ce projet est totalement inutile ? Pas tout à fait. En réalité, l'arrêté vient aplanir, pour les projets soumis à DUP, certaines difficultés réglementaires. La première concerne la notion de « site ». Une définition en est donnée par la règlementation relative à la traçabilité des déchets qui s'impose aux terres déplacées à plus de 30 km de leur site d'excavation, ont fait remarquer la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) et des porteurs de grands projets, comme SNCF Réseau et EDF. Cette notion n'est pas forcément cohérente avec le périmètre de grands projets, qui peuvent s'étendre sur des distances plus grandes. Pour couronner le tout, le texte proposé à la consultation manquait, lui aussi, de clarté.

Le ministère a finalement modifié le titre de l'arrêté, conformément à plusieurs demandes, afin de préciser qu'il concerne bien les déblais de terres naturelles excavées « au sein », plutôt que « sur le site », d'un grand projet. Concrètement, elles peuvent être ainsi être gérées sur l'ensemble de l'emprise ayant donné lieu à l'autorisation environnementale.

Par ailleurs, le texte publié précise bien qu'il ne remet pas en cause la réglementation sur le réemploi des terres. Le ministère y a, en effet, ajouté une définition des terres excavées « excédentaires » concernées : ce sont celles « que le maître d'ouvrage n'a pas la certitude de pouvoir utiliser à des fins de construction, et relevant à ce titre [de la directive Déchets de 2008] ».

Stockage de déchets ou dépôts intégrés au paysage ?

Que deviendront ces terres inutiles ? Elles feront l'objet de « dépôts », qui devront « être intégrés dans le paysage », prévoit l'arrêté. Nouveau tôlé des parties prenantes : les grands projets pourront ainsi stocker sans finalité particulière leurs terres excédentaires, ont critiqué de nombreux experts, rappelant qu'une telle pratique est qualifiée d'élimination. Le texte ouvre donc la voie à une SSD par le biais d'une opération d'élimination, en contradiction avec la législation qui impose une valorisation. Le texte est d'autant plus ambigu qu'il concerne des terres qui devront répondre aux conditions d'admission dans les installations de stockage des déchets inertes.

“ L'arrêté prévoit une procédure moins contraignante pour les grands projets d'aménagement et d'infrastructure déclarés d'utilité publique que pour les autres projets ” Fanny Vellin, avocate associée du cabinet CLP-Cliperton
L'ajout, de l'expression terres excavées « gérées », parfois à la place de terres « utilisées », vient édulcorer cette impression d'« installation de stockage qui ne porte pas son nom », pour reprendre les termes du groupe Ortec.

Concrètement, ces dépôts devront respecter des critères de lieu (être réalisés dans le périmètre de l'autorisation environnementale), environnementaux (préserver la ressource en eau et la biodiversité), sanitaires (être compatibles avec l'usage futur du site) et de maintien de la qualité des sols.

Le respect des guides reconnus n'est pas imposé

Reste un dernier point, qui suscite une dernière volée de critique : les critères applicables à la réalisation des dépôts de terres seront encadrés par l'autorisation environnementale sur la base du dossier remis par le porteur de projet.

Ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité, a défendu Fanny Vellin, avocate associée du cabinet CLP-Cliperton. L'arrêté « prévoit une procédure moins contraignante pour les grands projets d'aménagement et d'infrastructure déclarés d'utilité publique que pour les autres projets », explique-t-elle. En effet, les critères applicables aux dépôts de terre de ces grands projets « seront fixés par la Dreal, dans l'autorisation environnementale », alors que ceux applicables aux autres projets sont encadrés par le guide de valorisation hors site des terres excavées non issues de sites et sols pollués dans des projets d'aménagement.

Plusieurs contributions ont demandé, en vain, que la nouvelle procédure se réfère, comme l'arrêté de juin 2021 qui fixe le cadre général pour la SSD des terres excavées, aux guides techniques de valorisation des terres excavées.

Sur le plan environnemental, ces guides imposent une caractérisation détaillée des terres dans certaines situations. Dans les faits, la procédure « rend quasiment impossible la mise en œuvre d'une procédure de SSD des terres excavées lorsque le site receveur contient naturellement très peu d'éléments traces métalliques ou de composés organiques persistants », explique Fanny Vellin. D'où la critique concernant un texte qui permet aux grands projets d'obtenir un encadrement « sur mesure » de leurs dépôts de terres excavées excédentaires.

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