La loi relative à Voies navigables de France (VNF) a été adoptée à l'unanimité par le Sénat le 11 janvier. S'il ne s'agit pas, selon les mots de la députée, Françoise Branget (UMP – Doubs), rapporteur du projet à l'Assemblée nationale, "d'une grande loi de relance de la voie d'eau", ce texte présente le mérite "de donner les moyens à VNF de mener à bien son action".
"Vingt ans après la création de VNF, ce projet de loi marque la volonté du gouvernement de moderniser l'organisation du service public de la voie d'eau avec pour objectif de renforcer le report modal vers le fluvial et de faire évoluer la part cumulée du fret ferroviaire et du fret fluvial de 14 % à 25 % à l'échéance 2022", ont déclaré Nathalie Kosciusko-Morizet et Thierry Mariani, ministres chargés de l'écologie et des transports.
Création d'un établissement public administratif
Le plus long réseau navigable d'Europe
En France, le domaine public fluvial regroupe près de 18.000 kilomètres de voies d'eau, dont 8.500 sont considérés comme propres à la navigation. La France dispose du plus long réseau navigable d'Europe mais demeure pourtant l'un des pays ayant le moins recours au fluvial, notamment pour le fret.
La gestion de l'essentiel du réseau fluvial est confiée par l'Etat à VNF depuis 20 ans, mais ce dernier ne détient pas l'autorité hiérarchique sur les services mis à sa disposition. " Cette simple autorité « fonctionnelle » manque d'efficacité et suscite de nombreuses incompréhensions dans les territoires", souligne Francis Giron, sénateur (UMP – Bas-Rhin) et rapporteur du projet de loi.
La question sociale était sensible. Aussi, la ministre de l'Ecologie avait-elle indiqué, lors de la présentation du projet de loi en Conseil des ministres le 31 août dernier : "le projet de loi garantit à chaque agent le maintien de son statut ou la conservation des stipulations de son contrat. Il unifie les instances de gouvernance et de concertation au sein de l'établissement. La représentation des agents y est organisée en tenant compte de la diversité des origines des différentes catégories de personnels".
L'opposition, par la voix de la sénatrice Mireille Schurch (CRC – Allier), reconnaît qu'une "telle unification des acteurs de l'eau au sein d'une entité unique peut constituer un atout pour la voies d'eau et permettre une meilleure coordination des acteurs concernés". Ce projet est même attendu par les personnels de l'agence "puisqu'il respecte désormais le contenu du protocole d'accord signé entre l'État et les organisations syndicales au cours de l'été dernier", ajoute-t-elle.
Pour Nathalie Kosciusko-Morizet, "cette mutualisation attendue permet de renforcer le poids et le rôle de VNF, en tant que maître d'œuvre afin d'atteindre les objectifs prévus par le Grenelle de l'environnement".
Renforcement des missions de VNF
La loi donne en outre à VNF des capacités pour valoriser le domaine public fluvial qui lui est confié et procurer de nouvelles ressources à l'établissement. Cette réforme permet de préciser les missions de l'établissement "tant dans la gestion hydraulique que dans la valorisation du domaine public fluvial et la conservation du patrimoine", confirme Francis Giron dans son rapport.
Les missions de Voies navigables de France seront renforcées en matière de gestion hydraulique, avait indiqué NKM lors de la présentation du projet de loi. "Sa contribution à la réalisation des objectifs du Grenelle de l'environnement sera réaffirmée : développement du transport fluvial en complémentarité des autres modes, contribution au développement durable notamment par la reconstitution des continuités écologiques, contribution à l'aménagement du territoire et promotion du tourisme fluvial et des activités nautiques", avait-elle indiqué.
Répondant aux craintes des sénateurs d'opposition sur la question de la propriété du domaine public fluvial, Thierry Mariani indique que "VNF continuera à gérer l'ensemble des canaux qui lui seront confiés, mais sans que l'établissement public devienne propriétaire des milliers de kilomètres de rivières et de canaux que cela représente". Il ne s'agit "nullement d'une privatisation du domaine public fluvial, qui doit (…) rester ouvert à la navigation", a-t-il insisté.
De même, sur les craintes liées à la valorisation du domaine, le ministre délégué indique qu'il s'agit, là où les collectivités l'ont décidé et en conformité avec les documents d'urbanisme, de réunir les collectivités, VNF et, si nécessaire des promoteurs immobiliers publics ou privés. Les sociétés d'aménagements qui seront chargées de la mise en œuvre de ces projets "seront à capitaux majoritairement publics", tient à rassurer Thierry Mariani.
En revanche, pour certaines autres missions de valorisation, le ministre estime qu'il faut "laisser plus de souplesse s'agissant du capital des filiales". Ce qui doit être le cas, selon lui, pour la production hydroélectrique.
Lancement d'une interprofession du secteur fluvial
Il est enfin créé une interprofession dans le secteur fluvial pour pallier l'absence d'organisation représentative de l'ensemble des métiers de ce domaine d'activité (bateliers, éclusiers, intermédiaires...). "Cette disposition permettra d'aller dans le sens d'un développement coordonné de la filière fluviale française", souligne Nathalie Koscuscko-Morizet.
"C'est une bonne nouvelle pour les bateliers, les chargeurs, les loueurs de bateaux, les transporteurs, les manutentionnaires, les chantiers et les ateliers ainsi que pour les clients. Le dialogue, la coordination des acteurs et le développement du secteur s'en trouveront favorisés, et je m'en félicite", s'est également réjoui le sénateur Philippe Esnol (Soc. – Yvelines)
Cette loi ne constitue toutefois qu'une étape aux yeux de nombreux parlementaires. "Désormais, comme le réclame le sénateur Joël Labbé (Ecol. – Morbihan), c'est une grande loi fluviale qu'il nous faut !".
Comme le souligne Louis Nègre (UMP – Alpes-Maritimes), le franchissement de cette étape présente toutefois l'intérêt d'être "concomitante de la mise en œuvre entre 2010 et 2013 d'un grand programme novateur d'investissements de 840 millions d'euros, destiné en priorité à assurer la modernisation du réseau à grand gabarit". Ce programme s'ajoute à la réalisation du canal Seine-Nord Europe, dont le coût est estimé à environ 4 milliards d'euros.
De nouvelles perspectives pour le transport fluvial sont donc désormais ouvertes.