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AccueilChristian de PerthuisAvant la COP 27 : état des lieux

Avant la COP 27 : état des lieux

À la veille d’une nouvelle COP, Christian de Perthuis dresse le bilan des précédents engagements face aux derniers rapports. Négociations et débats, soumis à la pression d’une situation internationale inquiétante, promettent d’être électriques.

Publié le 03/11/2022

La 27ème conférence des Nations unies sur le climat (COP 27) démarre à Charm el-Cheikh, le 6 novembre[1]. Plusieurs rapports publiés en amont de la conférence permettent d’établir l’état des lieux que trouveront les négociateurs à l’ouverture des discussions.

Concentration atmosphérique des GES : alerte sur le méthane !

C’est l’accroissement du stock de gaz à effet de serre (GES) qui réchauffe la planète. D’où l’importance de parvenir le plus rapidement possible à la neutralité carbone (ou « neutralité climat ») pour stabiliser ce stock. L’Organisation météorologique mondiale (OMM) a publié le 26 octobre les données les plus récentes sur les stocks des trois principaux GES[2].

Concernant le CO2 et le protoxyde d’azote, les stocks mesurés en 2021 sont en hausse de respectivement 149 % et 124 %, relativement à l’ère préindustrielle. Pour le CO2, la baisse transitoire des émissions en 2020 n’a pas permis d’infléchir significativement la croissance du stock, qui est de l’ordre de 2,5 ppm/an (parties par million) en 2020 et en 2021. (Cf. Illustration 1 « Emissions par habitant en 2020 (tous gaz à effet de serre, y compris usage des terres ». Source Unep, Emissions Gap Report, 2022).

Le bulletin de l’OMM alerte à nouveau sur l’accélération de la croissance du stock de méthane. Alors que ce stock avait semblé se stabiliser au-début des années 2000, il est reparti à la hausse dans les années 2010. Les deux dernières années marquent une accélération inédite : « Les hausses enregistrées en 2020 et 2021 (15 et 18 ppb (parties par milliard), respectivement) sont les plus importantes depuis le début des relevés », indique l’OMM. (Cf. Illustration 2 « Concentration de méthane dans l’atmosphère ». Source : OMM, octobre 2022)

Cette accélération pourrait provenir d’une rétroaction climatique, les températures plus chaudes et humides accélérant la fermentation anaérobique dans les zones humides et les rizières. Si c’est le cas, le phénomène risque de se prolonger, sauf action pour réduire plus significativement les émissions. C’était l’objectif de l’initiative Global Methane Pledge[3] lancée à la COP de Glasgow. Un point à suivre à Charm el-Cheikh !

L’état des engagements : progrès très limités depuis un an !

La décision finale de la COP de Glasgow enjoignait les pays à accroître leur ambition d’ici la fin 2022. Cette injonction n’a eu qu’un effet limité, comme l’indique le rapport diffusé par le secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), faisant le point des engagements déposés au 23 septembre[4].

Depuis Glasgow, seule une poignée de pays ont réévalué leurs objectifs (Australie, Brésil, Indonésie et Corée du Sud), conduisant à une réduction supplémentaire de l’ordre de 0,5 Gt CO2 eq (tonne équivalent CO2) en 2030. Comme l’indique Simon Stiell, le nouveau secrétaire exécutif de la CCNUCC, « les pays ont fait quelques progrès cette année ».

Plus précisément, si toutes les contributions non conditionnelles, autrement dit les engagements fermes des pays, étaient réalisées, les émissions continueraient d’augmenter jusqu’en 2025, pour se stabiliser sur un plateau un peu inférieur à 55 Gt. En ajoutant les contributions conditionnelles (généralement celles de pays du Sud, demandeurs de soutiens extérieurs), les émissions seraient plafonnées jusqu’en 2025 qui serait le pic des émissions. En 2030, elles seraient retombées vers 51 Gt, soit 3 % en dessous de celles de 2019 (cf. Illustration 3 « Les contributions nationales au démarrage de la COP »Source Nations unies, FCCC/PA/CMA/2022/4).

Ces trajectoires sont nettement infléchies par rapport à celles résultant des contributions « intentionnelles », déposées au moment de l’adoption de l’Accord de Paris en 2015. Mais elles nous laissent loin de la baisse de 43 % des émissions entre 2019 et 2030, requise pour se mettre sur la voie d’un réchauffement limité à 1,5° C. Elles conduisent vers un réchauffement de l’ordre de 2,4 à 2,6° C à la fin du siècle. D’où l’appel de Simon Stiell à « renforcer les plans d’action climatique et à les mettre en œuvre au cours des huit prochaines années ».

La grande hétérogénéité des émissions et des trajectoires

La question de la mise en œuvre est de fait cruciale. La nouvelle édition du rapport Emissions gap du Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP)[5] distingue ainsi un scénario « poursuite des politiques actuelles » conduisant vers un réchauffement de l’ordre de 2,8° C, supérieur à ceux supposant la pleine application des contributions nationales déposées aux Nations unies. Implicitement, le rapport postule que ces contributions ne seront pas toutes réalisées.

Contrairement à celui de la CCNUCC, le rapport de l’UNEP détaille les trajectoires par région et par pays. Parmi les grands émetteurs, les pays développés ont désormais des engagements de baisse prononcée d’ici 2030. Ce n’est pas le cas des pays émergents, où les objectifs pour 2030 ne sont pas alignés avec la cible de neutralité affichée à long terme. (Cf. Illustration 4 « Contributions nationales et cibles de neutralité ». Source UNEP, Emissions Gap Report, 2022).

