Dans deux décisions parues au JO du 1er juillet, le Ministre a en effet autorisé la construction de la future autoroute entre Castres (81) et Toulouse (31) et la mise en concession de la RN154 entre Orléans (45) et Dreux (28). Et ce, au lendemain du vote de la loi Grenelle 2 qui vise à développer un report modal vers les autoroutes ferroviaires ou les voies maritimes. Une maladresse donc même si, rappelons-le, le Grenelle, n'exclut pas le recours aux nouvelles routes et autoroutes, limitées ''au traitement des points de congestion, aux problèmes de sécurité ou à des besoins d'intérêt local'', mais aussi les lignes grandes vitesses (LGV). D'ailleurs, dans la version finale du Grenelle 2, si ces projets d'infrastructures devront ''tenir compte'' des trames vertes et bleues - prévoyant la mise en place de corridors écologiques reliant des zones protégées – elles n'auront toutefois plus à être ''compatibles'' avec ces trames, comme la version initiale le prévoyait…
Des projets autoroutiers grenello-incompatibles ?
La mise en concession autoroutière d'une 2×2 voies entre Toulouse-Castres, est présentée comme un projet visant à ''désenclaver le sud du Tarn'' et qui se veut ''cohérent avec la mise en œuvre du Grenelle''. Le Ministre a annoncé le lancement d'études nécessaires pour déterminer le tracé de l'autoroute et pour choisir le futur concessionnaire tout en soulignant qu'une approche multimodale devra être respectée. La mise en service de l'autoroute est prévue pour la fin 2015.
Mais ce projet est décrié par les écologistes à l'instar de la Fédération France Nature Environnement (FNE) qui estime qu'il ''constitue une profonde erreur d'aménagement du territoire, contraire à l'intérêt général''. Pour José Cambou, Vice-Présidente de FNE Midi-Pyrénées : ''par rapport aux divers besoins exprimés par les populations et acteurs du bassin Castres Mazamet, la réponse adéquate n'est pas celle retenue. C'est au contraire un bouquet de solutions à mettre en œuvre par un ensemble d'acteurs : Etat, Collectivités territoriales et entreprises. Chacun d'eux en fonction de son champ de compétence. Rappelons que les utilisateurs actuels de l'axe Castres Toulouse via Verfeil sont de l'ordre de 2.600 véhicules par jour ! On voit bien là que ce n'est pas un axe autoroutier Castres Toulouse qui est opportun''. Pour FNE Midi-Pyrénées, des aménagements, sur les divers axes routiers au départ du bassin castrais, ''dans un objectif de sécurité, sont à prévoir. Une amélioration de la desserte en autobus des territoires en complément de la ligne TER est nécessaire car des zones entières ne sont pas desservies par le fer entre Toulouse et Castres''.
Autre décision du ministre arrêtée le 25 juin : la mise en concession autoroutière ''en solution alternative à la mise à 2 × 2 voies progressive'' de la RN 154 (et de la section en tronc commun avec la RN 12) Nonancourt-Dreux-Chartres-Allaines.
Ces mises en concession autoroutières interviennent alors que M. Borloo avait déjà donné annoncé début juin, le doublement de l'autoroute A9 à Montpellier, déjà déclaré d'utilité publique. Le Ministre opte cette fois pour une 2x2 voies au sud sur 12 kilomètres entre Saint-Jean-de-Védas et Montpellier, rejoignant le vœu effectivement émis par de nombreux élus locaux. Selon le ministre, dans un courrier adressé aux députés héraultais, cette solution intégrant ''les enjeux du Grenelle'' ''permettra de séparer la circulation de transit de la circulation locale'', précisant aussi que ''la desserte de la future gare TGV s'effectuant par l'actuelle A9 réaménagée''.
Mais l'organisation environnementale Agir pour l'Environnement regrette que, ''le ministère de l'Ecologie se presse d'autoriser de nombreux projets grenello-incompatibles afin d'éviter toute évaluation rigoureuse'', après l'annonce de cette triple décision. ''Cet écoulement de bitume aux quatre coins du territoire est un véritable bras d'honneur à toutes celles et ceux qui ont pu croire au Grenelle de l'environnement. Entre le discours du ministre de l'écologie et l'application concrète du ministre des autoroutes, la fracture est désormais largement consommée''.
D'autant que parmi ces projets routiers et autoroutiers relancés ''en moins d'un an'', rappelle l'organisation, figurent aussi la RN137 reliant Saint-Malo à Bordeaux et le vaste projet de mise à 2x2 voies de la RCEA (Route Centre Europe Atlantique) entre Quinssaines et Montluçon. D'ailleurs, Michel Dubromel, responsable Transports de FNE, appréhende que celui de la RCEA comme pour la RN 154 ''finisse par être proposé par le gouvernement en concession pour se débarrasser du problème''.
Selon Agir pour l'environnement, ''les ambiguïtés du Grenelle laissant la porte ouverte à une relance autoroutière au nom d'un supposé ''intérêt local'' sont à cet égard largement utilisés par certains responsables locaux afin de poursuivre le bétonnage et l'artificialisation des milieux écologiques''.
Une position partagée par Michel Dubromel qui dénonce ''tous les projets autoroutiers sans justification que le gouvernement impose régulièrement''. La fédération a d'ailleurs présenté aujourd'hui un bilan de l'autoroute A 19, qui assure la liaison entre Artenay et Courtenay (Loiret), un an après sa mise en exploitation. Résultats : ''les prévisions de trafic étaient gonflées de plus de 30%. Il y aurait 6.000 véhicules par jour actuellement, au lieu des 9.000 prévus'', selon FNE en fustigeant ''le non sens économique et écologique de cette infrastructure. C'est du gaspillage des espaces naturels et de l'argent public, puisque l'Etat, le département et la région ont apporté au moins 80 millions d'euros au financement de cette concession de 65 ans''. Si d'autres projets autoroutiers ''sont actuellement en sommeil'', FNE déplore ''le manque d'investissement sur les transports alternatifs, notamment pour la modernisation du réseau ferroviaire''.