Derrière l’hétérogénéité des trajectoires, se profile celle des émissions par habitant (cf. Illustration 1). En moyenne, elles atteignent d’après le rapport 6,3 tCO2eq par habitant (y compris les émissions liées à l’usage des terres). La totalité des pays développés, ainsi que certains émergents comme la Chine, le Brésil et l’Indonésie, se situent au-dessus de la moyenne. En revanche, ces émissions sont estimées à 2,4 tCO2eq par habitant en Inde et à un peu plus de 2 tCO2eq par habitant dans l’ensemble des pays moins avancés. Les écarts sont bien plus élevés entre le 1 % des ménages les plus riches (110 tCO2eq par habitant en intégrant les émissions liées à leur patrimoine) et les 50 % les moins biens pourvus (1,6 tCO2eq par habitant).

Ces chiffres rappellent combien la question de la justice climatique sera au centre des débats à Charm el-Cheikh, les pays subissant les plus lourds impacts du réchauffement étant ceux qui contribuent le moins à l’accumulation des GES dans l’atmosphère.

L’accélération de la transition énergétique

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) approfondit dans son dernier Energy Outlook le volet énergétique de la transition[6].

Le scénario « baseline »[7], supposant la poursuite des politiques existantes, conduit à un pic des énergies fossiles en 2025, puis à leur lent recul jusqu’en 2050, où elles ne représentent plus que 60 % des sources utilisées dans le monde (80 % en 2021). Cette trajectoire est rendue possible par la dynamique des investissements dans les énergies renouvelables, dopés par la baisse de leurs coûts de production et celle du coût du stockage de l’électricité. Elle conduit à un réchauffement de l’ordre de 2,5° C à la fin du siècle. (Cf. Illustration 5 « Émissions de Co2 dans les scénarios de l’AIE ». Source Energy Outlook, 2022).

Le scénario « engagements climatiques respectés » suppose que l’intégralité des engagements à 2030 et ceux de neutralité vers 2050 (2060 en Chine et 2070 en Inde) sont atteints. Cela provoque une accélération des investissements en faveur des énergies décarbonées et de l’efficacité énergétique, qui met le monde sur la voie d’un réchauffement de l’ordre de 1,7° C à la fin du siècle. Ce scénario fait l’hypothèse que la crise énergétique, provoquée par la guerre en Ukraine, accélère la transition, notamment en Chine et dans les grands pays émergents.

Pour atteindre les 1,5° C, il faut emprunter dès 2023 la trajectoire « net zéro » qui implique une action nettement plus vigoureuse et plus précoce pour limiter la demande finale d’énergie et déployer les énergies renouvelables, particulièrement dans les pays en développement.

Remontée de la précarité énergétique et de l’insécurité alimentaire

Le rapport de l’AIE rappelle enfin le coût humain de la remontée conjuguée des prix de l’énergie et des produits agricoles de base provoquée par la guerre en Ukraine.

Concernant l’accès à l’énergie, le rapport estime à 75 millions, le nombre de personnes qui risquent de ne plus accéder à l’électricité, faute de moyens financiers, et à 100 millions, celles qui pourraient être privées de systèmes de cuisson modernes.

Concernant la sécurité alimentaire, la guerre en Ukraine se conjugue à la récurrence des chocs climatiques pour renchérir les denrées de base, qui deviennent inaccessibles pour les plus pauvres. D’après l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)[8], le nombre de personnes en situation de sous-nutrition est remonté d’environ 600 millions au milieu de la décennie 2010 à 768 millions en 2021. D’après le Programme alimentaire mondial, il pourrait atteindre 828 millions de personnes en 2022[9].

Cette double remontée de la précarité est particulièrement marquée en Afrique, le continent qui accueille la COP 27. Ce contexte ne peut qu’attiser les débats sur l’insuffisance des transferts de ressources à destination des pays moins avancés. Sans une avancée sur ce front à Charm el-Cheikh, il deviendra illusoire de miser sur les scénarios d’accélération permettant de contenir le réchauffement nettement en dessous de 2° C.

 

Article originellement publié sur le blog de Christian de Perthuis[10].

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[1] NDLR. Site de la Cop 27, à Charm el-Cheikh.

[2] Organisation météorologique mondiale, article « Encore une mauvaise nouvelle pour la planète : les niveaux de gaz à effet de serre atteignent des records », 26 octobre 2022 : lien vers l’article.

[3] Initiative Global Methane Pledge : lien vers le site.

[4] Rapport de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques : accès au rapport.

[5] Rapport de l’UNEP Emission Gap Report 2022 : lien vers le rapport.

[6] Rapport de l’Agence internationale de l’énergie, Energy Outlook : accès au rapport.

[7] NDLR. Définition du « baseline scenario » sur le site de l’agence européenne de l’environnement : « Baseline scenarios (also known as 'reference' or 'benchmark' or 'non-intervention' scenarios) depict a future state of society and/or environment in which no new environmental policies are implemented apart from those already in the pipeline today; or in which these policies do not have a discernable influence regarding the questions being analysed ». Lien vers l’article.

[8] Article « La sécurité alimentaire et la nutrition », FAO : lien vers l’article.

[9] Article « A global food crisis – 2022 : a year of unprecedented hunger », Programme alimentaire mondial : lien vers l’article.

[10] NDLR. Article originellement publié sur le blog de Christian de Perthuis : lien vers l’article original.

Article proposé par : Christian de Perthuis Christian de Perthuis Economiste

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1 Commentaire

Laurent

Le 04/11/2022 à 7h19

pas d'eau pas de vie pas de climat : le dérèglement climatique est réel mais l'argument du CO2 est totalement bidon , le principal GES c'est la vapeur d'eau : les GES nous protège par leur effet PARASOL https://www.mediaterre.org/actu,20210106085019,1.html

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